Sophonie
Livre du prophète Sophonie
Introduction
Moi, je m’appelle Jacques comme deux des douze apôtres de Jésus. Ce nom vient de Jacob qui veut dire « supplanter », mais tous les Jacques ne sont pas dominateurs et conquérants. Donc au final, Jacques ne veut pas dire grand-chose. Mais il existe des cultures où les gens portent un nom qui a une signification bien précise. Enfant, j’aime bien les petits livres de bandes dessinées qui mettent en scène les cow-boys et les indiens. Ce qui me frappe à l’époque est que les Indiens d’Amérique portent tous un nom qui a un sens comme « perle de rosée » ou « cheval sauvage ». Ils reçoivent ce nom suite à un incident de leur vie ou pour décrire un trait de leur caractère. Au Moyen-Orient, beaucoup de gens portent des noms à signification religieuse qui incluent l’une de leurs divinités. Le nom du prophète Sophonie (hébreu : Tsephania ou Tsephaniahou ; grec et Vulgate : Sophonias) signifie : « l’Éternel cache ou protège ». Étant né sous le règne du roi idolâtre Manassé (697-642), il semble que ses parents, qui sont probablement très pieux, choisissent de donner à leur fils un nom qui reflète la bienveillance de l’Éternel à leur égard ; Dieu les a protégés alors qu’ils traversent une époque de l’histoire du royaume de Juda où les gens fidèles à l’Éternel sont persécutés. Il semble d’ailleurs que Sophonie fasse allusion à la signification de son nom quand il dit à ses concitoyens :
Efforcez-vous d’être humbles ; peut-être serez-vous mis à l’abri (protégé ou caché) au jour de la colère de l’Éternel (Sophonie 2.3).
Le titre du livre de Sophonie est : « Parole de l’Éternel qui fut adressée à Sophonie, fils de Kouchi, fils de Guedalia, fils d’Amaria, fils d’Ézéchias, au temps de Josias, fils d’Amôn, roi de Juda » (Sophonie 1.1 ; SER). Ce qui est étonnant dans ce premier verset est que l’auteur donne non seulement le nom de son père, Kouchi, mais aussi celui de ses ancêtres jusqu’à la quatrième génération, ce qui est exceptionnel et particulier à Sophonie. Il remonte ainsi jusqu’à Ézéchias, probablement le célèbre roi de ce nom.
Cependant, il n’appelle pas « Ézéchias » roi, parce que dans le texte hébreu, immédiatement après s’être présenté lui et sa lignée, Sophonie dit qu’il a exercé son ministère au temps de Josias, roi de Juda ; or, comme ce dernier est très important, le prophète ne veut pas le concurrencer en appelant quelqu’un d’autre « roi ». On peut aussi s’étonner que Sophonie mentionne trois générations entre lui-même et Ézéchias, alors qu’il n’y a eu que deux rois qui sont Amôn et Manassé, mais ce dernier a eu un règne de 55 ans.
Alors que le prophète Habaquq ne dit pas un mot sur lui, Sophonie joue cartes sur table, probablement parce que de toute façon tout le monde sait qu’il est de sang royal et parent du roi Josias, de ses fils et des autres princes. Pourtant, ses racines nobles ne l’empêchent pas de faire de sévères reproches (Sophonie 1.8) à tous les nobles, dont les fils du roi, ce qui montre son courage. En effet, Sophonie est d’abord et avant tout fidèle à l’Éternel, et ensuite seulement loyal à sa famille. Parmi les prophètes de l’Éternel, plusieurs ont leurs entrées au palais du roi (Nathan ; Ésaïe) mais Sophonie est celui qui occupe le rang social le plus élevé.
Alors que Josias est un roi pieux qui règne 31 ans au 7e siècle avant Jésus Christ (640-609), Manassé et Anôn, ses prédécesseurs ont entraîné le peuple à se livrer à des pratiques idolâtres (2Rois 21). Manassé construit des autels à la divinité Baal. On lit que : « il fit dresser dans le Temple la statue (de la déesse) Ashéra qu’il avait fabriquée » (2Rois 21.7), et il vénère le soleil, la lune et les astres. Sous son règne, les sacrifices d’enfants et l’astrologie prospérèrent. Fait prisonnier et exilé par les Assyriens, il se repent de ses actes impies et Dieu lui pardonne. De retour en Juda il essaie de réformer le royaume mais son action est trop faible et il est trop tard. Son fils Anôn continue les pratiques idolâtres de son père mais il est assassiné au bout de deux ans de règne. Son fils Josias est alors nommé roi de Juda bien qu’il n’ait que huit ans.
