Luc 3.1 – 4.2
Chapitre 3
Introduction
Certaines personnes ont une profession officielle, mais à côté, ils ont une passion ou un violon d’Ingres qui tient davantage de place dans leur vie que leur gagne-pain. On sait que Luc est médecin puisque l’apôtre Paul l’appelle « le médecin bien-aimé (Colossiens 4.14; LSG) », mais c’est ce qui est écrit sur son état civil. En réalité, on le connaît et on l’apprécie surtout en tant qu’historien, et un historien sérieux, très méticuleux et hors pair, qui enracine tout ce qu’il écrit dans « l’ici et maintenant » de son siècle. C’est ainsi qu’il rattache les ministères de Jean-Baptiste et de Jésus-Christ dans l’histoire profane de son époque. Tibère est alors l’empereur mégalo-maniaque de service. Quant à Ponce Pilate, il fut nommé gouverneur ou plutôt préfet de la Judée, la province où se trouve Jérusalem, à partir de l’an 26 et exerça sa fonction jusqu’en 36. Il s’opposait généralement aux Juifs qu’il méprisait. Selon l’historien hébreu Flavius Josèphe, Pilate a versé beaucoup de sang juif en Judée et en Samarie, la province au nord de la Judée. En bon despote, il aurait aussi puisé dans le trésor du temple. Hérode Antipas est celui qui mit à mort Jean-Baptiste. Il régna de l’an 4 avant J-C à l’an 39. Son royaume était vassal de Rome.
Verset 1
Dans le chapitre 3 de son évangile, Luc nous raconte le ministère de Jean-Baptiste, souvent appelé Jean, ainsi que le début officiel de celui de Jésus-Christ. Je commence à le lire.
La quinzième année du règne de l’empereur Tibère, Ponce Pilate était gouverneur de la Judée, Hérode régnait sur la Galilée comme tétrarque, son frère Philippe sur l’Iturée et la Trachonite, Lysanias sur l’Abilène (Luc 3.1).
En bon historien, Luc situe ces événements dans le temps et par rapport à l’histoire profane. C’est César Auguste qui est empereur quand Jésus est né. Mais ici, nous sommes en l’an 28 de notre ère et Jésus a probablement 33 ans. Tibère est le gendre et successeur de César Auguste, auquel il succède en l’an 14. Il régnera jusqu’en 37, mais comme il est mégalo-maniaque, son empire ne lui suffit pas. Intelligent, rusé et cruel, il veut devenir empereur du monde. Hérode Antipas est le second fils d’Hérode le Grand. Il régna 36 ans (4-39).
Verset 2
Je continue le texte avec d’autres noms de personnages qui ont marqué l’histoire.
Anne et Caïphe étaient grands-prêtres. Cette année-là, Dieu confia son message à Jean, fils de Zacharie, dans le désert (Luc 3.2).
Selon la Loi, il ne peut y avoir qu’un seul grand-prêtre et il exerce ses fonctions à vie. Hanne est grand-prêtre de l’an 6 av. J-C à l’an 15. Puis il est destitué de sa position par le prédécesseur de Pilate et est remplacé par son gendre Caïphe. Cependant, les Juifs continuent à considérer Anne comme le grand-prêtre légitime. Voilà pourquoi Luc mentionne ces deux hommes. C’est donc dans ces circonstances que Jean-Baptiste entre sur scène. Normalement, il aurait dû devenir prêtre et servir dans le temple comme son père Zacharie, mais il reçoit un appel de Dieu particulier et commence une vie d’ermite dans le désert à l’exemple d’Élie le Thischbite, un célèbre prophète de l’Ancien Testament.
Verset 3
Je continue.
Jean se mit à parcourir toute la région du Jourdain. Il appelait les gens à se faire baptiser pour indiquer qu’ils changeaient de vie afin de recevoir le pardon de leurs péchés (Luc 3.3).
Jean-Baptiste commence un ministère prophétique dans la tradition de l’Ancien Testament. Personnage pittoresque, mal ou pas rasé, négligé, vêtu de poils de chameau, il se nourrit de miel sauvage et de sauterelles, ce qui a l’avantage d’être très nourrissant. Jean-Baptiste n’a rien pour plaire et son message rébarbatif n’est pas populaire pour un sou. Son rôle est d’appeler ses compatriotes à se repentir afin de les préparer à la venue du Messie. Il invite donc ses auditeurs à se détourner de la voie du mal, et à observer pleinement la Loi surtout au niveau moral, car pour ce qui est du rituel, la loi de cette époque consistait essentiellement en un système lourd et complexe de rites qui avaient été rajoutés au fil des siècles par les rabbins. L’engagement de cœur envers l’Éternel est signifié par le baptême d’eau, qui est seulement un témoignage mais ne purifie rien du tout. Sous le régime de l’Ancien Testament il existait bel et bien une purification rituelle mais elle n’était que pour les Israélites et ne couvrait que certaines transgressions.
