Matthieu 8.3-22
Chapitre 8
Introduction
Supposons que vous soyez gravement malade. Quelqu’un de très respectable, mais que vous connaissez à peine, vous rend visite sur votre lit de douleur. Au lieu des formules d’usage, il prend votre main et puis d’un coup d’un seul vous sentez et savez que vous êtes complètement guéri. Seulement ce visiteur insolite exige que vous n’en parliez à personne à part votre médecin. Je crois que dans une telle situation, il serait drôlement difficile de tenir sa langue. Mais si vous ébruitez la chose, qu’arriverait-il à ce guérisseur ?
Versets 3-4
Je continue à lire dans le chapitre 8 de Matthieu :
Jésus tendit la main et toucha le lépreux en disant : — Oui, je le veux, sois pur. À l’instant même, il fut guéri de sa lèpre. Attention, lui dit Jésus, ne dis à personne ce qui t’est arrivé ; mais va te faire examiner par le prêtre et apporte l’offrande prescrite par Moïse. Cela leur servira de témoignage (Matthieu 8.3-4).
Jésus envoie l’homme guéri au Temple en lui demandant de se conformer aux ordonnances de la Loi. Il montre par là qu’il respecte les exigences rituelles qui voulaient qu’un lépreux guéri, ce qui était extrêmement rare, aille se montrer au prêtre de fonction. Cette démarche témoignera favorablement en faveur de Jésus pour trois raisons : elle montre qu’il se soumet à la Loi, qu’il a tout pouvoir sur la maladie, et enfin qu’il accomplissait certaines prophéties concernant Celui qui devait venir.
Tout cela tendait donc à prouver qu’il était bel et bien le Messie. Si Jésus demande au lépreux de ne rien dire face à une si grande guérison, c’est parce qu’il ne voulait pas que ses miracles éclipsent son enseignement et sa mission de sauveur. Il ne voulait pas passer pour un thaumaturge ni être pris d’assaut par la foule. En effet, on verra qu’après avoir multiplié les pains, il fut obligé de s’enfuir, car le peuple voulait le faire roi à des fins politiques. D’après l’Évangile de Marc, le lépreux guéri fou de joie a fait exactement l’inverse, déclarant à qui voulait l’entendre ce qui lui était arrivé. Je cite le passage :
Mais lui, à peine sorti, se mit à proclamer à tout le monde ce qui lui était arrivé et il répandit la nouvelle partout. À cause de cela, Jésus ne pouvait plus aller ouvertement dans une localité ; il se tenait en dehors, dans des lieux déserts. Cependant, on venait à lui de toutes parts (Marc 1.45).
Les difficultés que valut à Jésus la désobéissance de cet homme prouvent bien la sagesse de l’interdiction qu’Il avait formulée. À partir de maintenant, sa marge de manœuvre sera réduite.
Versets 5-6
Je continue.
Jésus entrait à Capernaüm, quand un officier romain l’aborda. Il le supplia : — Seigneur, mon serviteur est couché chez moi, il est paralysé, il souffre terriblement. — Je vais chez toi, lui répondit Jésus et je le guérirai (Matthieu 8.5-6).
Alors que le lépreux était cérémonieusement impur, le deuxième miracle que nous rapporte Matthieu concerne un païen donc quelqu’un religieusement impur. En tant qu’envahisseurs, les Romains étaient doublement haïs des Juifs, mais pas cet officier, car selon Luc, celui-ci avait acquis le respect et l’admiration de la population locale et leur avait même bâti une synagogue. Fait remarquable, les archéologues pensent que les ruines de cet édifice existent encore dans la ville de Capernaüm. Le centenier est très humble ce qui est d’autant plus étonnant que sa demande ne le concerne pas directement. Il est vrai que dans l’antiquité, les serviteurs faisaient pour ainsi dire partie de la famille.
Versets 8-9
Je continue.
— Seigneur, dit alors l’officier, je ne suis pas qualifié pour te recevoir dans ma maison, mais tu n’as qu’un mot à dire et mon serviteur sera guéri. Car moi-même, je ne suis qu’un officier subalterne, mais j’ai des soldats sous mes ordres et quand je dis à l’un : « Va ! », il va. Quand je dis à un autre : « Viens ! », il vient. Quand je dis à mon esclave : « Fais ceci ! », il le fait (Matthieu 8.8-9).