Dès la huitième année de son règne, à l’âge de 16 ans, Josias cherche à faire la volonté de l’Éternel, et alors qu’il parvient à sa majorité et commence vraiment à exercer le pouvoir, il entreprend (en 629-628) de faire disparaître de son royaume les sanctuaires religieux contraires à la loi de Moïse et d’en extraire toutes les idoles (2Chroniques 34.3-7). Quelques années plus tard (en 622), il fait réparer le Temple ; ce faisant, on y retrouve un exemplaire de la Loi, alors tombé dans l’oubli. Il s’agit du Pentateuque, les cinq premiers livres de l’Ancien Testament. Cette découverte conduit Josias à lancer le mouvement de réforme le plus important jamais entrepris en Juda (2Chroniques 34).
Sous le ministère de Sophonie, c’est l’Assyrie qui domine le Moyen-Orient. Cette puissance a mis fin au royaume politique des X tribus du Nord (622 avant Jésus Christ). Mais Assourbanipal (669-626) le dernier grand roi assyrien peine à garder son empire intact. Cette situation n’échappe pas à Josias roi de Juda, qui, la dixième année de son règne, s’affranchit de la suzeraineté de l’Assyrie. Quatre ans plus tard, Assourbanipal meurt et cette même année voit émerger le début du nouvel empire babylonien conduit par Nabopolassar, père du futur grand roi Nabuchodonosor. L’année suivante, ce sont les Mèdes qui sous le roi Cyaxares II se libèrent de l’Assyrie. Le déclin de l’empire assyrien qui a commencé sous le roi Assourbanipal se poursuit inexorablement sous le nouvel empereur (Sinsharishkun ; 623-612).
Finalement, les Mèdes et les Chaldéens alliés aux Scythes réussissent à prendre et détruire Ninive, capitale de l’Assyrie (en 612). Ils en font un tel monceau de ruines qu’il ne reste plus une seule trace visible de ce que fut la gloire de l’Assyrie. Deux siècles plus tard, le général grec Xénophon (430-355 avant Jésus Christ) traverse les ruines de Ninive sans même savoir le nom de la ville ou du peuple qui l’habitait. Le site de Ninive n’est redécouvert que récemment, en 1845.
Après la chute de Ninive, ce qui reste de l’Assyrie continue d’exister pendant six ans grâce au soutien de l’Égypte. Mais Nabuchodonosor inflige une défaite sévère aux Égyptiens à la bataille de Karkémish (en 605), ce qui sonne le glas final de l’empire assyrien. Cependant et comme je l’ai dit, quand Sophonie prononce ses oracles, l’empire assyrien domine toujours le Moyen-Orient, car il dit :
L’Éternel étendra la main contre le nord, il fera périr l’Assyrie et il dévastera Ninive pour en faire un désert aride (Sophonie 2.13).
On sait que Sophonie exerce son ministère vers la fin du 7e siècle avant Jésus Christ, sous le règne de Josias et avant la chute de Ninive (entre 640 et 612). La façon dont il menace l’Assyrie montre que cette puissance joue encore un rôle influent en Palestine, ce qui veut dire que le roi Assourbanipal est toujours au pouvoir. Sophonie a donc dû écrire ses prophéties entre les années 640 et 626 avant Jésus Christ.
La royauté de Josias peut être divisée en trois périodes : à partir de la huitième année de son règne, de la douzième année et à partir de la dix-huitième, chacune représentant une amélioration sur la précédente. Le second livre des Chroniques décrit bien l’état spirituel délabré dans lequel se trouve alors le royaume de Juda. Je lis deux passages :
Josias avait huit ans à son avènement et il régna trente et un ans à Jérusalem. Il fit ce que l’Éternel considère comme juste […]. Dès la huitième année de son règne (en 632), alors qu’il était encore jeune, il entreprit de chercher à plaire au Dieu de David, son ancêtre, et la douzième année (en 628), il se mit à purifier Juda et Jérusalem des hauts lieux, des pieux sacrés d’Ashéra, des idoles de bois sculpté et des idoles en métal fondu. On démolit en sa présence les autels des Baals. On abattit les autels à parfums placés sur ces autels. Il coupa les pieux sacrés d’Ashéra, brisa les idoles sculptées ou fondues et les réduisit en poussière qu’il dispersa sur les tombes de ceux qui avaient offert des sacrifices à ces faux dieux. Il brûla les ossements des prêtres des idoles sur leurs autels. C’est ainsi qu’il purifia Juda et Jérusalem. Puis il passa dans les villes de Manassé, d’Éphraïm, de Siméon et jusqu’en Nephtali et fit de même dans les ruines aux alentours. Il démolit les autels et les pieux sacrés d’Ashéra, brisa les statues d’idoles et les réduisit en poussière. Il abattit tous les autels à parfums dans tout le pays d’Israël. Ensuite, il retourna à Jérusalem. La dix-huitième année de son règne (en 622), afin de purifier le pays et le Temple, il envoya ses fonctionnaires […] pour réparer le Temple de l’Éternel son Dieu (2Chroniques 34.1-8). Josias célébra la Pâque à Jérusalem en l’honneur de l’Éternel, et l’on immola les agneaux pour cette fête le quatorzième jour du premier mois. Il rétablit les prêtres dans leurs fonctions et il les encouragea dans leur service du Temple de l’Éternel. Aucune Pâque semblable n’avait été célébrée en Israël depuis l’époque du prophète Samuel. […]. Ce fut dans la dix-huitième année du règne de Josias que cette Pâque fut célébrée (2Chroniques 35.1-2, 18-19).
