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17 juin 2022

Matthieu 6.1-15

Chapitre 6

Introduction

Que ce soit à l’école ou dans le monde scientifique, on nous enseigne haut et fort que nous descendons des primates et que la sélection des espèces s’opère selon la loi de la jungle, la raison du plus fort est toujours la meilleure. Alors, je me dis que s’il en est ainsi, pourquoi ne pas exploiter mon prochain un maximum ? C’est en tout cas ce que semblent penser pas mal de voyous, profiteurs, arnaqueurs ou criminels. Cette logique est aux antipodes du Sermon sur la Montagne. Ce discours de Jésus est sans conteste l’expression morale la plus élevée qui n’ait jamais été écrite. Dans un premier temps, il a enseigné que les attitudes du cœur comptent davantage que les comportements visibles. Il a aussi opposé la fausse conception de la justice à la vraie qui est selon Dieu.

Maintenant, il va traiter la vie pratique des sujets du royaume dans leur relation à Dieu. Pour cela, il va d’abord contraster les actes de justice nobles et les faux-semblants. Prenant comme exemples l’aumône, la prière et le jeûne, il va montrer que les vertus chrétiennes motivées par des mobiles égoïstes perdent toute leur valeur devant Dieu.

Verset 1

Je commence à lire le chapitre 6 de Matthieu.

Prenez garde de ne pas accomplir devant les hommes, pour vous faire remarquer par eux, ce que vous faites pour obéir à Dieu, sinon vous n’aurez pas de récompense de votre Père céleste (Matthieu 6.1).

Une distinction fine existe entre ce commandement et celui qui dit : Que votre lumière luise devant les hommes, afin qu’ils voient vos bonnes œuvres. La bonne action peut être la même dans les deux situations, mais la différence se situe au niveau de la motivation. Dans le premier cas, le but de la manœuvre est de recevoir l’applaudissement du public comme les vedettes du show-business, qui, sous le feu des caméras, paraissent devant le Tout-Paris. Dans le 2e cas, le but est de plaire à Dieu. Ainsi, la même action peut revêtir des significations très différentes.

Verset 2

Je continue.

Si donc tu donnes quelque chose aux pauvres, ne le claironne pas partout. Ce sont les hypocrites qui agissent ainsi dans les synagogues et dans les rues pour que les autres chantent leurs louanges. Vraiment, je vous l’assure : leur récompense, ils l’ont d’ores et déjà reçue (Matthieu 6.2).

Jésus fustige certaines pratiques courantes de son temps. C’est ainsi que certains Juifs riches se faisaient précéder d’un serviteur, qui annonçait à coups de trompette la venue du maître pour que les pauvres se rassemblent et reçoivent des aumônes. De même, dans les synagogues, chacun indiquait à haute voix la somme qu’il donnait. Une bonne action faite dans le but d’être applaudi perd toute sa valeur devant Dieu ; la seule récompense est l’honneur des hommes.

Dans le contexte hébraïque, le mot hypocrisie peut aussi se traduire par celui qui méprise Dieu, c’est tout dire. Le faux jeton est donc la personne dont la conduite contredit sa foi et déshonore le Seigneur. Le hic, c’est que cette attitude égocentrique n’est pas forcément consciente. En fait, plusieurs textes lient l’hypocrisie à l’aveuglement. Dans les pays anglo-saxons, il est courant de faire graver son nom dans une pierre d’un édifice auquel on a contribué financièrement. Si c’est pour une école ou un monument quelconque, pourquoi pas. Mais quand le bâtiment en question est une église, ça surprend. Cela dit, Dieu, lui, remarque les moindres actes faits en son nom, mais de manière désintéressée. Je cite les paroles de Jésus :

Si quelqu’un donne à boire, ne serait-ce qu’un verre d’eau fraîche, au plus insignifiant de mes disciples parce qu’il est mon disciple, vraiment, je vous l’assure, il ne perdra pas sa récompense (Matthieu 10.42).

Versets 3-4

Je continue notre texte.

Quant à toi, si tu veux donner quelque chose aux pauvres, que ta main gauche ne sache pas ce que fait ta main droite. Que ton aumône se fasse ainsi en secret ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra (Matthieu 6.3-4).

Il faut bien voir que Dieu veut être le seul à connaître notre libéralité, à l’exception bien sûr du trésorier qui est supposé être muet comme une tombe. Mais si d’une manière ou d’une autre je sonne de la trompette, si je m’arrange pour que ça se sache, alors, je perds l’approbation et la récompense liées à mon don.

