Matthieu 6.16-34
Chapitre 6
16-18
Dans nos pays nantis, lorsque quelqu’un jeûne c’est généralement parce que la veille il a fait la bombe et été malade comme un chien. Alors, se mettre à la diète ne peut que lui faire du bien. Mais il y a d’autres raisons pour s’abstenir momentanément de nourriture. Quand on est malade, souvent on perd l’appétit, alors on jeûne de facto. Et puis il y a ceux qui font la grève de la faim pour faire pression sur les autorités et obtenir une concession. Finalement, il y a des motifs religieux pour jeûner : le ramadan pour les Musulmans, le carême pour les catholiques romains. C’était aussi une pratique répandue dans l’ancien Israël et même des premiers chrétiens. Dans le Sermon sur la Montagne, Jésus aborde ce sujet.
Je continue à lire dans le chapitre 6 de Matthieu.
Lorsque vous jeûnez, n’ayez pas, comme les hypocrites, une mine triste. Pour bien montrer à tout le monde qu’ils jeûnent, ils prennent des visages défaits. Vraiment, je vous l’assure : leur récompense, ils l’ont d’ores et déjà reçue ! Toi, au contraire, si tu veux jeûner, parfume tes cheveux et lave ton visage pour que personne ne se rende compte que tu es en train de jeûner. Que ce soit un secret entre toi et ton Père qui est là dans le lieu secret. Alors ton Père, qui voit ce qui se fait en secret, te le rendra (Matthieu 6.16-18).
Dans les Écritures, le jeûne est une expression de la vie religieuse qui accompagne le deuil, des situations dramatiques ou la confession des péchés. La Loi de Moïse prévoyait une journée obligatoire de jeûne par an à l’occasion du Yom Kippur, le Grand Jour des Expiations, qui préfigurait la croix du Christ. C’est la seule fois où l’ordre est donné à tout Israélite, répété à cinq reprises, de s’humilier ainsi. Je cite un de ces passages :
Le 10 de ce septième mois, ce sera le jour des expiations, vous aurez une sainte convocation, vous humilierez vos âmes et vous offrirez à l’Éternel des sacrifices consumés par le feu (Lévitique 23.27).
Ce Jour du Grand Pardon était pour la nation d’Israël l’occasion de se mettre en règle avec Dieu. Aujourd’hui, nous possédons l’immense privilège de pouvoir nous approcher de Dieu en toute simplicité à n’importe quel moment pour recevoir le pardon de nos fautes. Je cite un passage :
Si nous reconnaissons nos fautes, Dieu est fidèle et juste pour nous les pardonner et nous purifier de tout le mal que nous avons commis (1Jean 1.9).
À l’époque de Jésus, les chefs religieux de la nation juive étaient passés maîtres de l’hypocrisie en tout genre. Ils pratiquaient le jeûne afin d’être vus et admirés par le peuple. C’est pour cela que Jésus donne ces directives à ses disciples. Certains textes du Nouveau Testament suggèrent que le croyant peut s’il le désire jeûner afin de consacrer davantage de temps à la prière, mais il n’y est jamais contraint. Avec le jeûne, les aumônes et la prière, Jésus a couvert trois domaines essentiels de la piété personnelle. Il a invité ses auditeurs à réexaminer leur manière de vivre leur relation avec Dieu.
Pour cela, il a condamné l’hypocrisie des chefs religieux qui pratiquaient à la vue des hommes ce qu’ils auraient dû vivre en secret devant Dieu. Au moyen d’images frappantes et d’exemples extrêmes, Jésus s’est montré brutal parce que l’enjeu est de taille, il en va de la conception même de Dieu. Il a enseigné que le Seigneur du ciel et de la terre ne se laisse pas manipuler par des pratiques religieuses. Sa présence et son intimité sont pour les hommes pieux véridiques qui se livrent à son regard dans le secret.
Versets 19-20
Maintenant, Jésus va aborder le problème des possessions terrestres.
Ne vous amassez pas des richesses sur la terre où elles sont à la merci de la rouille, des mites qui rongent, ou des cambrioleurs qui percent les murs pour voler. Amassez-vous plutôt des trésors dans le ciel, où il n’y a ni rouille, ni mites qui rongent, ni cambrioleurs qui percent les murs pour voler (Matthieu 6.19-20).
À cette époque, les banques n’existaient pas, les gens gardaient leur argent chez eux et parfois l’enfouissaient dans le sol pour le mettre en sécurité. Mais les maisons palestiniennes étaient généralement faites en torchis donc faciles à percer. L’argent est un sujet épineux et une vraie plaie quand on y pense. Jésus attire l’attention de ses disciples sur les dangers du matérialisme. Il aborde ce sujet dans onze de ses paraboles tellement Il le juge important. La préoccupation avec les choses est un souci répandu dans tous les milieux, qu’ils soient aisés ou pauvres.