Versets 4-6
Je continue.
Ainsi s’accomplit ce que le prophète Ésaïe avait écrit dans son livre : On entend la voix de quelqu’un qui crie dans le désert : Préparez le chemin pour le Seigneur, faites-lui des sentiers droits. Toute vallée sera comblée, toute montagne et toute colline seront abaissées, les voies tortueuses deviendront droites, les chemins rocailleux seront nivelés, et tous les hommes verront le salut de Dieu (Luc 3.4-6).
Cette citation éclaire le ministère de Jean-Baptiste. Son rôle est de préparer la venue du Seigneur, le serviteur de l’Éternel, qui va intervenir en faveur de son peuple. Dans les temps antiques, quand un roi se déplaçait, il était précédé par des serviteurs qui préparaient le terrain en déblayant tout ce qui pouvait l’obstruer afin de rendre le voyage du roi le plus agréable possible. C’est un peu comme quand on joue aux boules à la façon lyonnaise; on enlève tous les grattons pour que ça roule bien.
Ici, le chemin qui doit être redressé est le cœur des auditeurs. Effectivement, un certain nombre d’entre eux fut ainsi préparé intérieurement à recevoir le message de Jésus. En disant : « et tous les hommes verront le salut de Dieu », Luc souligne la portée universelle du salut, et qui concerne les non-Juifs et les Grecs en particulier à qui il écrit.
Versets 7-9
Je continue.
Jean disait à ceux qui venaient en foule se faire baptiser par lui : — Espèces de vipères ! Qui vous a enseigné à fuir la colère de Dieu qui va se manifester ? Montrez plutôt par vos actes que vous avez changé. Ne vous contentez pas de répéter en vous-mêmes : “ Nous sommes les descendants d’Abraham ! ” Car, regardez ces pierres : je vous déclare que Dieu peut en faire des enfants d’Abraham. Attention ! La hache est sur le point d’attaquer les arbres à la racine : tout arbre qui ne porte pas de bon fruit sera coupé et jeté au feu (Luc 3.7-9).
Jean-Baptiste n’est pas un pied tendre ou une âme sensible; il ne ménage pas ses paroles et place ses auditeurs devant les dures réalités spirituelles de la vie. Il y a une colère à venir qui n’épargnera personne, pas même les descendants d’Abraham. À cette époque, les arbres qui ne portaient pas de fruit étaient considérés comme inutiles, abattus et brûlés. Il en sera de même de toute personne qui ne porte pas les fruits de l’obéissance à Dieu, telle qu’elle est décrite dans la Loi de Moïse.
Versets 10-11
Je continue.
Les foules lui demandèrent alors : — Que devons-nous faire ? Il leur répondit : — Si quelqu’un a deux tuniques, qu’il en donne une à celui qui n’en a pas. Si quelqu’un a de quoi manger, qu’il partage avec celui qui n’a rien (Luc 3.10-11).
Plusieurs sont tourmentés par leurs fautes et demandent donc avec crainte et tremblement : « Que devons nous faire? » Sous le régime de l’Ancienne Alliance, comme aujourd’hui d’ailleurs, on prouve sa repentance par des actes concrets, par exemple en donnant de son surplus aux nécessiteux. La tunique est une sorte de grande chemise et les gens qui en avaient plusieurs en portaient souvent deux l’une sur l’autre, histoire de montrer qu’on est riche.
Versets 12-14
Je continue.
Il y avait des collecteurs d’impôts qui venaient se faire baptiser. Ils demandèrent à Jean : — Maître, que devons-nous faire ? — N’exigez rien de plus que ce qui a été fixé, leur répondit-il. Des soldats le questionnèrent aussi : — Et nous, que devons-nous faire ? — N’extorquez d’argent à personne et ne dénoncez personne à tort : contentez-vous de votre solde (Luc 3.12-14).
Les collecteurs d’impôts étaient des Juifs à la solde de l’occupant romain, donc des collabos en quelque sorte et ils tiraient un grand profit de leur position en exigeant davantage que ce qui était requis. Quant aux soldats, ils sont probablement juifs et au service du roi Hérode. Ils avaient la fâcheuse tendance à user la force pour extorquer les Israélites. Ces deux groupes étaient haïs par le peuple. Le message de Jean-Baptiste est très pratique, mais ce n’est que la préparation au salut véritable que le Messie apportera. Alors que Jean-Baptiste demande à ses auditeurs une manifestation extérieure de la repentance, Jésus exige de ses disciples une attitude intérieure droite. En soi, la bonne conduite est certes, digne de louange, mais elle ne peut pas gagner le paradis à quiconque, car le bien que je fais aujourd’hui n’efface pas le mal que j’ai commis hier. Seul le sang du Christ sur la croix peut effacer mes fautes.
