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16 juin 2022

Matthieu 5.31-48

Chapitre 5

Introduction

Depuis que la société existe, ceux qui sont en position d’autorité ont tout essayé pour enrayer les tourments que les gens s’infligent les uns aux autres : dans l’antiquité, c’était le châtiment expéditif et sans appel, ensuite est venue la répression nuancée. Dans nos sociétés modernes, c’est une législation lourde qui semble surtout avantager les fauteurs de troubles. On a même essayé des camps de réhabilitation, genre commandos où on mène la vie dure aux malfaiteurs, mais en définitive rien n’y fait. Que ce soit le journal du matin ou celui du soir, on constate que le mal continue à régner et même prospérer sur notre planète. Dans le Sermon sur la Montagne, Jésus propose une perspective différente sur ce problème. Il commence par des paroles plutôt choquantes lorsqu’il dit :

Si ton œil droit te fait tomber dans le péché, arrache-le… Si ta main droite te fait tomber dans le péché, coupe-la et jette-la au loin. Il vaut mieux pour toi perdre un de tes membres que de voir tout ton corps jeté en enfer (Matthieu 5.30).

Jésus utilisait souvent des images très parlantes pour enseigner et celle-là a dû retenir l’attention de ses auditeurs. Il ne pouvait pas être littéral dans ses propos, car selon la Loi de Moïse il est interdit de se mutiler. Je crois bien me souvenir qu’un de ceux, qu’on appelle les Pères de l’Église, s’est châtré. C’est sûr qu’après ce coup de couteau, il n’était plus attiré par les femmes, mais cette solution aussi radicale soit-elle ne règle rien du tout. Les pulsions mauvaises sont toujours présentes et ressortiront de toute façon, si ce n’est pas d’une manière, ce sera d’une autre. J’aurais beau m’arracher les yeux et les mains, cela ne résoudra pas la convoitise qui habite au fond de moi. La seule solution serait d’ôter mon cœur mauvais qui, comme Jésus le dit si bien, est la vraie source du mal. Je le cite :

Ce qui sort de l’homme c’est cela qui le rend impur. Car c’est du dedans, c’est du cœur de l’homme que proviennent les pensées mauvaises qui mènent à l’immoralité, au vol, au meurtre, à l’adultère, l’envie, la méchanceté, la tromperie, le vice, la jalousie, le blasphème, l’orgueil, et à toutes sortes de comportements insensés. Tout ce mal sort du dedans et rend l’homme impur (Marc 7.21-23).

Si tel que je suis, je ne peux pas vivre selon le standard divin, alors j’ai besoin de recevoir un nouveau cœur de la part de Dieu ; ainsi, mes pensées et mes actions seront pures. Dans le Sermon sur la Montagne, Jésus est très sévère dans le but de me montrer qu’il est impossible de satisfaire les exigences du Créateur trois fois Saint et donc que j’ai besoin d’un sauveur. Mai si dans mon arrogance je prétends être capable de moi-même atteindre la sainteté, alors je descends au même niveau d’hypocrisie que les religieux de l’époque du Christ.

Versets 31-32

Je continue le texte du chapitre 5 de Matthieu.

Il a aussi été dit : « Si quelqu’un divorce d’avec sa femme, il doit le lui signifier par une déclaration écrite ». Eh bien, moi je vous dis : Celui qui divorce d’avec sa femme — sauf en cas d’immoralité sexuelle — l’expose à devenir adultère, et celui qui épouse une femme divorcée commet lui-même un adultère (Matthieu 5.31-32).

Jésus adresse maintenant la pratique de la répudiation, le renvoi de la femme par son mari. Comme dans toutes les sociétés machos, l’inverse n’existait évidemment pas. Les choses n’ont pas bien changé, car comme chantait le groupe suédois Abba : It is a man’s world, c’est un monde fait pour l’homme. À l’époque de Jésus, le divorce était un sujet brûlant largement discuté par les religieux, et certains rabbins le toléraient pour les raisons les plus futiles. C’est pourquoi Jésus s’élève contre ce comportement injuste vis-à-vis de l’épouse. Une telle pratique chosifie la femme, l’avilit en la mettant au même niveau qu’une possession matérielle. On l’utilise et on s’en débarrasse quand on veut autre chose. En bien des points de notre globe, il en est d’ailleurs toujours ainsi.

