Sophonie 2.3-11
Chapitre 2
Verset 3
Mon père était doué pour les traits d’esprit et les jeux de mots. Un jour, comme ça à table il me dit : « Je préfère le vin d’ici que l’au-delà (l’eau de là) ». Ah, ah, ah ! Moi aussi j’aime les belles tournures de phrases et j’essaie d’utiliser un vocabulaire riche et des expressions imagées. Un prédicateur a dit : « On peut être fier de sa race, fier de sa face mais aussi fier de la grâce ». Certains croyants s’enorgueillissent du fait d’être sauvés car ils pensent être les objets d’une attention particulière du Tout-Puissant. Ce n’est pas faux mais certainement pas une raison d’être fier. Comme je le dis quelques fois : « on ne peut entrer dans le royaume des cieux qu’à plat ventre et par la petite porte de derrière ».
Si le grand apôtre Paul peut dire : « de moi-même je ne me glorifierai pas, sinon de mes faiblesses » (2Corinthiens 12:5 ; LSG), je suis sûr qu’aucun d’entre nous n’a la moindre raison de gonfler la poitrine. Nous sommes tellement tordus que l’orgueil peut pointer sa tête hideuse à tout instant. Les gens religieux en particulier, trouvent très naturel de se glorifier de leur humilité. J’ai plusieurs noms au bout de la langue, mais au lieu de les citer je continue de lire dans le second chapitre du livre de Sophonie.
Tournez-vous donc vers l’Éternel, vous tous les humbles du pays, vous qui faites ce qui est droit, cherchez à accomplir ce qui est juste. Efforcez-vous d’être humbles ; peut-être serez-vous mis à l’abri au jour de la colère de l’Éternel (Sophonie 2.3).
Le prophète joue ici sur la signification de son nom qui veut dire « celui que le Seigneur cache ». Sophonie s’adresse plus spécialement aux Israélites pieux du royaume, ceux qui sont humbles dans le sens qu’ils se sentent dépendants de la grâce de Dieu, mais cette exhortation est tout aussi valable pour les non-Juifs qui cherchent à plaire à l’Éternel. Sophonie veut encourager toutes les personnes bien disposées à l’égard de Dieu à se tourner davantage vers lui. Dans la pratique, cela signifie accomplir méticuleusement ce qui est juste devant Dieu et envers son prochain (Deutéronome 16.20), et deuxièmement c’est adopter une attitude de soumission envers Dieu. Alors, peut-être que le jour du jugement, l’Éternel mettra les personnes pieuses du pays à l’abri en les cachant de manière à ce qu’elles ne soient pas massacrées avec les impies. Dans le psaume 27, le psalmiste écrit :
Il me cache sous sa tente dans les jours du malheur. Au secret de son tabernacle, il me tient abrité ; sur un rocher, il me met hors d’atteinte (Psaumes 27.5).
Il est bien vrai que lors de l’invasion de Juda et de la prise de Jérusalem par les Chaldéens, des multitudes sont sommairement exécutées, cependant beaucoup de petites gens sont épargnées, laissées tranquilles, et les envahisseurs leur partagent même les terres avec l’ordre de les faire fructifier afin que le pays ne devienne pas stérile et inculte. D’autres sont emmenés captifs à Babylone et on peut dire sans risque de se tromper que le voyage n’a pas dû être de tout repos. Mais une fois installés en Babylonie, ces Israélites peuvent mener une existence relativement tranquille et même se lancer dans les affaires, au point où leur qualité de vie devient un peu trop confortable. En effet, après que le roi perse Cyrus autorise les Juifs de retourner au pays et de reconstruire Jérusalem, ils ne se bousculent pas au portillon. Zorobabel, prince de Juda et chef politique, ne peut réunir que 50 000 colons pour le suivre (en 538) et refaire de Juda une nation. Il faut dire aussi que les perspectives ne sont guère brillantes : après un voyage éreintant, ils sont accueillis par un champ de ruines et une population païenne antagoniste.
Jusqu’à présent, Sophonie a surtout annoncé le jugement des Israélites de Juda parce qu’ils pratiquent l’idolâtrie ou sont indifférents à l’Éternel. Si la plupart d’entre eux ne l’ont pas totalement abandonné, leur dévotion est partagée entre les divinités des nations qui les entourent et le Dieu de leurs ancêtres, qui se trouve ainsi réduit au rang de petit dieu qu’on place sur une étagère, et de bon dieu à qui on fait appel en cas de besoin. Au final, on peut dire que les Israélites sont des jouisseurs prêts à rendre un culte à n’importe quelle idole qui leur accordera la prospérité. Le peuple élu ne connaît donc plus l’Éternel et l’a réduit à un talisman, une sorte de patte de lapin qui fait office de porte-bonheur. C’est aussi de cette façon que le considère l’immense majorité de nos contemporains y compris des chrétiens évangéliques.
