Matthieu 14.1 – 15.2
Chapitre 14
Introduction
La vie de tout être humain, même le plus ordinaire, est ponctuée par des moments forts, heureux et malheureux ; il n’y a qu’à penser au jour de la naissance et de la mort. Pour beaucoup d’entre nous, d’autres événements exceptionnels jalonnent notre route comme le mariage, le premier poste de responsabilité ou un drame qui change tout. Il en fut de même pour Jésus. L’arrestation de Jean-Baptiste avait marqué le commencement de son ministère public en Galilée. Lorsqu’il fut décapité, il restait au Christ environ un an avant son exécution. Il changea alors sa stratégie, se retira des centres de populations et concentra ses efforts sur la formation de ses disciples. Ce sont eux, en effet, qui seront appelés à établir l’Église.
Versets 1-2
Je commence à lire le chapitre 14 de Matthieu.
À cette époque, Hérode, le gouverneur de la Galilée, entendit parler de Jésus. — Cet homme, dit-il à ses courtisans, c’est sûrement Jean Baptiste : le voilà ressuscité des morts ! C’est pour cela qu’il détient le pouvoir de faire des miracles (Matthieu 14.1-2).
Il s’agit d’Hérode Antipas, fils d’Hérode le Grand. Il avait hérité de son père le quart de son ancien royaume, une région qui comprenait la Galilée, le territoire que Jésus sillonnait. L’historien juif Josèphe, qui n’était pas un sympathisant du Christ, vécut au moment où ces événements eurent lieu. Il était très pointilleux dans les détails qu’il donne ce qui nous rend bien service aujourd’hui, car tout ce qu’il a écrit concorde avec les récits du Nouveau Testament. Josèphe mentionne Jean-Baptiste de nom et écrit que l’histoire, racontée par Matthieu, s’est passée dans une forteresse à 1 100 mètres d’altitude appelée Machéronte, située à l’est de la Mer Morte. Hérode avait épousé la femme de son frère Philippe, ce qui avait scandalisé la population et provoqué une guerre avec le père de son ancienne épouse. Cette sombre affaire de mœurs faisait, façon de parler, les choux gras des journaux de l’époque. S’il n’y avait eu rien d’autre, on aurait oublié toute l’affaire. Malheureusement, Hérode était à la fois un alcoolique invétéré et un lâche assassin.
Voilà maintenant que ce roi superstitieux voit en Jésus la réincarnation de sa victime. La crédulité de l’homme du 21e siècle, tout comme celle d’Hérode, est étonnante. Certains pensent vraiment avoir déjà existé dans une vie antérieure et d’autres espèrent trouver leur voie dans l’occultisme. Ça me rappelle une vieille chanson où il est dit : Crois celui qui peut croire, moi j’ai besoin d’espoir sinon je ne suis rien ou bien si peu de choses. Celui qui rejette la Parole de Dieu est forcé de croire en quelque chose, n’importe quoi, une idéologie, la science ou soi-même.
Versets 3-9
Je continue le texte :
En effet, Hérode avait ordonné d’arrêter Jean, l’avait fait enchaîner et jeter en prison, à cause d’Hérodiade, la femme de Philippe, son demi-frère, parce qu’il lui disait : — Tu n’as pas le droit de la prendre pour femme. Hérode cherchait donc à le faire mourir. Mais il craignait la foule, car elle considérait Jean-Baptiste comme un prophète. Or, le jour de l’anniversaire d’Hérode, la fille d’Hérodiade exécuta une danse devant les invités. Hérode était sous son charme : aussi lui promit-il, avec serment, de lui donner tout ce qu’elle demanderait. À l’instigation de sa mère, elle lui dit : — Donne-moi ici, sur un plat, la tête de Jean-Baptiste. Cette demande attrista le roi. Mais à cause de son serment et de ses invités, il donna l’ordre de la lui accorder (Matthieu 14.3-9).
Cette scène donne une idée des excès qui caractérisait la cour d’Hérode, ce que confirment aussi les témoignages de l’historien juif Josèphe. Hérode avait fait arrêter Jean-Baptiste, car il était furieux que cet empêcheur de tourner en rond se mêle de ses affaires. Avec le temps cependant, son attitude envers ce prophète courageux changea selon un texte parallèle que je cite :
Hérode craignait Jean. Il savait que c’était un homme juste et saint. Il le protégeait donc. Quand il l’entendait parler, il en restait fort perplexe. Et pourtant, il aimait l’entendre (Marc 6.19-20).
Versets 10-11
Je continue le texte.
Il envoya le bourreau décapiter Jean-Baptiste dans la prison. La tête du prophète fut apportée sur un plat et remise à la jeune fille qui la porta à sa mère (Matthieu 14.10-11).