Verset 5

Je continue.

Quand vous priez, n’imitez pas ces hypocrites qui aiment à faire leurs prières debout dans les synagogues et à l’angle des rues : ils tiennent à être remarqués par tout le monde. Vraiment, je vous l’assure : leur récompense, ils l’ont d’ores et déjà reçue (Matthieu 6.5).

Le verbe priez, répété 4 fois dans cette section, introduit quatre directives : ne pas prier comme les hypocrites, prier en secret, ne pas prier comme les païens et prier le Père avec simplicité. Les exhortations de Jésus concernant la prière sont fort utiles pour celui qui veut être entendu par Dieu. À cette époque, la prière des Juifs se faisait à heures fixes, alors certains s’arrangeaient pour être dans la rue à ce moment-là afin que tout le monde puisse voir qu’ils accomplissaient leur devoir religieux. Plus qu’une conduite précise, Jésus dénonce un état d’esprit mesquin. Une nouvelle fois, il enseigne que c’est ce qui est dans le cœur, ce qui motive les actions qui compte plus que le comportement extérieur proprement dit. Jésus va maintenant expliquer comment prier.

Verset 6

Je continue.

Mais toi, quand tu veux prier, va dans ta pièce la plus retirée, verrouille ta porte et adresse ta prière à ton Père qui est là dans le lieu secret. Et ton Père, qui voit dans ce lieu secret, te le rendra (Matthieu 6.6).

La plupart des maisons galiléennes n’avaient qu’une ou deux pièces. Jésus fait allusion à un petit cagibi servant de rangement. Une fois encore, ce n’est pas tant une conduite précise qu’un état d’esprit que Jésus recommande. Quand on parle à Dieu, on ne doit pas s’adresser aux hommes, sinon la prière ne monte pas plus haut que le plafond.

Versets 7-8

Je continue.

Dans vos prières, ne rabâchez pas des tas de paroles, à la manière des païens ; ils s’imaginent qu’à force de paroles Dieu les entendra. Ne les imitez pas, car votre Père sait ce qu’il vous faut, avant que vous le lui demandiez (Matthieu 6.7-8).

Jésus compare plusieurs fois le comportement de ses contemporains à celui des païens. Il exhorte de prier avec simplicité, mais ne dénonce pas l’insistance dans la prière qui, elle, est une vertu. Celui qui persévère exprime sa dépendance vis-à-vis du Dieu souverain. Jésus ne s’oppose pas non plus aux longues prières. Il a lui-même réitéré les mêmes requêtes et passé des nuits entières à prier. Je cite deux passages :

Vers cette même époque, Jésus se retira sur une colline pour prier. Il passa toute la nuit à prier Dieu. Pour la troisième fois, il pria en répétant les mêmes paroles (Luc 6.12 ; Matthieu 26.44).

Cela dit, Jésus s’élève contre l’idée qu’en harcelant Dieu par une pratique mécanique genre moulin à prière bouddhiste ils le feront fléchir. À l’opposé, on peut penser que puisque Dieu connaît toute chose, qu’il est souverain et agit comme ça lui plaît, alors, à quoi bon l’invoquer ? En réalité, la prière ne vise ni à informer Dieu de ce qu’il ne sait pas ni à l’amadouer, mais comme il désire notre bien et que nous participions à son œuvre, il nous invite à nous adresser à lui le plus souvent possible.

Dans ma liberté de créature, j’ai le choix de montrer par ma prière que je suis dépendant de mon Créateur. De plus, il a créé l’homme à son image pour avoir une relation avec lui, pas pour regarder des automates qui, une fois remontés, s’agiteraient jusqu’à ce que le ressort soit cassé. Il n’empêche que bien des mystères demeurent — ce qui est logique — puisque la prière est un trait d’union entre le ciel et la terre. J’ai pour ma part autant de questions que de réponses. Mais il n’est pas nécessaire de tout comprendre pour invoquer le Dieu de l’univers. Alors, je bénéficierais des richesses qu’il tient à ma disposition, si je prends ses promesses au sérieux.

Verset 9

Je continue le texte :

Priez donc ainsi : Notre Père, toi qui es dans les cieux, que tu sois reconnu pour Dieu (Matthieu 6.9).