La réponse du centenier montre son très grand respect pour Jésus, car il savait bien qu’un Juif qui pénétrerait chez lui se rendrait cérémonieusement impur. De plus, il exprime un certain sentiment de culpabilité morale face au Christ dont il connaissait certainement les enseignements. Comme l’a fait remarquer saint Augustin, en se considérant indigne de recevoir Jésus sous son toit, cet officier montrait une grande perspicacité spirituelle.
Il savait qui était réellement Jésus et avait la bonne attitude pour recevoir le pardon de ses fautes. Par son explication un peu compliquée, le centenier témoigne d’une foi profonde. Il reconnaît que son autorité dépend de Rome tout comme celle de Jésus dépend du Dieu d’Israël. En d’autres mots, il est en train de dire : Je sais que tu es un envoyé de l’Éternel et que tu as toute autorité sur terre. Le centenier voyait en Jésus la majesté et la puissance du Seigneur Dieu alors que les plus instruits en Israël étaient frappés d’aveuglement spirituel. Quel témoignage de la part d’un païen ! C’est ce qui explique l’étonnement de Jésus.
Versets 10-13
Je continue le texte.
En entendant cela, Jésus fut rempli d’admiration et, s’adressant à ceux qui le suivaient, il dit : — Vraiment, je vous l’assure : chez personne, en Israël, je n’ai trouvé une telle foi. Je vous le déclare : beaucoup viendront de l’Orient et de l’Occident et prendront place à table auprès d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, dans le royaume des cieux. Mais ceux qui devaient hériter du royaume, ceux-là seront jetés dans les ténèbres du dehors. Là, il y aura des pleurs et des grincements de dents. Puis Jésus dit à l’officier : — Rentre chez toi et qu’il te soit fait selon ce que tu as cru. Et, à l’heure même, son serviteur fut guéri (Matthieu 8.10-13).
En guérissant à distance, Jésus montre sa toute-puissance. La déclaration qu’il a faite a dû contrarier les Juifs, car il proclame l’universalité du salut, alors qu’être descendant d’Abraham ne garantit nullement un passeport pour le royaume de Dieu. Ce centenier est le premier de nombreux païens qui auront la vie éternelle. La table d’Abraham est une image du banquet de la fin des temps et représente la plénitude du royaume à venir. Les pleurs et les grincements de dents des Juifs hypocrites rejetés sont une image de détresse et de regrets. L’horreur du châtiment est que Dieu les abandonne à eux-mêmes et à leur pourriture intérieure.
Versets 14-15
Je continue.
Jésus se rendit alors à la maison de Pierre. Il trouva la belle-mère de celui-ci alitée, avec une forte fièvre. Il lui prit la main, et la fièvre la quitta. Alors elle se leva et le servit (Matthieu 8.14-15).
Pierre, qui est considéré par l’Église catholique romaine comme le premier pape, était marié. Le célibat exigé des prêtres est controversé pour diverses raisons et parce qu’il n’a pas de fondement biblique. Au premier siècle, la philosophie gnostique alors en vogue prétendait que tout ce qui est charnel est du péché. Selon ce point de vue, l’ascétisme était le moyen de parvenir à la spiritualité. Mais cette pensée est complètement étrangère à l’enseignement des Écritures.
Dans ce passage, la belle-mère de Pierre a une grosse fièvre qui pouvait provenir d’une multitude de maladies, mais qui est suffisamment grave pour la tenir au lit. Le texte met l’accent sur sa faiblesse. Il précise qu’une fois guérie elle s’est levée pour s’affairer aux soins domestiques. Elle n’avait aucune séquelle de son mal et a retrouvé ses forces instantanément. Cette guérison est typique des miracles extraordinaires du Christ. On entend quelques fois parler de prétendus guérisseurs, mais à de très rares exceptions près et elles existent, ces charlatans n’en finissent jamais de vous guérir alors que vous continuez à être malade. Rien de cela dans les guérisons de Jésus.
Versets 16-17
Je continue.
Le soir venu, on lui amena beaucoup de gens qui étaient sous l’emprise de démons : par sa parole, il chassa ces mauvais esprits. Il guérit aussi tous les malades. Ainsi se réalisait cette parole du prophète Ésaïe : Il s’est lui-même chargé de nos infirmités et il a porté nos maladies (Matthieu 8.16-17).