Le problème des richesses est subtil, car il en faut afin de pourvoir à ses besoins et ceux de sa famille. Mais il est difficile d’échapper au piège qui consiste à aimer l’argent et convoiter des biens matériels parce que le désir de posséder est lié au besoin de se faire voir et valoir devant soi et les autres. Le croyant qui vit dans une société de consommation est constamment assailli par la publicité et soumis à la tentation quasi constante de posséder toujours plus : davantage de temps libre, une bagnole plus belle, une plus grande maison, une grosse télé dernier cri, des jouets électroniques et tout ça. C’est pour cette raison que le premier principe énoncé par Jésus adresse les priorités.
Vu du ciel, il est tout à fait insensé de s’entourer de choses qui au fil du temps perdent leur valeur, et de se constituer un patrimoine qui de toute façon restera ici-bas lorsque moi je partirai dans l’au-delà. On n’a encore jamais vu un coffre suivre un corbillard. Je sais bien que certains excentriques se font enterrer avec leur idole, que ce soit une moto, une bagnole ou un autre jouet, mais il n’empêche que la chose reste dans la terre et pourrit. Selon Jésus, l’investissement judicieux consiste à travailler pour ce qui dure comme un compte bancaire céleste qui me procure des intérêts de l’autre côté.
Verset 21
Je continue le texte.
Car là où est ton trésor, là sera aussi ton cœur (Matthieu 6.21).
Dieu ne veut pas que je me sente trop chez moi ici-bas. Je dois au contraire me considérer comme un étranger, un pèlerin de passage en route vers ma destination éternelle. Dans une de ses paraboles, Jésus compare le royaume de Dieu à un très grand trésor. La question est donc : vais-je m’investir plutôt sur terre ou plutôt dans les cieux ? Jésus ne veut pas que ses disciples perdent leurs temps, énergie et santé à s’enrichir pour des possessions passagères. Quand on y réfléchit et vu du ciel, l’argent, auquel on attribue tant de valeur, n’est jamais qu’un bout de papier.
Versets 22-23
Je continue le texte.
Les yeux sont comme une lampe pour le corps ; si donc tes yeux sont en bon état, ton corps entier jouira de la lumière. Mais si tes yeux sont malades, tout ton corps sera plongé dans l’obscurité. Si donc la lumière qui est en toi est obscurcie, dans quelles ténèbres profondes te trouveras-tu ! (Matthieu 6.22-23).
En bon état veut dire : pur, sans partage ou arrière-pensée. Les yeux en bon état se concentrent sur le Seigneur, tandis que les malades sont obnubilés par les biens matériels. L’attachement aux richesses produit l’aveuglement et empêche une juste perception des réalités spirituelles. L’amour de l’argent est l’expression d’un cœur qui est dans les ténèbres, et qui donc n’est pas capable de voir ce qui dans l’éternité a de la valeur.
Verset 24
Je continue.
Nul ne peut être en même temps au service de deux maîtres, car ou bien il détestera l’un et aimera l’autre, ou bien il sera dévoué au premier et méprisera le second. Vous ne pouvez pas servir en même temps Dieu et l’Argent (Matthieu 6.24).
Nous ne pouvons obéir qu’à un seul maître à la fois. Je ne peux pas aller dans deux directions différentes en même temps sinon je serais écartelé. On a tous fait l’expérience d’être confronté à des ordres contradictoires, c’est très déconcertant. Dans un contexte familial, une telle double contrainte qui se répète peut provoquer des troubles psychiques graves.
Ici, le problème est spirituel. Même, les croyants sont tentés de rechercher le meilleur de deux mondes. Si je veux satisfaire à la fois ma soif de richesses et le commandement du Christ, je me place dans une situation très intenable. Au bout d’un moment, il faudra que je me décide à suivre l’un ou l’autre de ces maîtres. Les possessions matérielles ne sont pas mauvaises en elles-mêmes, c’est l’attitude que j’adopte envers elles qui risque de poser problème. Je lis une exhortation de l’apôtre Paul à ce sujet :
Recommande à ceux qui possèdent des richesses en ce monde de se garder de toute arrogance et de ne pas fonder leur espoir sur la richesse, car elle est instable. Qu’ils placent leur espérance en Dieu, qui nous dispense généreusement toutes ses richesses pour que nous en jouissions. Recommande-leur de faire le bien, d’être riches en œuvres bonnes, d’être généreux et de partager avec les autres. Ils s’assureront ainsi pour l’avenir un beau capital placé en lieu sûr afin d’obtenir la vraie vie (1Timothée 6.19).