Sophonie condamne plusieurs catégories du peuple : les grands qui abusent de leur pouvoir, et les riches commerçants qui ne croient pas que l’Éternel intervient dans les affaires des hommes (Sophonie 1.8-13). Mais le jugement de Dieu fondra sur tous les coupables où qu’ils soient.
Pour illustrer le châtiment à venir, le prophète utilise « le jour de l’Éternel, jour grand et terrible » (Joël 2.31), quand Dieu déchaînera sa colère. Le langage de Sophonie est particulièrement imagé et explicite à faire dresser les cheveux sur la tête. Il parle d’un festin offert par l’Éternel à une nation ennemie qui viendra se repaître de Juda (Sophonie 1.7 et suivant) ; il utilise l’image des ténèbres qui enserreront le royaume de Juda et produiront l’horreur, l’épouvante, la détresse et la destruction (Sophonie 1.14-18). Cependant, les humbles qui reconnaissent qu’ils ont besoin de l’Éternel, qui lui font confiance et vivent selon la justice échapperont au jugement.
Nous arrivons maintenant à une nouvelle section du livre de Sophonie (Sophonie 2.4-15) où il est question du jugement des nations, un passage qui nous rappelle que le Dieu du ciel demande des comptes à tous les peuples de la terre. L’Éternel n’est pas une divinité locale mais le Créateur de tout ce qui existe, le Dieu unique et vrai. Comme nous habitons chez lui et que nous sommes sur sa propriété, il a son mot à dire sur la façon dont nous menons notre vie. Or, il a établi des règles qui constituent la partie morale de la loi de Moïse et qui s’appliquent à l’ensemble de l’humanité. Par contre, les lois d’ordre religieux, cérémoniel, politique ou national, ont été données spécifiquement au royaume théocratique d’Israël. Mais toutes celles qui ont une dimension morale comme les X Commandements à l’exception du Sabbat, concernent chaque être humain et Dieu entend bien qu’on les respecte.
Dans toutes les cultures existe la notion du bien et du mal parce qu’elle est innée au cœur de l’homme, même si elle peut varier considérablement d’un peuple à un autre. Ainsi, chez les cannibales et chasseurs de têtes du Pacifique sud, manger un ennemi fait partie des us et coutumes de la tribu. On peut s’élever contre cette pratique mais avant de les traiter de sauvages arriérés, il faut savoir que ces mêmes indigènes ont un haut sens de l’honnêteté. N’importe qui peut laisser ses biens n’importe où, même des objets de valeur comme des armes ou des outils, et il peut être sûr qu’il les retrouvera car aucun indigène n’y aura touché. En France, on ne mange pas les gens qui nous déplaisent, mais si par inadvertance vous oubliez votre sacoche quelque part, cinq minutes plus tard elle aura disparu, et si vous allez déposer plainte au commissariat, on vous dira : « Mais mon bon Monsieur, vous plaisantez. Faites le deuil de votre argent et fouillez les buissons des environs et peut-être retrouverez-vous votre sacoche et vos papiers ». Qui sont les sauvages ?
Maintenant, Sophonie va annoncer le jugement de Dieu aux Philistins qui habitent au sud-ouest de Juda, aux Moabites et aux Ammonites qui sont à l’est, aux Éthiopiens au sud, et enfin aux Assyriens au nord. On trouve une prophétie similaire chez les prophètes Ézéchiel (ch. 25) et Amos (ch. 1-2).
Verset 4
Je continue de lire le texte.
Gaza sera abandonnée, Askalon sera dévastée, les habitants d’Ashdod seront chassés au loin à l’heure de midi. Ekrôn sera déracinée (Sophonie 2.4).
Midi est l’heure de la sieste car c’est le moment le plus chaud de la journée et le moins propice à une attaque. L’heure de midi signifie donc « soudainement et de manière inattendue ».
Le pays des Philistins fait partie de la Terre promise par l’Éternel à son peuple (Josué 13.1-7). C’est une plaine ondulée située entre 15 et 30 mètres au-dessus du niveau de la mer. Elle s’étend sur 55 km de long et fait de 16 à 26 km de large. Les quatre villes citées sont parmi les cinq principales des Philistins ; le prophète Amos les mentionne également. Si Gath, la cinquième grande ville ne figure pas dans la liste, c’est probablement parce qu’elle se trouve alors sous la domination de Juda (2Chroniques 26.6 ; 2Rois 18.8).
