Matthieu 5.1-16
Chapitre 5
Introduction
Quand j’étais enfant et qu’il fallait aller à l’église le dimanche, je trouvais le temps long parce que je ne comprenais pas ce qui s’y passait. Je me souviens aussi que notre curé était un bon vivant, car mon père disait qu’il aimait bien le Kirsh d’Alsace et peut-être aussi les femmes, car lorsqu’il est parti, les mauvaises langues disaient que c’était à cause de ça qu’il avait été muté ailleurs. Il n’empêche que moi je l’aimais bien Monsieur le curé, parce que quand il venait avec nous à la pêche, il démêlait mes lignes. Alors à l’église, je faisais quand même l’effort d’écouter ses sermons.
C’est dommage que le proverbe Qui aime bien écoute bien n’existe pas. La plupart de ceux qui suivaient Jésus et qui sont restés pour l’entendre donner le Sermon sur la Montagne avaient été l’objet de sa compassion et souvent d’une guérison ; ils aimaient l’homme. Pourtant, les préceptes qu’il a exposés n’étaient pas du genre à chatouiller les oreilles de ses auditeurs. Loin de là, c’était un enseignement musclé à faire hérisser les cheveux sur la tête tellement il était sévère. Le Sermon sur la Montagne peut être découpé en 4 sections distinctes : tout d’abord, il fait le portrait du caractère des sujets du royaume. Puis, il établit leur rapport vis-à-vis de la Loi de Dieu. Ensuite, il décrit leur dépendance envers Dieu. Et enfin, il explique leur relation vis-à-vis d’autrui.
Versets 1-3
Je commence à lire le chapitre 5 de l’Évangile selon Matthieu.
Jésus, voyant ces foules, monta sur une colline. Il s’assit, ses disciples se rassemblèrent autour de lui et il se mit à les enseigner. Il leur dit : Heureux ceux qui se reconnaissent spirituellement pauvres, car le royaume des cieux leur appartient (Matthieu 5.1-3).
À cette époque, la position assise était adoptée par tous ceux qui enseignaient. Dans le passage parallèle, Luc mentionne qu’un grand nombre de disciples était présent, ce que Matthieu ne dit pas. Comme ce dernier s’adressait d’abord aux Juifs, il ne voulait pas offenser ou dénigrer outre mesure le rôle des scribes, les interprètes officiels de la Loi, car eux ne rassemblaient pas grand monde par leur prêche. Ce Sermon débute non par ce que nous devons faire, mais par ce que nous devrions être. C’est comme je l’ai dit, une description des sujets du roi.
Le terme heureux revient 9 fois au début de l’enseignement de Jésus. Cette formule est fréquente dans l’Ancien Testament, surtout dans les livres des Proverbes et des Psaumes ; ce dernier débute d’ailleurs lui aussi par Heureux l’homme, et décrit la situation de celui qui est approuvé par Dieu et qui en retour reçoit sa bénédiction. Commencer un sermon ainsi suscite de l’intérêt, car qui ne veut pas être heureux ? L’homme est en perpétuelle quête du bonheur, mais rares sont ceux qui sont satisfaits de leur vie. Aussi, sommes-nous constamment assaillis par des publicités offrant de nous distraire en vantant le plaisir suscité par tel ou de tel produit. Dieu qui nous a créés sait exactement de quoi j’ai besoin et ce qui va m’apporter une satisfaction durable, le contentement en somme.
Les idées que va présenter Jésus sont aux antipodes de celles couramment émises par l’opinion publique, le pouvoir en place ou les masses médias. Il n’est donc pas étonnant que la plupart de ceux qui par hasard lisent ce Sermon, aient un petit, que dis-je, un grand sourire en coin, parce que l’idée répandue est que la vie chrétienne ne peut qu’être austère et tristounette. Il n’est donc pas étonnant non plus que les Français détiennent le triste record mondial des plus grands consommateurs de psychotropes, les tranquillisants et les antidépresseurs qui servent de béquille pour supporter la vie.