En fait, c’est l’introduction du christianisme dans l’empire romain qui a éventuellement réformé la condition de la femme dans cette partie du monde. Encore qu’il y a pas mal de travail qui reste à faire. À Paris par exemple, les services sociaux ou de police reçoivent environ 500 appels par jour pour violence conjugale et tous les mois 6 femmes meurent suite à des coups et blessures. Une prostituée d’Europe de l’Est comme l’Albanie rapporte en gros 7 000 euros par mois dans certaines villes de ce que nous appelons la Douce France.

Versets 33-37

Suite à ces statistiques déprimantes, je continue le texte.

Vous avez encore appris qu’il a été dit à nos ancêtres : « Tu ne rompras pas ton serment ; ce que tu as promis avec serment devant le Seigneur, tu l’accompliras ». Eh bien, moi je vous dis de ne pas faire de serment du tout. Ne dites pas : « Je le jure par le ciel », car le ciel, c’est le trône de Dieu. Ou : « J’en prends la terre à témoin », car elle est l’escabeau où Dieu pose ses pieds. Ou : « Je le jure par Jérusalem », car elle est la ville de Dieu, le grand Roi. Ne dites pas davantage : « Je le jure sur ma tête », car tu ne peux pas rendre un seul de tes cheveux blanc ou noir. Dites simplement : « oui » si c’est oui, « non » si c’est non. Tous les serments qu’on ajoute viennent du diable (Matthieu 5.33-37).

La classe religieuse juive avait aussi fait des rajouts aux déclarations simples et sans ambiguïté de la Loi de Moïse concernant les serments. Dieu avait dit :

Vous ne prononcerez pas de faux serments par mon nom, car en faisant cela, vous profaneriez le nom de votre Dieu. Je suis l’Éternel (Lévitique 19.12).

L’homme étant ce qu’il est, les Juifs avaient introduit des façons détournées de prêter serment qui leur permettaient de rompre un engagement à condition que l’objet en cause ne soit pas trop important. De cette manière, ils pouvaient faire une promesse en bonne et due forme sans pour autant être liés par leurs paroles. En plus de ça, certains juraient à tout bout de champ parce que c’était devenu une garantie de véracité ce qui supposait que ce qui était dit sans serment n’était pas digne de foi. Jésus pointe ces subterfuges hypocrites et interdit tout serment à ses disciples. Ceux qui veulent le suivre doivent être connus pour leur honnêteté à tout instant et ne pas avoir besoin de jurer pour être crédibles. Jésus enseigne ainsi le caractère sacré de toute parole qui engage parce qu’elle est prononcée devant le Seigneur qui règne dans le ciel et sur la terre.

Versets 38-39

Je continue.

Vous avez appris qu’il a été dit : « œil pour œil, dent pour dent ». Eh bien, moi je vous dis : ne résistez pas à celui qui vous veut du mal ; au contraire, si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui aussi l’autre (Matthieu 5.38-39).

Jésus énonce un précepte qu’il va illustrer avec trois exemples. Lorsque la Loi posa le principe : œil pour œil et dent pour dent, c’était pour limiter les dommages et intérêts à ce qui était proportionnel à l’offense subie. Le châtiment devait correspondre au crime selon ce qui s’appelle la loi du talion. Ce commandement faisait partie du code civil de la nation d’Israël et n’avait pas été donné pour encourager la vengeance personnelle et la peine devait être appliquée sous l’autorité civile du tribunal. Mais sous le couvert de cette règle, les Juifs masquaient leur haine et assouvissaient leur désir de vengeance en pratiquant la vendetta dans leurs relations privées, ce qui était complètement étranger à l’esprit de la Loi. Dieu avait dit et je cite :

Tu ne te vengeras pas et tu ne garderas pas de rancune envers les membres de ton peuple, mais tu aimeras ton prochain comme toi-même. Je suis l’Éternel (Lévitique 19.18).

Un texte similaire se trouve dans le Nouveau Testament, je le lis :

Ne répondez jamais au mal par le mal. Mes amis, ne vous vengez pas vous-mêmes, mais laissez agir la colère de Dieu, car il est écrit : C’est à moi qu’il appartient de faire justice ; c’est moi qui rendra à chacun son dû (Romains 12.17-19).

Jésus exhorte donc ses disciples à ne pas rendre le mal pour le mal, mais à y répondre en faisant le bien. C’est ce que veut dire : tendre l’autre joue. L’exemple de la gifle qui est un geste d’insulte, concerne les relations interpersonnelles. Jésus invite ceux qui le suivent à ne pas riposter à l’affront qui leur est fait, mais au contraire à persévérer dans le bien faire. Par une telle attitude, le disciple montre que son espérance et sa dignité lui viennent de Dieu et non de l’opinion ou de la conduite de celui qui le maltraite. Les deux principes ne pas se venger et ne pas garder rancune n’ont pas changé avec le temps et devraient régir la vie privée de tout croyant. Ces règles ne concernent pas le droit civil qui lui doit appliquer la loi du talion, sévère par nécessité.