Alors, Dieu ou l’Argent ? Jésus me demande qui a mon affection.
Versets 25-27
Je continue le texte.
C’est pourquoi je vous dis : ne vous inquiétez pas en vous demandant : « Qu’allons-nous manger ou boire ? Avec quoi allons-nous nous habiller ? » La vie ne vaut-elle pas bien plus que la nourriture ? Et le corps ne vaut-il pas bien plus que les habits ? Voyez ces oiseaux qui volent dans les airs, ils ne sèment ni ne moissonnent, ils n’amassent pas de provisions dans des greniers, et votre Père céleste les nourrit. N’avez-vous pas bien plus de valeur qu’eux ? D’ailleurs, qui de vous peut, à force d’inquiétude, prolonger son existence, ne serait-ce que de quelques instants (Matthieu 6.25-27).
Jésus utilise les animaux pour montrer que les créatures doivent dépendre de leur créateur. Les oiseaux ne peuvent semer des grains ou amasser pour l’hiver. Par contre, les écureuils le font très bien, encore que le plus souvent ils oublient où ils ont caché leurs réserves. Tous les animaux, d’une manière ou d’une autre, font confiance à Dieu pour leur subsistance. Plus loin, Jésus situe la nécessité de travailler pour vivre dans le cadre de la providence de Dieu, car en dernier essor, c’est lui qui nourrit et donne le vêtement. Cela dit, il faut bien faire la différence entre s’inquiéter et prévenir. La fable de La Fontaine, La cigale et la fourmi montre bien qu’il faut se préparer pour l’hiver en emmagasinant pendant la moisson, ce qui correspond aussi à l’enseignement des Écritures. Je cite un passage :
Toi qui es paresseux, va donc voir la fourmi, observe son comportement et tu apprendras la sagesse. Elle n’a ni surveillant, ni contremaître, ni chef. Durant l’été, elle prépare sa nourriture, au temps de la moisson, elle amasse ses provisions (Proverbes 6.6-8).
De même, c’est la responsabilité du chef de famille de pourvoir aux besoins des siens. Je lis un passage du Nouveau Testament :
Si quelqu’un ne prend pas soin des siens, en particulier des membres de sa famille, il a renié la foi et il est pire qu’un incroyant (1Timothée 5.8).
Par opposition à la prévoyance, l’inquiétude est un refus de croire que c’est Dieu qui régit ma vie. Jésus montre à la fois la folie et la futilité de ce manque de confiance au Créateur qui est celui qui subvient à tous nos besoins. Nous devons cultiver cette dépendance en Dieu afin de ne pas tomber dans l’excès des sociétés individualistes où ne compter que sur soi est la principale valeur. Les hommes pieux de l’Ancien Testament reconnaissaient la main de Dieu en tout. Je lis un passage :
C’est toi qui fais jaillir des sources dans les ravins. Là viennent s’abreuver les bêtes qui peuplent les champs et les bois, là viennent boire les ânes sauvages. Les oiseaux nichent sur leurs rives, chantant à l’abri du feuillage. C’est toi qui fais pousser le foin pour le bétail, et qui fais prospérer les plantes pour les hommes afin qu’ils tirent de la terre le pain pour se nourrir. Les arbres, qui sont ton ouvrage, ô Éternel, sont pleins de sève. C’est là que nichent les oiseaux et la cigogne a sa demeure là, sur les branches des cyprès. Les bouquetins ont leurs retraites aux sommets des monts élevés, et les rochers sont le refuge où les petits damans se cachent. Les lionceaux rugissent après leur proie, ils demandent à Dieu leur nourriture. Mais dès que paraît le soleil, ils se retirent pour se coucher dans leurs tanières. Et l’homme sort pour son ouvrage, qu’il poursuivra jusqu’à la nuit. Combien tes œuvres sont nombreuses, ô Éternel, tu as tout fait avec sagesse, la terre est pleine de tout ce que tu as créé : voici la mer immense qui s’étend à perte de vue, peuplée d’animaux innombrables, des plus petits jusqu’aux plus grands, les bateaux la parcourent, ainsi que le monstre marin que tu as fait pour qu’il y joue. Ils comptent sur toi, tous ces êtres, pour recevoir leur nourriture, chacun au moment opportun. Tu la leur donnes : ils la prennent, ta main s’ouvre, et ils sont comblés. Tu te détournes, ils sont épouvantés. Tu leur ôtes le souffle, les voilà qui expirent, redevenant poussière. Gloire à jamais à l’Éternel ! Qu’il se réjouisse de ses œuvres ! (Psaumes 104.10-30).