Ces villes sont citées en allant du sud au nord. Gaza est la ville la plus au sud de ce territoire côtier, puis vient Askalon. Asdod est au nord et Ekrôn plus au nord et à l’est. En hébreu, le sort de ces villes est décrit sous forme de jeux de mots, par une assonance à la fois entre Gaza et abandonnée, et entre Ekrôn et déracinée. C’est comme si nous disions quelque chose comme : « Gaza sera gaspillée, Ekrôn sera écrasée ».
Tous les habitants de Gaza furent déportés par les Babyloniens et la ville entièrement abandonnée, mais Alexandre le Grand la repeupla. Gaza tombe ensuite dans le giron de l’Égypte avant d’être entièrement rasée (en 198 avant Jésus Christ) par le grec Antiochus III le Grand (241-187), le souverain le plus important (222-187) de la dynastie Séleucide de Syrie. Souvent reconstruite et rasée, la Gaza actuelle qui a donné son nom à la « bande de Gaza », se trouve sur une colline composée de l’accumulation des ruines des villes précédentes.
De l’antique ville d’Askalon, qui fut reconstruite entre autres par Richard cœur de lion, il ne reste que quelques ruines occupées par des buissons épineux et habitées par des lézards et des hiboux ; un lieu sinistre qui sert de repaire aux chacals. Ekrôn est un petit village qui fait partie du territoire d’Israël. À proximité de l’antique ville d’Ashdod, les Israéliens ont construit un port, une raffinerie de pétrole ainsi que de nombreuses habitations.
Verset 5
Je continue le texte.
Malheur aux habitants des côtes de la mer, au peuple venu de la Crète ! Car contre vous se fait entendre la parole de l’Éternel : “ Malheur à Canaan, pays des Philistins ! Je te dévasterai (Jérémie 47.4-5 ; Ézéchiel 25.15-17) et je te viderai de tous tes habitants ” (Sophonie 2.5).
Le mot « Canaan » signifie « basse terre ». À l’origine c’est le nom de la Phénicie et du pays des Philistins. Quant au mot « philistin », en langue éthiopienne il signifie « émigrant », et « Philistine » a donné le mot Palestine.
Les Philistins qui sont alors établis sur la côte méditerranéenne du pays de Canaan sont originaires de l’île de Crète (Genèse 10.14) aussi appelée « Kaphtor » dans les Écritures (Jérémie 47.4 ; Amos 9.7). Suite à l’oracle de Sophonie, c’est le pharaon Néco II (609-594) qui est le premier à dévaster la Philistie.
Versets 6-7
Je continue le texte.
La région de la mer servira de pacages, de grottes pour les bergers et de parcs à moutons. Ce district va échoir aux survivants du peuple de Juda. Ils y mèneront paître leurs troupeaux. Le soir, ils se reposeront dans les maisons à Askalon, car l’Éternel, leur Dieu, interviendra pour eux et changera leur sort (Sophonie 2.6-7).
Ici, la ville de « Askalon » sert à désigner l’ensemble du pays des Philistins. Il y aura si peu d’habitants qu’il sera simplement annexé par Israël. Après le passage des Chaldéens, les Israélites survivants très pauvres sont autorisés à rester au pays et subsistent alors par l’agriculture et l’élevage. Il en sera de même de ceux qui reviendront de l’exil babylonien. Ce qui fut autrefois le pays des Philistins leur servira de pâturages où ils feront paître leurs troupeaux.
Littéralement, le texte dit : « l’Éternel leur Dieu les visitera et les ramènera de captivité ». Dans les Écritures : « Dieu visitera » a souvent un sens négatif de jugement, mais ici cette expression veut évidemment dire « bénira » (Luc 1.68). Il est intéressant de remarquer que Sophonie prophétise non seulement la déportation des habitants de Juda, mais aussi leur retour d’exil (Joël 4.1 ; Michée 4.10).
Depuis Moïse, la promesse constamment réitérée par les prophètes est que Dieu sauvera toujours un petit reste de son peuple et qu’il le rétablira dans son pays (Deutéronome 30.3-4 ; Jérémie 29.14). Cependant, l’accomplissement final et définitif de cette prophétie est de nature spirituelle et aura lieu lorsque le Messie établira son royaume millénaire.
Verset 8
Je continue le texte.
J’ai entendu les propos insultants des Moabites, et les outrages des Ammonites qui insultaient mon peuple et qui s’agrandissaient aux dépens de son territoire (Sophonie 2.8).
Les « Moabites et les Ammonites » sont deux peuples issus du neveu d’Abraham Loth avec ses deux filles. Comme leurs fiancés ont péri dans Sodome et qu’elles désirent une descendance, deux soirs de suite, elles enivrent leur père afin que chacune d’elle puisse avoir des relations sexuelles avec lui. Cette curieuse histoire est racontée dans le livre de la Genèse (Genèse 19.30-38).
