2 Pierre 2.1
Chapitre 2
Introduction
De mon temps, en primaire, en plus des récitations genre « la chèvre de monsieur Seguin », il faut aussi apprendre par cœur des tas de dates historiques. Je me souviens de Marignan 1515. Par contre, on ne nous a rien dit concernant 313 et pourtant c’est une date importante, mais seulement dans le contexte du christianisme. En effet, c’est en cette année que l’empereur Constantin promulgue l’édit de Milan qui donne à l’Église le droit d’intervenir dans les affaires de ce bas monde en propageant légalement et ouvertement la foi en Jésus-Christ. Cependant, cette nouvelle liberté est une épée à double tranchant car elle va dans les deux sens, ce qui fait que les valeurs morales et religieuses du 4e siècle s’introduisent avec la force d’un ouragan dans les assemblées chrétiennes diluant considérablement leur message originel. Ce processus dure 12 siècles, jusqu’au moment de la Réforme.
Pourtant, aux dires de l’apôtre Pierre dans le chapitre deux de sa seconde lettre, il est évident que les fausses valeurs du paganisme vont envahir l’Église de Jésus-Christ bien avant que Constantin n’apparaisse sur la scène politique du Moyen Orient.
Dans le premier chapitre de sa seconde lettre, Pierre défend la légitimité de son autorité de façon à la fois magistrale et poignante. Sachant sa mort prochaine, il veut tout mettre en œuvre et se donner tout entier à la tâche pour qu’après avoir quitté son corps, qu’il appelle une tente, les croyants auxquels il s’adresse restent vigilants et fermes dans la foi.
Conformément à l’enseignement de la loi de Moïse (Deutéronome 19.15), Pierre cherche à prouver sa crédibilité en s’appuyant sur un double témoignage : celui des prophètes de l’Ancien Testament et le sien lorsqu’il a assisté à l’événement inoubliable de la transfiguration.
Sur la montagne, en compagnie des apôtres Jacques et Jean, Pierre a vu le Christ glorifié et entendu le Père attester la divinité de son Fils. Deuxièmement, il rappelle que les prophètes et tous les auteurs de l’Ancien Testament sont dignes de foi ; ils ont transmis des messages véridiques sur lesquels on peut s’appuyer.
Si Pierre choisit de rapporter la transfiguration plutôt que le baptême de Jésus, c’est parce qu’elle met déjà l’accent sur la glorification du Seigneur, sa résurrection et le jugement à venir, doctrines que rejettent les enseignants de mensonge (comparez 2Pierre 3.4 et suivants) qui commencent déjà à s’introduire dans les assemblées chrétiennes. Dans le récit que fait Matthieu de la transfiguration, le Père dit :
Celui-ci est mon Fils bien-aimé, celui qui fait toute ma joie. Écoutez-le ! (Matthieu 17.5 ; comparez Marc 9.7 ; Luc 9.35).
Mais quand Pierre rapporte cet événement, il omet l’impératif « Écoutez-le » parce que le Fils étant retourné auprès du Père, c’est désormais aux apôtres qu’il incombe de transmettre les paroles du Christ et ce sont eux qui doivent être écoutés.
Verset 1
Je commence maintenant de lire le second chapitre de la deuxième épître de Pierre.
Autrefois, il y a eu des pseudo-prophètes (des prophètes de mensonge) parmi le peuple d’Israël ; il en sera de même parmi vous. Ces pseudo-enseignants (ces enseignants de mensonge) introduiront sournoisement parmi vous des hérésies qui détruisent. Ils renieront le Maître qui les a rachetés et attireront ainsi sur eux une perdition soudaine (2Pierre 2.1 ; Autre).
Pierre avertit les croyants qu’ils doivent rester vigilants afin de pouvoir distinguer l’enseignement véridique du mensonge. Comme je l’ai déjà dit, la description frappante et pénétrante qu’il fait des hérétiques (2Pierre 2.1-3 ; 3.3) peut se comparer à celle de Jude. Cependant, c’est Pierre qui écrit le premier parce qu’il emploie le futur ; ce qu’il décrit arrivera surtout après son départ de cette terre. Jude par contre, utilise un temps de verbe qui montre que les apostats sont déjà bien implantés dans les assemblées chrétiennes (Jude 4).
Le fait que la seconde épître de Pierre et celle de Jude se recoupent a conduit certains commentateurs vindicatifs à conclure que l’un a copié sur l’autre. Ils choisissent d’ignorer que les redondances sont très fréquentes dans les Textes sacrés parce que chaque fois que Dieu estime un enseignement important, il le répète deux ou plusieurs fois. C’est un peu comme les « En vérité, en vérité » de Jésus que rapporte l’apôtre Jean. Un seul « En vérité » aurait amplement suffi, mais comme il y en a deux j’ai intérêt à tendre l’oreille et à prendre note.