Dieu nous demande de vivre en lui faisant confiance et sans se soucier constamment du lendemain.
Versets 28-34
Je finis le chapitre 6 de Matthieu.
Quant aux vêtements, pourquoi vous inquiéter à leur sujet ? Observez les lis sauvages ! Ils poussent sans se fatiguer à tisser des vêtements. Pourtant, je vous l’assure, le roi Salomon lui-même, dans toute sa gloire, n’a jamais été aussi bien vêtu que l’un d’eux ! Si Dieu habille avec tant d’élégance la petite plante des champs qui est là aujourd’hui et qui demain sera jetée au feu, à plus forte raison ne vous vêtira-t-il pas vous-mêmes ? Ah, votre foi est encore bien petite ! Ne vous inquiétez donc pas et ne dites pas : « Que mangerons-nous ? » ou : « Que boirons-nous ? Avec quoi nous habillerons-nous ? » Toutes ces choses, les païens s’en préoccupent sans cesse. Mais votre Père, qui est aux cieux, sait que vous en avez besoin. Faites donc du règne de Dieu et de ce qui est juste à ses yeux votre préoccupation première, et toutes ces choses vous seront données en plus. Ne vous inquiétez pas pour le lendemain ; le lendemain se souciera de lui-même. À chaque jour suffit sa peine (Matthieu 6.28-34).
Hier, je me faisais du souci pour demain qui est maintenant aujourd’hui. Quelle futilité ! À trois reprises dans ce passage, le Christ répète : Ne vous inquiétez pas ! En effet, si Dieu se soucie de la moindre de ses créatures, à combien plus forte raison prendra-t-il soin de ceux qui s’adressent à lui pour leurs besoins. Jésus affirme d’ailleurs : N’avez-vous pas bien plus de valeur qu’eux ? Et puis l’inquiétude est non seulement inutile, mais néfaste. Ce n’est pas en se faisant du mauvais sang qu’on peut changer quoi que ce soit à une situation. Jésus dit : Qui de vous peut, à force d’inquiétude, prolonger son existence, ne serait-ce que de quelques instants ? Si ma maison est partie en fumée, me faire du mouron à son sujet ou de ce que l’avenir me réserve ne changera rien au fait que j’ai devant moi un tas de cendres.
La prévoyance par contre consiste à prendre une assurance incendie et ensuite à entamer les démarches nécessaires afin d’être remboursé. Je me rends bien compte que tout cela est facile à dire alors qu’en réalité j’ai un long chemin à faire, car il m’est encore bien difficile de faire confiance à Dieu pour tous les détails de ma vie. En disant à ses disciples : Faites donc du règne de Dieu et de ce qui est juste à ses yeux votre préoccupation première, Jésus les appelle une nouvelle fois à souscrire aux mêmes hiérarchies de valeurs que dans la prière du Notre Père. Puis il ajoute : toutes ces choses vous seront données en plus. C’est logique. Dans une de ses lettres, l’apôtre Paul explique que si Dieu a donné son Fils pour mourir sur la croix, à plus forte raison il subviendra à tous nos besoins. Je cite le passage :
Lui qui n’a même pas épargné son propre Fils, mais l’a livré pour nous tous, comment ne nous donnerait-il pas aussi toutes choses avec lui ? (Romains 8.32).
L’attitude prônée par Jésus n’est pas l’insouciance, mais la confiance en un Dieu Père qui sait de quoi j’ai besoin. L’inquiétude ajoute inutilement aux fardeaux de la vie. Se soucier du lendemain contredit le Donne-nous aujourd’hui de la prière du Notre Père. Jésus nous prodigue des paroles encourageantes, lorsqu’il dit :
Ne vous inquiétez pas pour le lendemain ; le lendemain se souciera de lui-même. À chaque jour suffit sa peine (Matthieu 6.30).
Ce mot peine veut littéralement dire méchanceté. Il s’agit des problèmes et des tensions de la vie quotidienne : un enfant qui a mal à la gorge ou un patron difficile à vivre. Demain, Dieu m’accordera la force et la sagesse pour résoudre les difficultés du jour comme en témoigne ce passage :
Car les bontés de l’Éternel ne sont pas à leur terme et ses tendresses ne sont pas épuisées. Chaque matin, elles se renouvellent. Oui, ta fidélité est grande ! (Lamentations 3.22-23).
Commentaire biblique radiophonique écrit par le pasteur et docteur en théologie : Vernon McGee (1904-1988) et traduit par le pasteur Jacques Iosti.