Cette prière qu’on appelle le Notre Père est universellement connue et exprime le sentiment de solidarité dans la foi qui lie ceux qui prient le Dieu unique et Père céleste. Pour un Juif, cette façon de s’adresser à Dieu était inhabituelle et même choquante, car beaucoup trop familière. Cependant, tout le Sermon sur la Montagne est marqué par une atmosphère qu’on peut qualifier de familiale. En effet, la relation entre le Roi céleste et les membres du royaume est celle d’un père envers ses enfants, et ce sont des liens fraternels qui lient les sujets du royaume entre eux. L’expression Notre Père assure aux croyants la liberté de pouvoir s’approcher de Dieu avec assurance.

Ces deux mots représentaient pour ceux qui écoutaient Jésus une conception toute nouvelle de Dieu. Dans le Sermon sur la Montagne, Jésus l’utilise 17 fois. Selon l’Évangile de Jean, cette façon de parler a scandalisé les Juifs à plusieurs occasions. Cette intimité entre la créature et son Père céleste a été rendue possible par Jésus-Christ qui en tant que Fils de Dieu est venu dans le monde. L’apôtre Jean écrit :

À tous ceux qui l’ont accueilli, qui ont cru en lui, à tous ceux-là, il a accordé le privilège de devenir enfants de Dieu (Jean 1.12).

Cette nouvelle relation colore toute la vie du croyant : sa vision du monde et des biens matériels, son action, son rapport avec les autres et sa prière. L’expression Notre père qui es dans les cieux nous rappelle qu’un abîme sépare l’homme sur terre du Dieu Tout-Puissant, maître de l’univers. Nous devons donc nous approcher de Lui dans la prière avec respect et humilité. D’ailleurs, un passage de l’Ancien Testament l’exprime clairement. Je le lis :

Ne te presse pas d’ouvrir la bouche et ne te laisse pas entraîner par ton cœur à formuler hâtivement des promesses en présence de Dieu, car Dieu est au ciel, et toi tu es sur la terre. Que tes paroles soient donc peu nombreuses (Ecclésiaste 5.1).

Le fait que nos paroles devraient être peu nombreuses indique justement que les répétitions mécaniques sont malvenues parce qu’elles traduisent un manque de respect envers le Créateur. L’expression : que tu sois reconnu comme Dieu me rappelle que mon premier souci est de donner à Dieu sa juste place en tout et partout, lui rendre gloire et contribuer à l’avancement de son règne. Avant de mentionner mes propres désirs pour la vie présente, les fils du Père devraient avoir à cœur de voir la volonté de Dieu s’accomplir sur la terre. Celui qui se dit chrétien devrait se demander : Est-ce que je vis en sorte que ceux qui me côtoient reconnaissent Dieu dans mon comportement ?

Dans le livre de la Genèse, Abraham élevait un autel presque partout où il allait. Lorsque ses voisins traitaient des affaires avec lui, ils découvraient que le patriarche était honnête et digne de confiance. Alors, il est dit que ces païens venaient à respecter l’Éternel parce qu’il était le Dieu d’Abraham. En fait, plusieurs rois, ayant reconnu qu’Abraham était un personnage hors du commun, sont venus le trouver pour faire alliance avec lui à cause de son Dieu.

Verset 10

Je continue la prière du Notre Père.

Que ton règne vienne, que ta volonté soit faite, et tout cela, sur la terre comme au ciel (Matthieu 6.10).

Ce règne est celui promis par les prophètes et qui commencera lorsque Jésus-Christ reviendra pour régner pendant 1 000 ans sur terre. Les trois premières requêtes du Notre Père concernent Dieu ; je les rappelle : Que tu sois reconnu comme Dieu ; que ton règne vienne ; que ta volonté soit faite. Comme Dieu peut faire tout ce qu’il veut quand il veut et que rien ni personne ne peut y redire, on peut se demander pourquoi prier afin qu’il accomplisse ce que de toute façon il va faire. La raison est qu’il ne veut pas vivre tout seul dans son coin, mais désire que nous participions à Sa vie, à Son Règne, et à Sa volonté. On revient au fait que Dieu nous a créés à son image pour que nous ayons une relation intime avec Lui. S’il faisait ce que bon lui semble indépendamment de l’homme, alors, à quoi bon nous avoir créé ?

Verset 11

Le Notre Père continue avec trois suppliques concernant nos besoins ici-bas. Je continue à le lire :

Donne-nous aujourd’hui le pain dont nous avons besoin (Matthieu 6.11).