Aux prophètes de mensonge de l’Ancienne Alliance, correspondent les enseignants de mensonge du Nouveau. Plus loin (2Pierre 2.15), Pierre évoque un sombre personnage nommé Balaam qu’il présente comme l’archétype, l’exemple type et le chef de file des faux prophètes de l’Ancien Testament.
Pierre ne précise pas à quelle école se rattachent les imposteurs qui commencent tout juste à répandre leur venin parmi les croyants. On sait par contre qu’environ trois décennies plus tard, dans les lettres aux sept églises d’Asie Mineure, l’apôtre Jean parle d’un groupe appelé Nicolaïtes. Ils se trouvent à Pergame et Éphèse (Apocalypse 2.6), deux villes situées à l’ouest de l’Asie Mineure au bord de la mer Égée, et ils se réclament de la doctrine de Balaam (Apocalypse 2.15). Parmi eux certains vont même jusqu’à se proclamer apôtres (Apocalypse 2.2). Dans la ville de Thyatire, une femme se disant prophétesse enseigne et séduit des croyants pour qu’ils se livrent à l’immoralité (Apocalypse 2.20).
De nombreux passages du Nouveau Testament avertissent les croyants qu’à toutes les époques, ils doivent être sur leurs gardes contre les attaques de Satan, leur ennemi juré qui utilise tous les moyens à sa disposition pour enrayer l’œuvre de Dieu sur terre. Son rayon d’action est le monde entier et la panoplie de ses armes est très variée, mais il est surtout spécialisé dans les imitations frauduleuses et les activités trompeuses. Sournois par définition, il utilise des personnes ayant une pseudo foi en Jésus-Christ. Dans sa seconde épître aux Corinthiens (11.13-14), l’apôtre Paul dit que ces imposteurs « sont de faux apôtres, des ouvriers malhonnêtes déguisés en apôtres du Christ. Cela n’a rien d’étonnant : Satan lui-même ne se déguise-t-il pas en ange de lumière ? » (2Corinthiens 11.13-14).
La stratégie de ces loups en vêtements de brebis est de s’infiltrer incognito dans le vrai troupeau de Dieu puis de prendre de l’importance afin d’être écoutés. Ensuite, et sous prétexte d’enseigner la vérité, ils colportent leurs doctrines mensongères démoniaques. Ce qui rend ces imposteurs particulièrement dangereux est qu’ils enrobent leurs mensonges dans une part de vérité pour les rendre acceptables aux yeux des brebis qu’ils cherchent à dévorer. S’ils annonçaient une doctrine qui est fausse à 100 %, ils passeraient pour des charlatans et ne tromperaient pratiquement personne. Mais c’est rarement ainsi qu’ils se présentent. L’apôtre Paul a mis en garde les responsables de l’église d’Éphèse en leur disant :
Je le sais : quand je ne serai plus là, des loups féroces se glisseront parmi vous, et ils seront sans pitié pour le troupeau (Actes 20.29).
Si certains de ces loups cherchent délibérément à tromper, d’autres sont eux-mêmes les victimes d’une contrefaçon. Mais en définitive ça ne change pas le résultat final, car même s’ils colportent un mensonge en toute bonne conscience, ils induisent les croyants crédules en erreur et cette gangrène se propage. On peut être le porteur d’un virus très dangereux sans le savoir, mais ça ne diminue en rien sa nocivité.
Sous l’Ancienne Alliance et dans presque tous les cas, les faux prophètes ne sont pas issus des nations païennes environnantes, mais sont Israélites. De même, sous la Nouvelle Alliance, les faux docteurs et leurs hérésies proviennent du sein de la chrétienté, ce qui leur donne un air de légitimité suffisant pour induire en erreur ceux qui n’ont pas une foi personnelle en Jésus-Christ et parfois même de véritables croyants.
Voilà pourquoi depuis que Dieu a commencé à se révéler, les Écritures mettent les chrétiens sincères en garde contre les faussaires religieux afin qu’ils puissent les repérer et ne pas se laisser berner par ces oiseaux de malheur. Dans le livre du Deutéronome, on lit que Dieu dit à son peuple :
Peut-être un prophète apparaîtra-t-il un jour parmi vous, ou un visionnaire qui vous donnera un signe miraculeux ou vous annoncera un prodige. Si le signe ou le prodige annoncé s’accomplit, et s’il vous dit : Allons suivre d’autres dieux que vous ne connaissez pas et rendons-leur un culte, vous n’écouterez pas les paroles de ce prophète ou de ce visionnaire, car l’Éternel votre Dieu se servira de lui pour vous mettre à l’épreuve, afin de voir si vous l’aimez réellement de tout votre cœur et de tout votre être. C’est à l’Éternel votre Dieu que vous rendrez un culte, c’est lui que vous révérerez ; vous obéirez à ses commandements, vous l’écouterez, c’est à lui seul que vous rendrez un culte, et c’est à lui seul que vous vous attacherez. Quant à ce prophète ou ce visionnaire, il sera puni de mort pour avoir prêché la désobéissance à l’Éternel votre Dieu, qui vous a fait sortir d’Égypte et vous a libérés de l’esclavage, car il aura voulu vous entraîner hors du chemin que l’Éternel votre Dieu vous a ordonné de suivre. Ainsi, vous ferez disparaître le mal du milieu de vous (Deutéronome 13.2-6).