Versets 15-17
Je continue.
Le peuple était plein d’espoir et chacun se demandait si Jean n’était pas le Messie. Il répondit à tous : — Moi je vous baptise dans l’eau. Mais quelqu’un va venir, qui est plus puissant que moi. Je ne suis même pas digne de dénouer la lanière de ses sandales. Lui, il vous baptisera dans le Saint-Esprit et le feu. Il tient en main sa pelle à vanner, pour nettoyer son aire de battage, et il amassera le blé dans son grenier. Quant à la bale, il la brûlera dans un feu qui ne s’éteindra jamais (Luc 3.15-17).
Jean-Baptise est un exemple d’humilité et de renoncement et refuse les hommages du peuple. Ne voulant laisser planer aucun doute sur son identité, il établit une distinction entre son baptême d’eau et celui du Christ. L’œuvre de l’Esprit accompagnait Jésus puis s’est manifestée lors de la Pentecôte, quand les disciples se sont mis à prêcher dans les langues de tous les Juifs qui étaient rassemblés à Jérusalem pour la Pâque.
Le baptême de feu est une oeuvre de jugement qui commença à s’accomplir lors du ministère de Jésus sur terre, et qui atteindra son apogée à la fin des temps au moment des jugements des sceaux, des trompettes et des coupes qui sont décrits dans le livre de l’Apocalypse.
Versets 18-20
Je continue.
Jean adressait encore beaucoup d’autres recommandations au peuple et lui annonçait la Bonne Nouvelle. Mais il reprocha au gouverneur Hérode d’avoir épousé Hérodiade, la femme de son demi-frère, et d’avoir commis beaucoup d’autres méfaits. Hérode ajouta encore à tous ses crimes celui de faire emprisonner Jean (Luc 3.18-20).
Hérode Antipas vivait avec sa belle-sœur qui avait quitté Hérode Philippe, son mari. La famille des Hérode est citée dans la gazette du coin pour une sombre affaire de mœurs somme toute banale. Le tyran se distingue en faisant emprisonner Jean-Baptiste.
Versets 21-22
Versets 21-22
Je continue.
Tout le peuple accourait vers Jean pour se faire baptiser. Jésus fut aussi baptisé. Or, pendant qu’il priait, le ciel s’ouvrit et le Saint-Esprit descendit sur lui, sous une forme corporelle, comme une colombe. Une voix retentit alors du ciel : — Tu es mon Fils bien-aimé. Tu fais toute ma joie (Luc 3.21-22).
Luc ne présente pas les événements dans un ordre chronologique, par contre, il donne des détails qui lui sont spécifiques. Ainsi, il est le seul des évangélistes à mentionner que Jésus est en prière quand le Saint-Esprit descend sur lui sous la forme d’une colombe. C’est d’ailleurs à cause de cet événement que cet oiseau est devenu l’emblème de la paix.
En disant que « le ciel s’ouvrit », Luc souligne que Dieu entre souverainement dans l’histoire humaine d’une manière éclatante et visible par son Fils Jésus. La Trinité divine se révèle au baptême du Christ. Dieu le Père parle à Dieu le Fils sur lequel descend Dieu le Saint-Esprit.
Alors qu’ici, Dieu dit : « Tu es mon Fils bien-aimé. Tu fais toute ma joie », selon Matthieu (4.17), Dieu s’adresse aux hommes et dit : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, celui qui fait toute ma joie ». La déclaration de Dieu a été comprise de deux manières différentes.
Verset 23
Je continue le texte.
Jésus avait environ trente ans quand il commença à exercer son ministère. Il était, comme on le pensait, le fils de Joseph, dont voici les ancêtres (Luc 3.23).
Jésus a commencé sa carrière terrestre en l’an 28 de notre ère. L’expression « environ trente ans », n’a pas pour but de nous donner son âge exact mais d’indiquer qu’Il avait la maturité requise pour remplir un ministère. C’est en effet à trente ans que les prêtres commencent à exercer leur sacerdoce. C’était l’âge de Joseph, fils de Jacob, quand il est entré au service du pharaon. David a 30 ans quand il devient roi.
Le reste du chapitre est consacré à une longue généalogie de 76 noms. Elle commence par une phrase ambivalente qui est : « Jésus était, comme on le pensait, le fils de Joseph, dont voici les ancêtres ». C’est une façon de dire que génétiquement, cette opinion est erronée. Par contre, juridiquement, Jésus est bien le fils adoptif de Joseph et donc par lui un descendant de David, l’ancêtre royal par excellence.