Jean-Baptiste précède Jésus jusque dans la mort. Le récit de cette exécution mêle plusieurs thèmes du Sermon sur la Montagne comme le divorce, l’adultère, la convoitise, le serment, la haine et le meurtre. Matthieu nous raconte les circonstances absurdes qui conduisirent à l’assassinat de Jean-Baptiste sans aucun commentaire. La société antique comme la nôtre d’ailleurs ont au moins deux points communs : la luxure et la violence.
Encore une fois se vérifie ce dicton : plus ça change et plus c’est la même chose. La fin tragique de Jean-Baptiste enseigne que la droiture et la fidélité à Dieu ne garantissent pas une vie longue et paisible, puisque ce prophète paya son courage de sa vie. Il mourut d’une manière ignoble pour assouvir la vengeance d’une femme tigresse assoiffée de sang cruelle et sadique. D’autre part, ce récit rappelle que les récompenses que Dieu accordera à ses serviteurs fidèles ne sont pas de ce monde.
Versets 12-13
Je continue le texte.
Les disciples de Jean-Baptiste vinrent prendre son corps pour l’enterrer, puis ils allèrent informer Jésus de ce qui s’était passé. Quand Jésus entendit la nouvelle, il quitta la contrée en barque et se retira, à l’écart, dans un endroit désert. Mais les foules l’apprirent ; elles sortirent de leurs bourgades et le suivirent à pied (Matthieu 14.12-13).
Jésus est touché par la mort de Jean-Baptiste qui était aussi de sa parenté. Il se rend dans un endroit désert pour faire le deuil de ce courageux précurseur. Il savait qu’il avait été mis en prison, mais ignorait son assassinat. En tant qu’homme, le Christ ne connaissait pas toute chose. D’une manière générale, il subissait comme nous les limitations de son humanité. Ses prérogatives divines n’apparaissent que de manière épisodique lorsqu’elles concernent son ministère auprès de ceux qui l’entourent.
Verset 14
Je continue.
Aussi, quand Jésus descendit de la barque, il vit une foule nombreuse. Alors il fut pris de pitié pour elle et guérit les malades (Matthieu 14.14).
Pour celui qui a son programme tout bien préparé d’avance, rien n’est plus frustrant que les imprévus. En voilà un de taille qui se présente à Jésus. Une horde l’accompagne. Il ne pouvait décidément plus avoir un moment tranquille à Lui. Mais le Seigneur était prêt à accepter le dérangement, et face aux besoins de la foule il renonce pour un temps à son deuil. Il est pris de pitié pour tous ces gens qui sont comme des brebis sans berger, alors, et selon sa coutume il commence par guérir les malades.
Verset 15-18
Je continue.
Le soir venu, les disciples s’approchèrent de lui et lui dirent : — Cet endroit est désert et il se fait tard ; renvoie donc ces gens pour qu’ils aillent dans les villages voisins s’acheter de la nourriture. Mais Jésus leur dit : — Ils n’ont pas besoin d’y aller : donnez-leur vous-mêmes à manger. — Mais, lui répondirent-ils, nous n’avons ici que cinq pains et deux poissons. — Apportez-les-moi, leur dit Jésus (Matthieu 14.15-18).
Le temps passe et les disciples s’inquiètent. C’est logique, mais un manque de foi de leur part, surtout qu’ils ont en plus le culot de dire à Jésus ce qu’il doit faire. Selon un passage parallèle, ces petits pains d’orge et deux poissons étaient le casse-croûte d’un petit garçon qui a accepté de s’en défaire. Bien qu’il n’en ait pas besoin, le Seigneur est prêt à utiliser ce que je veux bien lui remettre. Ces milliers de gens étaient assis en rangées de 100 et 50 ce qui devait représenter un immense spectacle son et lumière. En effet, d’une part ils avaient la langue facile, et d’autre part, la tenue vestimentaire de l’époque était constituée de couleurs vives : bleu, jaune, orange, rouge, marron, et surtout du violet, une teinture fabriquée localement. La venue de cette foule qui avait suivi Jésus à pied en longeant le lac, fournit l’occasion d’un grand miracle, le seul à figurer dans les 4 Évangiles avec la résurrection.
Versets 19-21
Je continue.
Il ordonna à la foule de s’asseoir sur l’herbe, puis il prit les cinq pains et les deux poissons, il leva les yeux vers le ciel et prononça la prière de bénédiction ; ensuite, il partagea les pains et en donna les morceaux aux disciples qui les distribuèrent à la foule. Tout le monde mangea à satiété. On ramassa les morceaux qui restaient ; on en remplit douze paniers. Ceux qui avaient mangé étaient au nombre de cinq mille hommes, sans compter les femmes et les enfants (Matthieu 14.19-21).