Jésus-Christ va énoncer 8 béatitudes qui caractérisent celui qui fait partie du royaume de Dieu. Le premier de ces 8 traits de plume concerne les pauvres en esprit. Ces gens reconnaissent leur misère spirituelle et ont appris à dépendre pleinement et uniquement de Dieu et de sa grâce. La pauvreté en elle-même n’est pas une vertu. Si je suis démuni d’argent ou de talent ou de quoi que ce soit, que d’autres possèdent, n’ajoute rien de positif à mon caractère. Mais ce que les sujets du royaume ont de particulier est qu’ils se frappent la poitrine, se reconnaissant indignes devant le Créateur du ciel et de la terre. C’est cette attitude repentante qui leur attire la faveur du ciel. Je lis un passage :
Car ainsi parle le Très-Haut, dont la demeure est éternelle et dont le nom est saint : J’habite dans les lieux élevés et dans la sainteté, mais je suis avec l’homme contrit et humilié. Voici sur qui je porterai un regard favorable : sur celui qui est humilié, et qui a l’esprit abattu, sur celui qui respecte ma parole (Ésaïe 57.15 ; 66.2).
Si je me crois capable de suivre les enseignements du Christ, je ne suis pas pauvre en esprit, mais prétentieux.
Jésus édicte donc la constitution de son royaume et commence à décrire les règles à suivre par ceux qui veulent en faire partie. En ce qui me concerne, je sais déjà que je suis recalé. Cela ne m’empêche pas de prendre le Sermon sur la Montagne comme modèle de vie. Néanmoins, je dois admettre en toute humilité que je n’ai pas en moi la capacité d’obéir en tout point aux enseignements du Christ, parce que je suis spirituellement banqueroute. La reconnaissance de sa misère devant le Créateur est le premier pas vers la nouvelle vie que Dieu veut nous donner.
La première des béatitudes énoncées par Jésus consiste donc à avouer que je ne peux pas satisfaire les exigences divines. La Bonne Nouvelle qui sera annoncée en Jésus est que Dieu le savait très bien et avait prévu d’avance une autre façon pour moi de devenir juste à ses yeux, par un acte de foi en la personne de son Fils qui est mort et ressuscité.
Verset 4
Je continue avec la deuxième béatitude.
Heureux ceux qui pleurent, car Dieu les consolera (Matthieu 5.4).
Dieu réconforte ceux qui se lamentent sur leur condition spirituelle, ceux qui sont consternés par leurs fautes et leurs manquements. Dans une des Épîtres du Nouveau Testament, Dieu est appelé le Père des miséricordes et de toute consolation.
Verset 5
Je continue.
Heureux ceux qui sont humbles, car Dieu leur donnera la terre en héritage (Matthieu 5.5).
Il s’agit des gens complaisants et pacifiques, doux et dociles, qui ne jalousent pas ceux qui ont du succès et qui ne rendent pas le mal pour le mal. N’étant agressifs ni dans les affaires ni dans leur vie privée, on ne les remarque pas, on oublie même qu’ils existent, un peu comme la tapisserie dans une pièce, on y fait plus attention. Comme ils se font facilement marcher dessus, ils figurent rarement parmi les grands de ce monde. L’apôtre saint Paul dans une de ses Épîtres écrit :
Considérez donc votre situation, frères : qui êtes-vous, vous que Dieu a appelés à Lui ? On ne trouve parmi vous que peu de sages selon les critères humains, peu de personnalités influentes, peu de membres de la haute société ! Dieu choisit les choses folles du monde pour confondre les sages ; Dieu a choisi les choses faibles du monde pour confondre les fortes. Dieu a porté son choix sur ce qui n’a aucune noblesse et que le monde méprise, sur ce qui est considéré comme insignifiant pour réduire à rien ce que le monde estime important (1Corinthiens 1.26-28).
Ce texte exprime bien la vision du monde selon Dieu. La terre que posséderont les humbles est le royaume messianique et la nouvelle création telle qu’elle est décrite à la fin du livre de l’Apocalypse. Avoir son lopin de terre est important pour l’être humain. L’abus des paysans par les grands propriétaires a toujours été une source de conflits et de révolutions, que ce soit au Moyen-Orient, en Amérique Latine ou en Asie du Sud-Est pour mentionner des points chauds. Partout et de tout temps, ce problème se passe souvent très mal à coups de fusil.
Verset 6
Je continue avec la 4e béatitude.
Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés (Matthieu 5.6).
Monsieur tout le monde parle de la nécessité de justice dans le monde, mais est surtout intéressé par ce qui fait avancer ses petites affaires. C’est pourquoi la justice au sens où Dieu l’entend n’existe pour ainsi dire pas sur notre planète. En fait dans un des livres de l’Ancien Testament, il y a un texte qui en dit lourd sur la perversité de nos structures politiques et sociales. Je le lis :
Si tu vois dans une région que les pauvres sont opprimés, que la justice et le droit sont bafoués, ne t’étonne pas trop de la chose, car chaque fonctionnaire est subordonné à un supérieur, et au-dessus d’eux, il y a encore des supérieurs hiérarchiques (Ecclésiaste 5.7).