Tout porte à croire que c’est dans la deuxième partie du règne de Josias, entre les années 632 et 628 avant Jésus Christ, que Sophonie prononce ses oracles. En effet et comme je l’ai dit, le roi assyrien Assourbanipal est toujours en vie ; le culte de l’Éternel qui a été supprimé sous le règne d’Amôn père de Josias, est rétabli, ce qui laisse supposer qu’une réforme religieuse est en cours. Mais comme les Israélites adorent encore les faux dieux (Sophonie 1.5 ; 3.4), c’est que l’œuvre de purification n’est pas terminée et que le réveil religieux, inauguré au début de la troisième période du règne de Josias (en 622), n’a pas encore eu lieu.
Sophonie commence son ministère environ 10 ans après Habaquq. Il est contemporain de la prophétesse Houlda qui annonce la destruction de Jérusalem et qui prédit que, à cause de sa piété, le roi Josias mourra avant cette catastrophe (2Rois 22.12-20 ; 2Chroniques 34.20-28). Sophonie connaît également Jérémie qui commence à prophétiser la treizième année du règne de Josias (en 627 ; Jérémie 1.2), c’est-à-dire avant la réparation du temple et la célébration de la Pâque, mais après la première purification du pays de l’idolâtrie et de la corruption, purification bien partielle car les prophètes Jérémie et Sophonie dressent un état des lieux du royaume qui reste désastreux. Juda était devenu politiquement prospère car libre de toute ingérence étrangère, mais spirituellement et moralement, la situation est déplorable parce que le mouvement de réforme religieuse entrepris par Josias n’a qu’un effet superficiel sur la nation.
Contrairement à d’autres livres prophétiques, celui de Sophonie ne se compose pas de plusieurs discours rédigés à des époques différentes. L’auteur écrit ses oracles d’un seul jet à la fin de son ministère.
Le livre comporte trois sections. Dans la première (Sophonie 1.2-2.3), le prophète annonce le jugement de Juda et de Jérusalem, qui vise à faire disparaître l’idolâtrie et les idolâtres. Les Israélites sont coupables de se livrer à un culte syncrétiste où ils adorent un panthéon de divinités : d’une part l’Éternel, et de l’autre les faux dieux des nations qui les entourent ainsi que quelques-uns empruntés aux Assyriens.
Le jugement qui va purifier Juda est évoqué par le thème du « jour de l’Éternel ». Ce châtiment atteindra plus particulièrement les dirigeants politiques qui abusent de leur pouvoir. Ce jour, dépeint d’une manière terrifiante, verra une invasion militaire de Juda. Par ce message, Sophonie veut faire réfléchir son peuple en vue de l’amener à s’humilier et à se soumettre à l’Éternel, qui seul peut différer le jugement.
La deuxième section du livre (Sophonie 2.4-3.8) annonce le châtiment de diverses nations, pour terminer par celui de Jérusalem, à cause de la corruption des diverses catégories de responsables du peuple. L’Éternel est présent au milieu de la ville pour y exercer son jugement. D’ailleurs, il a déjà puni ses habitants mais comme ceux-ci ne se sont pas repentis, le pays sera dévasté par une nation étrangère.
La troisième et dernière partie du livre de Sophonie (3.9-20) évoque le salut. L’Éternel transformera des étrangers de telle sorte qu’ils lui rendront un culte, et il purifiera son peuple afin qu’un reste rescapé obéisse à sa Loi. Sophonie mentionne alors la joie que ce salut procurera au peuple de Dieu mais aussi à l’Éternel lui-même (Sophonie 3.17).