Cependant, après avoir cité Joseph, Luc remonte à un dénommé Héli, qui est le père de Marie. Luc va donc de Jésus à Joseph au père de Marie. Est-ce un chassé-croisé ou une gymnastique d’esprit ? Le reste du chapitre est consacré à la généalogie de Marie et Luc remonte ainsi jusqu’au roi David en passant par l’un de ses fils, qui s’appelle Nathan. Cela veut dire que symboliquement, le sang de David coule dans les veines de Marie.
Dans son évangile, Matthieu donne aussi la généalogie de Jésus, mais il remonte à David en passant par le roi Salomon qui est un autre fils de David et demi-frère de Nathan que mentionne Luc. Matthieu commence par Abraham, l’ancêtre fondateur du peuple juif et donne la ligne royale légale qui descend jusqu’à Joseph. Symboliquement donc, le sang de David coule dans les veines de Joseph.
La généalogie présentée par Luc est inversée par rapport à Matthieu et commence par Jésus, puis le père de Marie pour remonter jusqu’à Adam et à Dieu lui-même. Il ressort de tout cela que Jésus est de la lignée de David à la fois par Joseph, son père adoptif et Marie sa mère. D’un côté, il est l’héritier légal du royaume, et de l’autre, par Marie il y a droit physiquement.
Ici encore et fidèle à lui-même, Luc se soucie des païens. En effet, la généalogie qu’il donne ne s’arrête pas à Abraham comme celle de Matthieu, mais va au-delà en passant par tous ses ancêtres jusqu’à Adam, le premier homme. Luc inclut donc une lignée de non-Juifs ce qui est sa façon de dire, une fois encore, que Jésus est venu pour toute l’humanité et pas seulement pour les Israélites; le salut en Jésus est universel.
Chapitre 4
Versets 1-2
Nous arrivons maintenant au chapitre 4 de l’Évangile selon Luc dans lequel l’auteur reprend le récit de la préparation de Jésus à son ministère tout de suite après son baptême. Il va d’abord nous raconter la tentation du Christ par le diable, un épisode également mentionné par Matthieu et Marc. Luc présente Jésus comme le descendant d’Adam et le Fils de l’homme par excellence, ce qui veut dire qu’il va devoir faire ses armes, faire ses preuves en quelque sorte en confrontant Satan, celui qui a trompé nos premiers parents dans le jardin d’Éden. Cet événement fâcheux leur a fait perdre le paradis et a introduit dans le monde, le mal, les catastrophes, la maladie, la mort et son cortège de souffrances. Chaque fois qu’on voit un cimetière, un corbillard, un cercueil, un hôpital, un médecin, quelqu’un qui souffre, on peut blâmer Adam et Eve. En tant que champion de l’homme, Jésus doit faire face aux puissances des ténèbres et les vaincre. Je commence à lire le chapitre 4 de l’évangile selon Luc.
Jésus, rempli de l’Esprit Saint, revint du Jourdain et le Saint-Esprit le conduisit dans le désert où il fut tenté par le diable durant quarante jours. Il ne mangea rien durant ces jours-là, et, quand ils furent passés, il eut faim (Luc 4.1-2).
Nous ne savons pas vraiment ce qui s’est passé pendant tout ce temps qu’a duré la tentation, ni sous quelle forme le diable est apparu à Jésus. Aucun texte ne donne une réponse à ces questions. Dans les Écritures, le chiffre 40 correspond à l’épreuve. Ainsi, le déluge a duré 40 jours et Israël marcha dans le désert pendant 40 ans.
Les deux premiers renseignements que nous donne Luc est que, d’une part, Jésus était rempli du Saint-Esprit, et d’autre part, c’est le Saint-Esprit qui prend l’initiative de conduire le Seigneur dans le désert pour qu’il engage le combat contre le diable, l’ennemi de l’homme par excellence, afin de le vaincre au nom de l’humanité. La tradition situe ce désert au nord-ouest de la mer Morte. Comme je l’ai déjà dit, Luc insiste tout particulièrement sur l’œuvre de l’Esprit de Dieu dans le ministère de Jésus. C’est rempli de la puissance du Saint-Esprit que Jésus commence son ministère en Galilée et c’est le Saint-Esprit qui explique l’autorité du Seigneur, son pouvoir sur les démons, ainsi que les guérisons qu’il opère. Jésus se soumet continuellement à sa direction et à sa volonté qui est celle de son Père tout au long de son ministère terrestre. C’est aussi la raison pour laquelle l’apôtre Paul écrit aux croyants :
Je vous dis donc ceci : laissez le Saint-Esprit diriger votre vie, et vous n’obéirez pas aux désirs qui animent l’homme livré à lui-même (Galates 5.16).
Si j’obéis au Saint-Esprit, je vaincrai le péché dans ma vie. Voilà qui demande réflexion.
Commentaire biblique radiophonique écrit par le pasteur et docteur en théologie : Vernon McGee (1904-1988) et traduit par le pasteur Jacques Iosti.