Une lecture attentive des quatre Évangiles atteste que Jésus a guéri des milliers de gens pendant son séjour parmi nous : des fièvres, des aveugles, des lépreux, des boiteux, des sourds-muets et bien sûr aucune maladie ne pouvait résister à son pouvoir puisqu’Il est le Fils de Dieu. Il est dit qu’il guérissait les démoniaques par sa parole. Or dans l’Antiquité, les exorcistes utilisaient toutes sortes d’incantations et de simagrées. La simplicité avec laquelle Jésus chasse les mauvais esprits met en évidence son autorité divine. Matthieu explique les guérisons en citant une portion d’un texte prophétique qui concerne le Messie. Je le lis :
C’est de nos maladies qu’il s’est chargé, et ce sont nos souffrances qu’il a prises sur lui, alors que nous pensions que Dieu l’avait puni, frappé et humilié. Mais c’est pour nos péchés qu’il a été percé, c’est pour nos fautes qu’il a été brisé. Le châtiment qui nous donne la paix est retombé sur lui et c’est par ses blessures que nous sommes guéris (Ésaïe 53.4-5).
Ce passage annonce le sacrifice d’un personnage appelé le Serviteur de l’Éternel, un titre du Messie. C’est grâce à sa mort pour les péchés des hommes que ces guérisons sont possibles. Ce texte nous rappelle que la maladie, les souffrances et la mort ne sont pas dues à des causes naturelles, mais à l’aliénation de l’homme vis-à-vis de Dieu. Toutes les calamités sont les conséquences de la désobéissance de nos premiers parents dans le jardin d’Éden. Pendant son séjour sur terre, Jésus a commandé aux éléments naturels, vaincu d’abord la maladie puis la mort par sa résurrection. Ces victoires préfigurent son triomphe final sur le mal sous toutes ses formes, y compris le péché qui m’habite et la culpabilité dont il s’est chargé à la croix. Je cite l’apôtre Pierre :
Il a pris nos fautes sur lui et les a portés dans son corps, sur la croix, afin qu’étant morts pour le péché, nous menions une vie juste. Oui, c’est par ses blessures que vous avez été guéris (1Pierre 2.24).
Dans notre société largement influencée par les prouesses et les découvertes de la science, on ne croit plus aux miracles. Aujourd’hui, le savant veut tout expliquer par le raisonnement sans recourir à Dieu. Pour beaucoup de gens, les guérisons des Écritures sont à mettre sur le compte d’une naïveté et d’une trop grande crédulité des gens de l’époque. Ils disent que les actions du Christ auraient été amplifiées par l’imagination et la ferveur de ses disciples. Pourtant, l’historicité des miracles de Jésus est attestée hors des écrits bibliques. Le plus grand d’entre eux, la résurrection, est le fondement de la foi chrétienne. Même l’apôtre Paul concède que si la mort n’avait pas été vaincue par le Christ, le christianisme n’aurait aucune raison d’être.
Ceux qui disent accepter les Textes Sacrés, mais refusent les guérisons sont obligés de les expliquer par des détours et des contorsions abracadabrants auxquels il est bien plus difficile de croire qu’aux miracles eux-mêmes tels qu’ils sont décrits dans les Évangiles. Soit dit en passant, les phénomènes extraordinaires sont plutôt rares dans les Écritures, car limités à certaines périodes de l’histoire précises et brèves. Dieu se manifeste par des prodiges pour signaler un changement important dans sa façon d’administrer l’humanité et pour attester l’autorité de ses messagers.
Ainsi, Moïse fit des miracles pour arracher le peuple hébreu des griffes du pharaon et le faire survivre dans le désert. Les deux premiers prophètes, Élie et Élisée, prouvèrent au peuple d’Israël par des prodiges qu’ils étaient les véritables porte-parole de l’Éternel en remplacement des prêtres et des rois corrompus. Par contre, des grandes figures bibliques comme Abraham, David, les prophètes Ésaïe et Jérémie ou Jean-Baptiste ne firent aucun miracle. Jésus en a fait des milliers pour prouver qu’il était le Messie. Pierre l’explique ainsi au peuple :
Écoutez bien, Israélites, ce que j’ai à vous dire. Vous le savez tous : Jésus de Nazareth, cet homme dont Dieu vous a montré qu’il l’approuvait en accomplissant, par son moyen, au milieu de vous des miracles, des signes et des actes extraordinaires (Actes 2.22).
Plus tard, les apôtres aussi feront des prodiges. Leur but est d’attester l’autorité divine du porte-parole ainsi que l’authenticité de son message. Mais si quelqu’un demande à voir un miracle afin de croire, en réalité c’est un incrédule. Aux Juifs, qui vinrent demander à Jésus de faire quelque prodige, il leur a rétorqué :
Ces gens de notre temps qui sont méchants et infidèles à Dieu réclament un signe miraculeux ! (Matthieu 12.39).