Entre 10 et 30 mille personnes se rassasièrent de pains et de poissons. Ça fait beaucoup de monde. Les évangélistes ne donnent pas d’autres détails sur ce miracle extraordinaire ; néanmoins, la nature divine du Christ y est clairement établie, car le pouvoir de créer appartient à Dieu seul. L’abondance des restes et le nombre de ceux qui ont bénéficié de la nourriture expriment la générosité de Dieu. Pour beaucoup de ces gens, c’était peut-être la première fois depuis très longtemps qu’ils mangeaient à leur faim. Ce miracle rappelle celui de l’Éternel dans le désert lorsqu’après l’intercession de Moïse, Il a nourri les Israélites de manne et de cailles.
Versets 22-23
Je continue.
Aussitôt après, Jésus pressa ses disciples de remonter dans la barque pour qu’ils le précèdent de l’autre côté du lac, pendant qu’il renverrait la foule. Quand tout le monde se fut dispersé, il gravit une colline pour prier à l’écart. À la tombée de la nuit, il était là, tout seul (Matthieu 14.22-23).
Le texte souligne l’empressement de Jésus à renvoyer la foule et à écarter ses disciples. La raison nous est donnée dans un texte parallèle que je cite :
Lorsque tous ces gens-là virent le signe miraculeux de Jésus, ils s’écrièrent : — Pas de doute : cet homme est vraiment le Prophète qui devait venir dans le monde. Mais Jésus, sachant qu’ils allaient l’enlever de force pour le proclamer roi, se retira de nouveau, tout seul, dans la montagne (Jean 6.14-15).
La foule émerveillée par la puissance du Seigneur se préparait à l’introniser et à fomenter une révolte contre la domination romaine. Bien que Matthieu présente le Christ sous l’angle de sa royauté, il ne donne pas ces détails parce qu’il ne veut pas que ses lecteurs juifs confondent Jésus avec un roi humain qui prendrait le pouvoir suite à un coup d’état ou un processus démocratique. Jésus-Christ est roi de droit et de fait. Il est le Roi des rois et le Seigneur des Seigneurs par la volonté de Dieu et entrera en possession de son royaume par décret divin. Je cite un passage prophétique :
Moi, j’ai sacré mon Roi. Je publierai le décret qu’a promulgué l’Éternel. Il m’a dit : Tu es mon Fils. Je te donne en patrimoine tous les peuples de la terre ; Avec un sceptre de fer, tu les soumettras ; comme des vases d’argile, tu les briseras (Psaumes 2.8-9).
Le programme du Seigneur est vraiment différent de celui des hommes. D’un côté, on propose au Fils de Dieu l’acclamation de la populace, la gloire, le pouvoir et toute la pompe. Mais lui, toujours en parfaite communion avec son Père, cherche la solitude pour prier. C’était peut-être pour exprimer sa tristesse, faire le deuil de Jean-Baptiste, son parent et messager. Quel exemple ! Si pour Jésus la prière était indispensable, combien à plus forte raison elle l’est pour moi.
Versets 24-25
Je continue le texte.
Pendant ce temps, à plusieurs centaines de mètres au large, la barque luttait péniblement contre les vagues, car le vent était contraire. Vers la fin de la nuit, Jésus se dirigea vers ses disciples en marchant sur les eaux du lac (Matthieu 14.24-25).
Selon le système romain de 4 veilles de nuit, il était entre 3 et 6 heures du matin. Les disciples avaient ramé toute la nuit, et d’après un texte parallèle couvert un peu plus de 5 km. Ils devaient être épuisés et découragés. Jésus n’était pas avec eux, c’était la pleine nuit et la tempête sévissait toujours.
Versets 26-27
Je continue.
Quand ils le virent marcher sur l’eau, ils furent pris de panique : — C’est un fantôme, dirent-ils. Et ils se mirent à pousser des cris de frayeur. Mais Jésus leur parla aussitôt : — Rassurez-vous, leur dit-il, c’est moi, n’ayez pas peur (Matthieu 14.26-27).
Bonjour les émotions fortes ! On comprend la réaction de ces marins, car ce n’est pas souvent que quelqu’un vient à vous marchant sur une mer démontée. Le Seigneur connaît la fragilité humaine et sait qu’en plus de mon pain quotidien, j’ai aussi besoin d’être rassuré. C’est pourquoi on trouve 366 fois une expression du genre N’aie pas peur dans les Écritures.
Verset 28
Je continue le texte.
Alors Pierre lui dit : — Si c’est bien toi, Seigneur, ordonne-moi de venir te rejoindre sur l’eau. — Viens, lui dit Jésus. Aussitôt, Pierre descendit de la barque et se mit à marcher sur l’eau, en direction de Jésus (Matthieu 14.28).