Versets 40-42

Je continue.

Si quelqu’un veut te faire un procès pour avoir ta chemise, ne l’empêche pas de prendre aussi ton vêtement. Et si quelqu’un te réquisitionne pour porter un fardeau sur un kilomètre, porte-le sur deux kilomètres avec lui. Donne à celui qui te demande, ne tourne pas le dos à celui qui veut t’emprunter (Matthieu 5.40-42).

Jésus a d’abord enseigné que, dans ses relations interpersonnelles, le croyant ne doit pas rendre le mal pour le mal, ce qu’il a illustré au moyen de la gifle. Les deux exemples suivants, la chemise et le fardeau à porter, visent d’une part les relations sociales, et d’autre part celles avec le pouvoir en place. Le vêtement représente un objet indispensable. Dans le code civil d’Israël, Moïse écrit :

Si tu prends en gage le manteau de ton prochain, tu le lui rendras avant le coucher du soleil, car c’est là sa seule couverture ; autrement, dans quoi s’envelopperait-il pour dormir ? S’il crie vers moi, je l’écouterai, car je suis compatissant (Exode 22.24-26).

Par cet exemple, Jésus oblige ses disciples à reconsidérer leur hiérarchie des valeurs. Les injustices, qui nous sont faites dans le domaine matériel comme les vols et les arnaques, ne sont pas une bonne raison pour se venger. Beaucoup de gens ont une haute opinion d’eux-mêmes, ils se croient justes aux yeux de Dieu et fréquentent même une Église de temps en temps. Mais dans leurs relations avec autrui, ils ont un cœur de pierre et sont du genre brutal, c’est le business avant tout et tant pis pour les faibles. Face à un tel requin, Jésus dit : ne l’empêche pas de prendre aussi ton vêtement.

Le troisième exemple que donne le Seigneur touche le pouvoir despotique de l’État. Les soldats et fonctionnaires romains avaient le droit de réquisitionner n’importe qui pour porter leurs fardeaux. Jésus dit à ses disciples d’aller au-delà de ce qui est exigé d’eux. Puis ce passage se termine par cette exhortation déroutante : Ne résiste pas au méchant. Face au malfaisant, à l’exploiteur, le croyant doit tendre l’autre joue en faisant le bien. Face à l’injustice, il est tenu de l’accepter sans chercher réparation, quitte à perdre encore davantage. Face aux obligations d’état, il doit faire plus que le nécessaire. D’une manière générale, Jésus engage ceux qui le suivent à aller au-delà de ce qui est demandé d’eux.

Le Christ était un vrai révolutionnaire. Cela dit, nous devons montrer de la prudence dans le domaine de l’argent et ne pas donner n’importe comment, n’importe quoi à n’importe qui. Lorsqu’il parlait, Jésus avait à l’esprit la multitude des pauvres qui mendiaient de toutes parts et qui étaient vraiment destitués. Il voulait que ses disciples partagent leurs biens avec les plus démunis, ce que fera d’ailleurs l’Église naissante et qui est décrit dans le livre des Actes, mais aussi dans plusieurs lettres de l’apôtre Paul. Un grand nombre d’œuvres caritatives ont été fondées par des chrétiens, car ils étaient poussés par l’amour de Dieu qu’ils avaient eux-mêmes expérimenté. La charité est une vertu éminemment chrétienne, vous n’avez qu’à visiter le continent indien pour en être convaincu.

Verset 43

Je continue le texte.

Vous avez appris qu’il a été dit : « Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi » (Matthieu 5.43).

La Loi enseigne bien d’aimer son prochain comme soi-même. Par contre, on cherche en vain un passage qui commanderait de haïr son ennemi. Certains religieux avaient pris la liberté d’enseigner ce principe et aussi de limiter la notion de prochain aux Juifs. Pourtant, la Loi de Moïse dit :

Vous aussi, vous aimerez l’étranger parmi vous, car vous avez été étrangers en Égypte (Deutéronome 10.19).