Les systèmes humains sont corrompus depuis le haut ce qui entraîne l’injustice en bas. La différence entre un chrétien et un non-croyant n’est pas que le premier a une conduite plus droite que le second, car ce n’est pas toujours le cas. La grande distinction est que le chrétien se sait injuste, mais désire vivre comme Dieu le demande et aspire à l’établissement du royaume de Jésus-Christ sur terre.
Verset 7
Je continue le texte.
Heureux ceux qui témoignent de la miséricorde, car Dieu sera bon pour eux (Matthieu 5.7).
Ces gens généreux viennent en aide à ceux qui sont dans le besoin. Le sujet n’est pas de gagner son ciel en faisant des bonnes actions, mais de décrire l’attitude de ceux qui veulent être dignes de faire partie du royaume. Cette règle de vie est la conduite que Jésus-Christ demande à tous ceux qui veulent être ses disciples.
Verset 8
Je continue.
Heureux ceux dont le cœur est pur, car ils verront Dieu (Matthieu 5.8).
Ce sont ceux dont le cœur est entièrement consacré à Dieu. La purification cérémonielle était une manie des Juifs contemporains du Christ. Mais ce qui compte devant Dieu, c’est l’intérieur et pas les formes extérieures de piété. Jésus compara les religieux de son temps aux sépulcres blanchis qui paraissent beaux au-dehors, mais qui au-dedans sont pleins d’ossements et de chair en pourriture. L’hypocrisie a toujours été un très grand fléau du christianisme. La pureté dont Jésus parle n’est donc pas d’ordre rituel, mais bien plutôt de l’orientation fondamentale de la personne.
Verset 9
Je continue.
Heureux ceux qui répandent autour d’eux la paix, car Dieu les reconnaîtra pour ses fils (Matthieu 5.9).
Une autre version dit : Heureux les faiseurs de paix. Ce sont ceux qui renoncent à la violence pour défendre leurs intérêts personnels ou qui essaient de réconcilier les différents partis en conflit. Les foyers de guerre et les contextes d’hostilité abondent en ce bas monde, mais cette béatitude s’applique aux individus et non aux gouvernements. Quand on me coupe la route en bagnole, ma première réaction n’est pas la bonne. Je voudrais avoir entre les mains la voiture de James Bond, alias 007 parce qu’il avait de l’artillerie lourde à portée du doigt. Jésus-Christ nous demande d’œuvrer pour la paix tout autour de nous et cela commence avec moi vis-à-vis de ceux qui m’offensent.
Versets 10-12
Je continue.
Heureux ceux qui sont opprimés pour la justice, car le royaume des cieux leur appartient. Heureux serez-vous quand les hommes vous insulteront et vous persécuteront, lorsqu’ils répandront toutes sortes de calomnies sur votre compte à cause de moi. Oui réjouissez-vous alors et soyez heureux, car une magnifique récompense vous attend dans les cieux. Car vous serez ainsi comme les prophètes d’autrefois : eux aussi ont été persécutés avant vous de la même manière (Matthieu 5.10-12).
Ces béatitudes ne sont pas franchement nouvelles. Sous forme embryonnaire, on les retrouve presque toutes dans un des psaumes de David (Psaumes 37). Jésus reprend ces principes de vie, les peaufine et les applique à ceux qui veulent devenir membres de son royaume. La 8e béatitude est la seule où Jésus répète le mot heureux. Il promet bonheur, joie et récompenses à ceux qui mèneront une vie juste selon Dieu demeurant fermes pour Lui au milieu des persécutions. Par cette dernière béatitude, Jésus s’adresse plus spécifiquement à son cercle intime, puisqu’il dit heureux serez-vous au lieu du pronom indéfini heureux ceux qu’il a utilisé jusqu’ici. Les disciples ont dû être surpris d’entendre Jésus dire que s’ils le prenaient pour Maître, tôt ou tard ils seraient persécutés à cause de lui.
Qui veut souffrir ? C’est pourtant la condition requise afin d’obtenir la récompense promise dans les cieux. Il faut une bonne dose de foi pour entrer dans cette logique. Pourtant, si je ne me trompe pas, c’est le philosophe Nietzsche qui a dit : Seuls ceux qui ont une cause pour laquelle ils sont prêts à mourir, ont une vraie raison de vivre. Cette béatitude était prophétique, car elle s’est accomplie à maintes reprises ; l’histoire du christianisme inclut une longue liste de martyres qui ont perdu leur vie à cause du Christ. Ses exigences sont sévères. Dans la 8e béatitude, Jésus assimile ses disciples aux prophètes de l’Ancien Testament, car comme eux ils sont appelés à être ses porte-paroles. Et en comparant ceux qui souffriront pour lui aux Juifs pieux de l’Ancien Testament qui furent persécutés pour Dieu, le Christ proclame son égalité avec l’Éternel. De plus, il met en parallèle à cause de moi et pour la justice. En d’autres mots, il se dit l’incarnation de la Justice.