Pierre avait la détente rapide, mais j’admire sa hardiesse. Il a su saisir cette opportunité d’être le bénéficiaire d’un prodige de Jésus. Ayant été le témoin de bien des miracles, il ne doutait pas que sur l’ordre du Christ, les eaux le porteraient.
Versets 30-31
Je continue.
Mais quand il remarqua combien le vent soufflait fort, il prit peur et, comme il commençait à s’enfoncer, il s’écria : — Au secours ! Seigneur ! Immédiatement, Jésus lui tendit la main et le saisit. — Ta foi est bien faible ! lui dit-il, pourquoi as-tu douté ? (Matthieu 14.30-31).
La foi de Pierre n’était pas encore bien mature et la tempête l’a effrayé. Il a détourné ses yeux de Jésus pour les porter autour de lui et il a eu peur. En un instant, il a oublié que le Seigneur était toujours là pour le protéger. Saisi par le doute, il n’était plus amarré au Christ, les lois naturelles ont alors repris leur droit et il commença à sombrer. Mais quelle que soit la distance qui séparait les deux hommes, au moment où il a appelé au secours, Jésus fut à ses côtés. Quand dans ma vie la mer se déchaîne et le vent souffle fort, je dois garder mes regards sur le Christ et non sur mes circonstances. Facile à dire, mais que c’est difficile à faire !
Versets 32-33
Je continue le texte.
Puis ils montèrent tous deux dans la barque ; le vent tomba. Les hommes qui se trouvaient dans l’embarcation se prosternèrent devant lui en disant : — Tu es vraiment le Fils de Dieu (Matthieu 14.32-33).
Ce miracle a profondément impressionné les disciples. Comme ils ont l’esprit un peu empâté, il leur a fallu du temps pour réaliser que depuis maintenant deux ans c’est le Fils de Dieu en personne, l’ordonnateur de l’univers qui chemine avec eux. Cette certitude qui est en train de se mettre en place dans leur cœur va leur être indispensable une fois que le Christ les aura quittés et qu’ils devront faire face à de sévères persécutions. D’après la tradition, tous les apôtres, à l’exception de Jean, finiront martyrs à cause de leur foi en Jésus-Christ.
Versets 34-36
Je finis le chapitre 14.
Après avoir traversé le lac, ils touchèrent terre à Génésareth. Quand les habitants du lieu eurent reconnu Jésus, ils firent prévenir tout le voisinage, et on lui amena tous les malades. Ils le suppliaient de leur permettre simplement de toucher la frange de son vêtement. Et tous ceux qui le touchaient étaient guéris (Matthieu 14.34-36).
La plaine de Génésareth s’étend au sud de Capernaüm, la ville où Jésus demeurait. Les habitants profitent de sa visite pour se faire guérir et il suffisait de le toucher pour être délivré une fois pour toutes de son mal.
Chapitre 15
Versets 1-2
Nous arrivons au chapitre 15 de Matthieu. Alors que précédemment c’est le pouvoir politique qui s’est opposé à Jésus en décapitant Jean-Baptiste, maintenant ce sont les plus hauts échelons des autorités religieuses de Jérusalem qui envoient des émissaires dans ce coin perdu de la Galilée. Ils ne viennent évidemment pas pour l’écouter ou l’applaudir, mais pour croiser le fer avec Jésus, car ils sont terriblement inquiets de sa popularité qui érode la leur. Je commence à lire.
À cette époque, des pharisiens et des spécialistes de la Loi vinrent de Jérusalem ; ils abordèrent Jésus pour lui demander : — Pourquoi tes disciples ne respectent-ils pas la tradition des ancêtres ? Car ils ne se lavent pas les mains selon le rite usuel avant chaque repas (Matthieu 15.1-2).
Ces prêtres reprochent au Christ non pas de transgresser la Loi, mais leur tradition qu’ils estimaient aussi fondamentale que les Écritures. L’accusation est grave, car l’obéissance à tout cet ensemble de règles cérémoniales et pointilleuses faisait autorité et était même considérée plus importante que l’observation de la Loi elle-même. À l’origine, cet ensemble de rites, qui deviendra le Talmud, avait pour but d’ériger une haie protectrice autour de la Loi afin d’empêcher le Juif inattentif ou malintentionné de la transgresser. Le problème était la fausse croyance des religieux comme quoi les rites extérieurs pouvaient les purifier à l’intérieur et leur obtenir la vie éternelle. Il n’en est rien. Dans le Nouveau Testament, il est écrit :
C’est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi. Cela ne vient pas de vous, c’est un don de Dieu (Éphésiens 2.8).
Commentaire biblique radiophonique écrit par le pasteur et docteur en théologie : Vernon McGee (1904-1988) et traduit par le pasteur Jacques Iosti.