Cette fausse conception de l’amour des autres provenait peut-être de la communauté juive du bord de la Mer Morte, car on lit dans leurs écrits cette exhortation : aimer ceux qu’il a choisis, les Juifs, haïr ceux qu’il a rejetés, les païens. Ce parti-pris nationaliste n’a rien à voir avec l’enseignement des Écritures.

Verset 44

Je continue le texte.

Eh bien, moi je vous dis : Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent (Matthieu 5.44).

L’amour que Jésus demande de la part de ceux qui le suivent n’est pas basé sur les sentiments, mais consiste en actes concrets. Il ne nous est pas possible de nous entourer exclusivement de gens avec qui nous avons des affinités naturelles, mais nous pouvons toujours choisir de les aimer. Dans un autre Évangile, Jésus définit l’amour de la manière suivante :

Quant à vous tous qui m’écoutez, voici ce que je vous dis : Aimez vos ennemis ; faites du bien à ceux qui vous haïssent ; appelez la bénédiction divine sur ceux qui vous maudissent ; priez pour ceux qui vous calomnient. Vous, au contraire, aimez vos ennemis, faites-leur du bien et prêtez sans espoir de retour (Luc 6.27-28, 35).

Pour le croyant, aimer ses ennemis consiste non seulement à ne pas se venger, mais aussi à lui faire du bien, en particulier en lui faisant connaître l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ.

Versets 45-48

Je finis ce chapitre.

Ainsi vous vous comporterez vraiment comme des enfants de votre Père céleste, car lui, il fait luire son soleil sur les méchants aussi bien que sur les bons, et il accorde sa pluie à ceux qui sont justes comme aux injustes. Si vous aimez seulement ceux qui vous aiment, allez-vous prétendre à une récompense pour cela ? Les collecteurs d’impôts eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Si vous ne saluez que vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens n’agissent-ils pas de même ? Votre Père céleste est parfait. Soyez donc parfaits comme lui (Matthieu 5.45-48).

Jésus cherchait à corriger l’hypocrisie qui était le mode de vie des Juifs de cette époque à cause de l’enseignement des religieux très coupables à ce niveau-là. Bien qu’il ne nous soit pas possible d’être parfait en nous-mêmes, cela reste malgré tout l’objectif de tout vrai disciple du Christ. Notre propre justice ne dépassera guère celle des religieux de tout poil qui sillonnaient les chemins de Palestine, néanmoins, Dieu ne peut exiger moins que ce qu’il est lui-même, trois fois saint. L’éthique personnelle à laquelle tout disciple de Jésus-Christ devrait aspirer, est très élevée et la barre infiniment haute. La justice de Dieu réclame la perfection de la part du croyant, dans ses actes, ses paroles et ses pensées.

Devant le Sermon sur la Montagne, qui peut rester debout et plaider non coupable ? Quelle insolence, que de se prétendre capable d’observer sans faille tous les préceptes du Christ. Nous avons besoin de nous regarder dans le miroir de l’enseignement du Christ et reconnaître notre banqueroute spirituelle. Ceux qui n’ont pas foi en Jésus ont besoin de voir le christianisme en action et en vérité, en dehors des paroles faciles et de l’hypocrisie si commune à ceux qui se disent chrétiens. Souvent, ils se croient ainsi parce qu’ils ont été baptisés bébé et sont allés à la messe à un moment de leur vie ou y vont encore, mais ce ne sont pas les rites qui font un vrai croyant.

Dans ce long discours, Jésus a souligné comme avec un feutre énorme que la loi du royaume n’abolit pas, mais accomplit la loi de Moïse. Il s’est opposé à l’interprétation qu’en donnaient les religieux et a rétabli la juste exigence divine : celle de la perfection dont la marque est l’amour du prochain. Au moyen de six exemples, Jésus a remis les pendules à l’heure pour ainsi dire. Il dénonce l’interprétation habituelle des commandements qui en limite la portée à des pratiques superficielles et qui justifie les attitudes coupables du cœur humain que sont la colère, les désirs mauvais, la domination masculine, le manque de droiture, le désir de vengeance et la haine.

Or, dit Jésus, c’est la manifestation de l’amour du prochain qui constitue l’essence de la Loi de Moïse ; c’est la bonté qui refuse de traiter l’autre d’imbécile, de regarder une femme comme une chose à posséder, de tromper son prochain au moyen de faux serments. Il est maintenant bon de se demander : jusqu’ici et au regard du Sermon sur la Montagne, où est-ce que je me situe ?

Commentaire biblique radiophonique écrit par le pasteur et docteur en théologie : Vernon McGee (1904-1988) et traduit par le pasteur Jacques Iosti.

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