L’appartenance au royaume dépend donc de l’attitude que l’on adopte par rapport à lui. Ces paroles étaient dures à entendre il y a 2 000 ans et elles le sont toujours aujourd’hui. On a fait du Christ un grand philosophe, le premier humaniste, un révolutionnaire et que sais-je encore. Cependant, devant ceux qui l’écoutaient, Jésus ne s’est jamais défini comme un homme bon, mais Emmanuel, Dieu avec nous. Il s’est proclamé Fils de Dieu égal au Père éternel, ce qui fut le motif de sa condamnation par les religieux juifs.
Verset 13
Je continue le texte.
Vous êtes le sel de la terre. Si ce sel perd sa saveur, avec quoi la salera-t-on ? Ce sel ne vaut plus rien : il n’est bon qu’à être jeté dehors et piétiné (Matthieu 5.13).
Le sel de Palestine contenait beaucoup de cristaux n’ayant aucun pouvoir salant. Lorsqu’il était exposé à l’humidité, le chlorure de sodium qui donne le goût salé fondait et seule la gangue inutile restait. Du temps de Jésus, le sel avait une valeur considérable au point où à certains moments il était plus cher que l’or. Il servait à donner de la saveur aux aliments, à lutter contre la transpiration et surtout à l’époque à conserver les aliments. Selon Jésus, le disciple doit avoir le même effet sur son entourage que le sel. Il doit donner du goût à la vie qu’il mène et au message qu’il annonce de sorte que les gens qu’il rencontre désirent en savoir davantage sur le Seigneur. De plus, par sa présence, il est censé ralentir la corruption morale autour de lui. Beaucoup de gens qui se disent chrétiens sont très peu épicés, ils ont un goût fade et manquent vraiment de chlorure de sodium. Ils sont comme du poivre de Cayenne qui a perdu son feu, il ne sert à rien. Un vrai croyant doit correspondre à la description qu’en donne Jésus dans son Sermon sur la Montagne.
Versets 14-16
Je continue.
Vous êtes la lumière du monde. Une ville au sommet d’une colline n’échappe pas aux regards. Il en est de même d’une lampe ; si on l’allume, ce n’est pas pour la mettre sous un récipient : au contraire, on la fixe sur un pied de lampe pour qu’elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison. C’est ainsi que votre lumière doit briller devant tous les hommes, pour qu’ils voient le bien que vous faites et qu’ils en attribuent la gloire à votre Père céleste (Matthieu 5.14-16).
Après le sel, vient la lumière qui, elle aussi, prévient la corruption, mais chasse également les ténèbres, éclaire, révèle ce qui est caché, guide, réjouit le cœur et fait vivre. En fait du point de vue physique, la lumière demeure un mystère à cause de sa complexité. Les Écritures comparent ce monde à des ténèbres soumises à Satan, appelé le Prince des ténèbres. Le vrai croyant est appelé à avoir la même action que le sel et la lumière.
Face à l’enseignement de Jésus, et tout comme dans l’Ancien Testament le peuple va devoir choisir entre la bénédiction, heureux ceux qui et la malédiction qui sera décrite plus loin, entre la vie et la mort, tel est le choix. Mais il est déroutant, car le message du royaume est complètement inattendu à ceux qui, nombreux à l’époque, rêvent d’une guerre sainte contre l’oppresseur païen romain ou s’enferment dans la pureté rituelle. Les sujets du royaume qui posséderont la terre sont appelés à ressembler à Jésus, à réfléchir leur maître comme la lune reflète le soleil. Il y aura un prix à payer, car l’homme doux et humble de cœur qui procure la paix, Jésus, a aussi été maltraité puis injustement mis à mort. C’est en s’engageant ainsi que les fils du royaume seront la lumière du monde et le sel de la terre, malgré l’opposition qu’ils vont subir. C’est tout un programme, mais combien exigeant.
Commentaire biblique radiophonique écrit par le pasteur et docteur en théologie : Vernon McGee (1904-1988) et traduit par le pasteur Jacques Iosti.