Les 3 cas de guérisons relatés par Matthieu mettent en évidence l’autorité et la bonté de Jésus. Chacun concerne une personne méprisée ou de second rang : un lépreux, rituellement impur ; un centurion religieusement impur ; la belle-mère de Pierre, une femme, donc considérée inférieure aux hommes et source d’impuretés, ce que la littérature juive de l’époque ne manquait pas de souligner. Mais Jésus, le Serviteur de l’Éternel, est venu pour faire le bien autour de Lui, guérir et délivrer ceux qui souffrent, sans faire de reproches. Je cite un passage de l’Ancien Testament :
Il ne brisera pas le roseau qui se ploie et il n’éteindra pas la flamme qui faiblit, mais il établira le droit selon la vérité (Ésaïe 42.3).
En Jésus, on découvre la miséricorde et la bonté du Père céleste.
Versets 18-20
Je continue le texte.
Lorsque Jésus se vit entouré d’une foule nombreuse, il donna ordre à ses disciples de passer de l’autre côté du lac. Un spécialiste de la Loi s’approcha et lui dit : — Maître, je te suivrai partout où tu iras. Jésus lui répondit : — Les renards ont des tanières et les oiseaux du ciel des nids ; mais le Fils de l’homme n’a pas d’endroit où reposer sa tête (Matthieu 8.18-20).
Ici, Jésus se nomme Le Fils de l’homme, un terme qu’il utilise fréquemment. Cette définition se trouve dans une vision du prophète Daniel où il décrit un être angélique semblable à un fils de l’homme. À la fin de sa vie terrestre, Jésus sera interrogé par le Grand-Prêtre. Il lui répondra que c’est lui qui avait été prophétisé par Daniel, une façon de dire qu’il est le Messie. Jésus, Fils de l’homme était vraiment homme et en tant que Fils de Dieu, Il est le Seigneur des cieux. À cause de ses nombreux miracles, le Christ avait attiré une foule admirative. Je comprends, car j’en aurais fait partie. Maintenant, fatigué par une journée chargée, il s’apprête à traverser la mer de Galilée.
C’est alors que quelques hommes expriment le désir de le suivre. Le premier est un scribe, sans doute un jeune homme plein d’idéal qui vient de terminer ses études. Il savait combien sa classe religieuse, les interprètes de la Loi, avait besoin d’être remaniée et voit en Jésus un réformateur. Les scribes étaient très instruits et très versés dans les Écritures. Un tel homme gagné à la cause du Christ aurait eu une très grande influence sur le peuple.
Mais Jésus recherche la grandeur d’âme avant l’instruction et c’est Lui qui fixe les conditions de ceux qui veulent le suivre. À cause de son ministère itinérant, pour le gîte et le couvert, Il devait compter sur l’hospitalité des habitants des contrées qu’Il visitait. La réponse que donne Jésus était quelque chose comme : On tourne sans réservation à l’auberge du coin, on ne sait pas si et quand on va manger. Es-tu prêt à assumer une vie sans aucun confort et à renoncer à tous tes privilèges ? À priori non, car nous n’entendons plus parler de ce scribe.
Versets 21-22
Je continue le texte.
— Seigneur, lui dit un autre qui était de ses disciples, permets-moi d’aller d’abord enterrer mon père. Mais Jésus lui répondit : — Suis-moi et laisse à ceux qui sont morts le soin d’enterrer leurs morts (Matthieu 8.21-22).
Le suivant a un conflit de priorités suite au décès de son père. Il veut bien faire route avec Jésus, mais seulement après avoir réglé ses problèmes de famille. En fait, il lui demande de pouvoir rester auprès des siens et porter le deuil jusqu’aux funérailles qui avaient lieu une année après le décès. Au cours de cette cérémonie, on plaçait les ossements dans le caveau familial. Jésus lui répond sèchement que le culte des ancêtres est pour ceux qui sont spirituellement morts. Ses exigences sont en conflit avec la piété filiale imposée par le Judaïsme. Plus loin, Jésus dira :
— Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi. Celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi (Matthieu 10.37).
Le Christ demande une allégeance sans aucune condition. Enterrer ou attendre que les vivants meurent, c’est faire du sur-place et ne convient pas à celui qui veut entrer au service du Roi des Cieux.
Commentaire biblique radiophonique écrit par le pasteur et docteur en théologie : Vernon McGee (1904-1988) et traduit par le pasteur Jacques Iosti.