Le pain représente nos besoins physiques comme la nourriture, l’eau, l’air, la santé et le reste. Par cette requête, les enfants du Père reconnaissent leur entière dépendance vis-à-vis de Dieu tout comme le peuple d’Israël pendant les 40 années dans le désert. Les Hébreux ont dû leur survie à l’Éternel, en particulier à la manne, qui tombait quotidiennement du ciel comme une pluie de pain céleste. La manne est un mot qui est passé dans notre langage populaire. Elle ressemblait à de petites tartelettes miellées qui ne se conservaient qu’un seul jour. L’Israélite qui en mettait de côté pour le lendemain découvrait avec horreur qu’elles étaient pleines de vers et immangeables.

Dans la prière du Notre Père il est spécifié : Donne-nous aujourd’hui, ce qui sous-entend que cette demande doit être formulée jour après jour. L’acte de remercier Dieu avant un repas parce qu’il satisfait mes besoins est une acceptation de ma dépendance envers Lui.

Verset 12

Je continue la prière du Notre Père.

Pardonne-nous nos torts envers toi comme nous pardonnons nous-mêmes les torts des autres envers nous (Matthieu 6.12).

Celui qui demande à Dieu d’oublier ses fautes est tenu d’agir de même envers ceux qui l’ont blessé. Tout péché, qu’il soit par action ou par omission, est une dette contractée vis-à-vis de Dieu et le pardon est le seul moyen d’effacer l’ardoise. Cette requête est la seule qui adresse les relations interpersonnelles aussi bien avec Dieu qu’avec les autres et c’est la clémence qui en est le fer de lance. Cette demande de pardon est tellement importante que Jésus la commentera plus loin. J’ai déjà eu l’occasion de m’étendre longuement sur ce sujet lorsque j’ai traité l’histoire de Joseph qui avait été vendu comme esclave par ses dix demi-frères. Pourtant, on ne parle pas assez du pardon, sans doute parce qu’il est très difficile de passer l’éponge sur les injustices qu’on a subies. Pourtant, il n’y a pas d’alternatives, quand on considère que la haine ou le ressentiment conduit à la catastrophe à tous les niveaux — mental, physique et relationnel.

Verset 13

Je continue le Notre Père.

Garde-nous de céder à la tentation, et surtout, délivre-nous du diable. Car à toi appartiennent le règne et la puissance et la gloire à jamais (Matthieu 6.13).

Avec cette requête finale, le disciple demande la protection de Dieu contre ce qui pourrait le faire tomber ou lui infliger du mal. Dieu ne peut causer la chute de quiconque, car c’est contre sa nature. Par contre, Il a le pouvoir de me garder des épreuves qui seraient au-dessus de mes forces. À la fin de l’Évangile de Luc, à la veille de son arrestation, Jésus demande à ses disciples de prier afin de ne pas céder à la tentation. Ce mot en grec, la langue du Nouveau Testament, est le même que pour épreuve. Celle-ci peut prendre diverses formes : soit une attirance vers des choses illicites, alléchantes comme une fille de rêve ; soit des difficultés de la vie comme un accident ou une maladie. L’une ou l’autre peut devenir une occasion de chute et de régression spirituelle. Dieu ne veut pas me préserver de toute épreuve, car à son avis, certaines sont nécessaires. En effet, bien vécues, elles entraînent une plus grande dépendance à son égard, ce qui revient à une croissance dans la foi.

Versets 14-15

Je continue le texte.

En effet, si vous pardonnez aux autres leurs fautes, votre Père céleste vous pardonnera aussi. Mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père ne vous pardonnera pas non plus vos fautes (Matthieu 6.14-15).

Les Écritures enseignent que la vie éternelle s’obtient par la foi en Jésus et non grâce à un comportement modèle. Je cite un passage :

Sachez-le bien : par Jésus-Christ, le pardon des péchés vous est annoncé, et en lui quiconque croit est justifié de tout ce dont vous ne pouviez être justifiés par la loi de Moïse (Actes 13.38-39).

L’apôtre Paul exhorte ses lecteurs à pardonner à ceux qui les ont offensés, non pour recevoir une bénédiction en retour, mais parce que Dieu leur a déjà pardonné. Je lis le passage :

Soyez bons et compréhensifs les uns envers les autres. Pardonnez-vous réciproquement comme Dieu vous a pardonné en Christ (Éphésiens 4.32).

Le disciple a continuellement besoin d’être pardonné par Dieu. Il ne peut demeurer en communion avec son Père céleste que dans la mesure où lui-même accepte de pardonner à ceux qui l’ont offensé.

Commentaire biblique radiophonique écrit par le pasteur et docteur en théologie : Vernon McGee (1904-1988) et traduit par le pasteur Jacques Iosti.

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