Oui, mais les Israélites n’ont pas obéi à cette règle et le résultat fut catastrophique pour leur nation.
Le royaume des 10 tribus du nord n’a pas eu un seul roi fidèle à l’Éternel ; tous sont idolâtres et s’entourent de faux prophètes. Un exemple type de ce phénomène est ce qui se passe sous le roi Achab. Un jour, il décide d’attaquer les Syriens pour leur reprendre une ville qu’ils avaient conquise (Ramoth en Galaad). Mais avant de se lancer, il demande le concours de Josaphat, roi de Juda qui veut bien soutenir cet effort de guerre à condition de consulter d’abord l’Éternel afin de s’assurer qu’il leur sera favorable. Le roi d’Israël acquiesce et dans le texte du premier livre des Rois, on lit :
[qu’il] rassembla les prophètes, qui étaient environ quatre cents, et leur demanda : – Dois-je aller combattre pour reprendre Ramoth en Galaad, ou dois-je y renoncer ? Ils répondirent : – Vas-y ! Le Seigneur la livrera au roi. Mais Josaphat insista : – N’y a-t-il plus ici aucun prophète de l’Éternel, par qui nous puissions le consulter ? Le roi d’Israël lui répondit : – Il y a encore un homme par qui l’on pourrait consulter l’Éternel ; mais je le déteste, car il ne m’annonce jamais rien de bon ; il ne m’annonce que du mal. Il s’agit de Michée […] (1Rois 22.6-8).
Mais comme Achab a besoin du soutien de Josaphat, il fait appeler Michée de sa prison, qui après quelques jeux de scène donne le verdict de l’Éternel :
J’ai vu tous les Israélites disséminés sur les montagnes, ils ressemblaient à des brebis qui n’ont pas de berger. Et l’Éternel a dit : Ces gens n’ont plus de souverain. Que chacun d’eux retourne tranquillement chez soi ! Le roi d’Israël dit alors à Josaphat : – Je te l’avais bien dit : Cet homme-là ne me prophétise jamais rien de bon, c’est toujours du mal (1Rois 22.17-18).
Mais Michée continue :
[…] l’Éternel a fait qu’un esprit de mensonge inspire tous tes prophètes ici présents, car l’Éternel a résolu ta perte (1Rois 22.23 ; rsm).
Il est bien regrettable que Achab n’ait pas écouté la parole de Michée parce que comme prédit, il a péri dans ce combat.
Quelqu’un a dit et bien dit que les sectes prolifèrent comme des champignons sur la pourriture, la pourriture de l’Église. Comme c’est en grande partie vrai, jusqu’à la fin des temps, il y aura des imposteurs religieux.
Concernant son retour, Jésus dit à ses disciples :
Faites bien attention que personne ne vous induise en erreur. Car plusieurs viendront sous mon nom en disant : “ Je suis le Messie ”, et ils tromperont beaucoup de gens (Matthieu 24.4-5).
Pierre dit aussi que ces enseignants de mensonge « introduiront sournoisement […] des hérésies qui détruisent ». « Introduire sournoisement » est un seul mot en grec (pareisaxousin) et signifie « s’infiltrer, s’introduire furtivement » (comparez Galates 2.4).
Le mot pour « hérésies » n’a en apparence rien de bien méchant puisqu’au premier siècle il veut simplement dire « école de philosophie », mais les auteurs du Nouveau Testament utilisent ce mot pour décrire une opinion qui se substitue à la vérité et qui conduit à la formation de sectes opposées à Jésus-Christ. L’enseignement hérétique des imposteurs religieux est donc bien une contrefaçon mortelle.
Les hérésies fondées sur de fausses doctrines (1Corinthiens 11.19) ne portent jamais sur des points de détail, mais sur le Maître lui-même qu’ils renient à l’exemple de Judas. À l’époque de Jésus, les Pharisiens (Actes 15.5) et dans une moindre mesure les Sadducéens (Actes 5.17) sont des sectes judaïques dangereuses qui prônent une fausse religion (Luc 11.39-52). Ces religieux qui sont aussi les chefs du peuple répandent un enseignement qui vient du Malin parce qu’il éloigne les âmes de Jésus et les conduit à la ruine éternelle. Il n’est donc pas surprenant que les religieux juifs aient rejeté le Christ et comploté son assassinat. On fait souvent porter le chapeau de ce meurtre aux Romains mais les chefs du peuple sont les premiers coupables.