La prophétie de Sophonie se caractérise par sa vue d’ensemble, son coup d’œil grâce auquel il embrasse toutes les nations et tous les siècles mais brièvement, d’un seul coup de crayon pour ainsi dire. Il n’apporte pas d’élément nouveau par rapport à ses prédécesseurs car les thèmes qu’il aborde se trouvent déjà chez les autres prophètes comme Amos, Ésaïe, Michée et Habaquq. Le langage que Sophonie utilise pour décrire le « jour de l’Éternel » (Sophonie 1.14-16) se retrouve chez Joël, et l’image du troupeau de brebis éclopées rassemblées par l’Éternel (Sophonie 3.19) provient de Michée. Quant à l’invasion babylonienne qui entraînera la destruction de Jérusalem et l’exil a déjà été prédite par Ésaïe et Michée près d’un siècle plus tôt. L’originalité du message de Sophonie réside plutôt dans l’application à sa génération des thèmes du jugement de Juda par l’Éternel. Avec Jérémie, Habaquq, puis Ézéchiel, Sophonie fait partie des prophètes qui annoncent ces événements comme devant survenir « en leur temps », c’est-à-dire à la génération à laquelle ils appartiennent.
Par ailleurs, comme Sophonie n’est pas poète, il emprunte parfois et de manière astucieuse les modes d’expression des prophètes qui l’ont précédé, ce qui donne du relief à ses oracles. Sophonie est systématique dans son examen de l’état moral et religieux de son peuple. Il est calme et sérieux, mais cela ne l’empêche pas d’être perturbé et indigné par la présence du mal, ce qui se traduit par un style énergique. On peut aussi admirer son courage à cause de la franchise avec laquelle il condamne le péché partout où il le rencontre, même chez les princes de Juda.
La prédication de Sophonie contribue aux efforts de réformes religieuses entreprises par le bon roi Josias, mais là n’est pas son but car depuis longtemps déjà les dés sont jetés et Juda est mûr pour le jugement. Cependant, si le châtiment est inévitable, il peut encore être différé et le ministère de Sophonie contribue à la constitution d’un peuple humble et pieu au cœur non partagé qui adore l’Éternel seul (Sophonie 2.3), un petit reste saint qui échappera au jugement (Sophonie 3.12). Comme la plus grande partie de la nation est déjà perdue pour Dieu, les efforts énergiques voire même héroïques de Josias, ne réussissent qu’à couvrir d’un vernis extérieur la corruption qui est enraciné au fond des cœurs des Israélites. Le règne de Josias et les ministères combinés de Sophonie et de Jérémie sont pour Juda un temps de répit mais c’est le calme qui précède la tempête qui va bientôt éclater.
L’enseignement de Sophonie concernant le salut est intéressant. Il prêche la transformation intérieure qui se traduit différemment chez le païen et l’Israélite. Le premier doit abandonner les idoles pour se consacrer exclusivement au culte de l’Éternel et pour le servir (Sophonie 3.9 et suivants), tandis que pour l’Israélite, le changement de cœur doit se manifester par un comportement droit et juste envers le prochain (Sophonie 1.13). Comme chez Ésaïe et Michée, ce renouvellement intérieur produit la réconciliation et la paix entre les peuples. À l’instar d’autres prophètes, Sophonie enseigne que le salut ne s’étend pas à l’ensemble de la nation d’Israël mais à un petit reste épuré, tandis que les autres qu’il appelle « les orgueilleux » seront éliminés. Ce salut bénéficie également les hommes de toutes les nations (comme Ésaïe et Michée l’avaient déjà affirmé). Les promesses de la nouvelle alliance faites aux Israélites qu’on trouve chez Jérémie et Ézéchiel sont applicables aux étrangers. C’est le même salut pour tous, celui de la Bonne Nouvelle de la grâce de Dieu en Jésus-Christ. Dans le Nouveau Testament, un nouveau peuple de Dieu se forme à partir de l’Israël ancien qui en est la souche. Mais les Juifs qui rejettent la Bonne Nouvelle se retranchent d’eux-mêmes du peuple de Dieu (Matthieu 21.43 ; Luc 3.17) et c’est seulement un petit reste d’Israël qui a part au salut (Romains 9 ; 11.1-10) tandis que les non-Juifs qui mettent leur confiance dans le Messie d’Israël deviennent de véritables enfants d’Abraham et membres du peuple de Dieu.
L’ancien Israël dont sont retranchés les Juifs incrédules et auquel sont incorporés les non-Juifs qui ont foi en Jésus forme le nouvel Israël et c’est lui qui bénéficie des promesses des prophètes.
Sophonie souligne aussi l’universalité du salut quand il dit deux fois que le territoire du peuple de Dieu s’élargira pour englober celui de ses ennemis et s’étendre à toute la terre.
Enfin, il faut souligner l’insistance de Sophonie sur le thème de l’humilité comme disposition intérieure nécessaire pour échapper au jugement et recevoir le salut. Ce sont ceux qui se reconnaissent dépendant de l’Éternel parce que spirituellement pauvres et nécessiteux, qui sont aptes à recevoir la grâce de Dieu.
Commentaire biblique radiophonique écrit par le pasteur et docteur en théologie : Vernon McGee (1904-1988) et traduit par le pasteur Jacques Iosti.