Ces deux peuples ont toujours eu une attitude belliqueuse envers Israël dont ils sont apparemment jaloux. Les Moabites en particulier sont d’un orgueil extrême, et les Ammonites ne valent guère mieux, ce qui est souligné dans plusieurs passages de l’Ancien Testament (comparez Ésaïe 16.6 ; 25.10-11 ; Jérémie 48.29 ; Ézéchiel 25.1-3, 6 ; Amos 1.13).
Quand les Hébreux sont arrivés aux portes de la Terre promise, Balak, roi de Moab, engage et achète le prophète Balaam pour qu’il maudisse Israël (Nombres 22). Plus tard, pendant la période sordide des Juges, les deux nations essaient constamment de subjuguer les Israélites (Juges 3.12-14 ; 10.7-9 ; 11.4-6). Ici, Dieu reproche à ces deux peuples leurs propos insultants et leur attitude expansionniste. Dès que les circonstances leur sont favorables, les Moabites et les Ammonites s’attaquent à Israël afin d’étendre leur territoire.
On peut toujours se dire qu’à cette lointaine époque c’est de bonne guerre. Mais pas vraiment, parce que c’est l’Éternel qui a fixé à son peuple ses frontières (Deutéronome 32.8), ce qui veut dire que les violer et rogner une partie de la Terre promise, c’est comme empiéter sur les plates-bandes du Tout-Puissant ; une très mauvaise idée car un crime de lèse-majesté.
Verset 9
Je continue le texte.
Aussi vrai que je vis, déclare l’Éternel, le Seigneur des armées célestes, dieu d’Israël : Moab sera comme Sodome, les Ammonites seront comme Gomorrhe, leur pays deviendra un lieu couvert d’orties, une mine de sel, et une terre dévastée à perpétuité. Le reste de mon peuple les pillera, oui, ce qui restera de ma nation en prendra possession (Sophonie 2.9).
L’expression, « Aussi vrai que je vis », exprime la certitude (Deutéronome 32.40 ; Ésaïe 49.18) ; Dieu attache son existence et son essence même à la vérité de sa déclaration. En se proclamant « le Seigneur des armées célestes et le Dieu d’Israël », l’Éternel dit que, d’une part, il est capable de mettre ses menaces à exécution, et d’autre part, il est prêt à punir le mal qui a été fait à son peuple.
La sévérité du jugement qui frappera les Moabites et les Ammonites est semblable à celle qui a effacé à tout jamais l’existence de Sodome et Gomorrhe, une tragédie qui eut lieu au temps de leur ancêtre Loth, le neveu d’Abraham. L’un des châtiments de Moab correspond à l’une de ses fautes. Comme il a voulu s’étendre au détriment d’Israël, il perdra son pays. « Amman », capitale de la Jordanie, est un mot dérivé du nom de l’ancien territoire de « Ammon », par contre, aucune de ses anciennes villes, ni de celles de Moab, n’a été reconstruite ; ce sont des amas de ruines qui témoignent de la véracité de la prophétie de Sophonie. Parce qu’ils sont à proximité de la Mer morte, ces espaces mornes regorgent de sel, ce qui les rend impropres à l’agriculture.
Comme les prophètes Abdias (ch. 19, 21), Michée (7.11), et Zacharie (10.10), Sophonie annonce que le territoire d’Israël s’élargira au-delà des frontières du territoire promis par l’Éternel à Abraham car il inclura alors les pays d’Ammon et de Moab, mais cela n’aura lieu que lorsque le Messie établira son règne de mille ans (Ésaïe 14.1-2).
Versets 10-11
Je continue.
Cela leur adviendra pour prix de leur orgueil, car ils ont insulté le peuple de l’Éternel, le Seigneur des armées célestes, et se sont agrandis à ses dépens. Avec eux, l’Éternel se montrera terrible, car il anéantit tous les dieux de la terre, et toutes les nations, jusques aux plus lointaines, se prosterneront devant lui, chacune sur son territoire (Sophonie 2.10-11).
Sophonie répète les raisons du jugement des Ammonites et des Moabites, puis le texte hébreu dit littéralement que l’Éternel « amaigrira » tous les faux dieux. Les nations païennes ayant disparu, il n’y a plus personne pour offrir un culte aux idoles. Kémosh, la divinité des Moabites, et Moloch, celle des Ammonites, restent donc sur leur faim. Alors, en la personne de Jésus-Christ le Messie, les hommes apprendront à vénérer l’Éternel et on ne l’adorera pas seulement à Jérusalem mais dans le monde entier (Ésaïe 19.18-19 ; Malachie 1.11).
Commentaire biblique radiophonique écrit par le pasteur et docteur en théologie : Vernon McGee (1904-1988) et traduit par le pasteur Jacques Iosti.