Se faisant passer pour de vrais bergers, Pierre dit que les imposteurs religieux « introduiront […] des hérésies qui détruisent ». « détruisent » (apoleian ; comparez 2Pierre 2.3 ; 3.16) est un nom qui signifie une « ruine totale ». En d’autres mots, ces faux frères donnent un enseignement dont les conséquences sont désastreuses tant pour eux-mêmes que pour leurs adeptes car il conduit à la ruine spirituelle et la perdition.
Dans le Nouveau Testament, le mot grec traduit par « détruisent » a le sens de condamnation éternelle. En effet, il est utilisé par Jésus pour décrire ceux qui passent par la porte large qui mène à la perdition (Matthieu 7.13), et à évoquer le sort réservé à Judas (Jean 17.12). Par ailleurs, ce mot est aussi utilisé par l’apôtre Paul pour décrire l’état de perdition réservé aux non-croyants (Romains 9.22) ainsi que le jugement final de l’Antichrist (2Thessaloniciens 2.3). Enfin, Pierre l’utilise un peu plus loin dans cette épître, également pour décrire le châtiment des impies (2Pierre 3.7).
Les sectes donnent toujours un enseignement contraire aux Écritures dans bien des domaines, mais surtout en ce qui concerne le salut ce qui entraîne le châtiment éternel de leurs adeptes.
Que ce soit la scientologie qui est de temps en temps à la une des journaux à cause de l’acteur Tom Cruise qui en fait partie, ou une autre aberration issue du christianisme, ou l’une des grandes religions mondiales traditionnelles, les faux systèmes de croyances ont toujours eu le vent en poupe parce que les incrédules, c’est à dire ceux qui n’acceptent pas de faire confiance à Jésus, deviennent crédules prêts à croire n’importe quoi et n’importe qui. Et s’ils n’adhèrent pas à un système religieux reconnu comme tel, ils donnent leur suffrage à quelque chose d’autre ; ils font leur idole du sport ou de la science, et surtout de la théorie de l’évolution, afin de trouver un sens à leur misérable existence.
En parlant des faux frères, Pierre nous interroge quand il dit que « ils renieront le Maître qui les a rachetés ». Comment ces imposteurs religieux qui sont parmi les croyants et que le Seigneur a rachetés, peuvent-ils connaître une ruine spirituelle et la perdition ? Comme il est exact que le mot pour « rachetés » (pareisaxousin) veut bien dire « rachetés » et rien d’autre, ces paroles de Pierre font les choux gras de ceux qui pensent qu’un croyant authentique peut perdre le salut. Mais un tel point de vue contredit beaucoup d’autres passages des Écritures (comparez Jean 3.16 ; 5.24 ; 10.28, 29 ; etc.), ce qui le rend inacceptable.
En réalité, Pierre dit que Jésus a payé la dette des imposteurs sur le calvaire comme il l’a fait pour tous les êtres humains. Oui, mais cette rédemption n’est efficace et actualisée dans la vie d’un individu que s’il place sa confiance en Jésus. Le paiement réalisé par le Seigneur sur la croix est suffisant et agréé par Dieu (1Timothée 2.6 ; Hébreux 2.9 ; 1Jean 2.2), seulement les faux frères dont parle Pierre, ne se la sont pas appliquée ; ils ne l’ont pas acceptée. Ils ont entendu et compris le message de la Bonne Nouvelle, mais en ont fait fi ; ils n’ont donc pas la foi qui sauve.
Ce passage n’enseigne pas qu’il est possible de perdre le salut. Par contre, il fournit un argument solide en faveur d’une rédemption illimitée, c’est-à-dire que Jésus est mort pour tous les hommes, « afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu’il ait la vie éternelle » (Jean 3.16 ; LSG). Mais cela n’est vrai qu’au niveau terrestre qu’il faut soigneusement différentier du niveau céleste. En effet, dans sa souveraineté et même avant la fondation du monde, Dieu a décrété qui seraient les élus, c’est-à-dire ceux à qui serait appliquée l’expiation accomplie par Jésus. À ce niveau de logique, c’est à dire dans les cieux, la rédemption est limitée aux élus. Mais sur la terre, à un autre niveau de logique, et comme je l’ai déjà soulignée, la rédemption est illimitée. Si vous connaissez la théorie mathématique des types logiques, vous comprenez ce que je dis, sinon, faites-moi confiance.
Commentaire biblique radiophonique écrit par le pasteur et docteur en théologie : Vernon McGee (1904-1988) et traduit par le pasteur Jacques Iosti.