Genèse 34.13 – 35.16
Chapitre 34
Introduction
De tous les nombreux groupes ethniques de l’antiquité, bien peu existent encore aujourd’hui. Que reste-t-il des Celtes, des Mongoles, des Vikings, des Aztèques, des Huns ou des Francs ? Ils ont tous à peu près disparu, engloutis, mélangés à d’autres peuples. L’exception qui confirme la règle comme on dit ce sont les Juifs. Et pourtant tout au long de leur histoire, ils ont constamment été menacés à la fois d’assimilation et d’anéantissement.
Le livre de la Genèse comporte pas mal d’histoires sordides et nous arrivons à celle où Dina, la fille de Jacob a été violée par le fils du gouverneur de la ville de Sichem à côté de laquelle habite le clan hébreu. Qu’à cela ne tienne, le gouverneur lui-même vient pour régler l’affaire ; il propose une alliance par mariage entre Dina et son fils qui s’appelle lui aussi Sichem. Il faut dire qu’assez curieusement, ce jeune homme est vraiment follement amoureux. S’il s’était épris d’elle sans l’avoir violé, la dynamique de l’affaire serait totalement différente et peut-être même que le clan d’Israël aurait accepté l’offre d’alliance avec les Cananéens. Ça aurait alors été la fin de la lignée d’Abraham et des promesses que l’Éternel lui a faites.
Jacob est au courant, mais demeure très discret parce que la responsabilité de régler cette sale affaire incombe à ses fils. Les frères du même lit que Dina sont particulièrement furieux, car l’offense est très grave ; ils n’ont aucune envie de passer l’éponge en s’alliant avec les Cananéens, mais respirent plutôt la vengeance. On ne sait pas ce que pense la jeune fille ni sa mère d’ailleurs ; apparemment, on ne leur demande pas leur avis. Bien que ce soit Dina la principale intéressée, ce contentieux va se régler entre hommes et de façon particulièrement brutale.
Versets 13-19
Je continue à lire dans le chapitre 34 de la Genèse.
Parce qu’on avait déshonoré leur sœur Dina, les fils de Jacob usèrent de ruse en répondant à Sichem et à Hamor, son père, en ces termes : Il ne nous est pas possible de donner notre sœur à un homme incirconcis ; ce serait un déshonneur pour nous. Nous ne vous donnerons notre consentement qu’à la condition que, comme nous, vous fassiez circoncire tous ceux qui sont du sexe masculin parmi vous. Alors nous vous donnerons nos filles en mariage et nous épouserons les vôtres, nous nous établirons chez vous et nous formerons un seul peuple. Par contre, si vous n’acceptez pas de vous faire circoncire, nous reprendrons notre fille et nous nous en irons. Hamor et son fils Sichem acceptèrent cette proposition, et le jeune homme fit sans délai ce qu’on lui demandait, tant il était épris de la fille de Jacob (Genèse 34.13-19).
À l’école de leur père Jacob et en suivant ses exemples, ses fils ont bien appris leurs leçons ; ils sont passés maîtres de la fourberie ; ils mettent en place un plan d’action pour laver dans le sang l’honneur de leur sœur. Le père est absent de ces discussions selon la coutume de l’époque qui dictait que les frères étaient responsables de leurs sœurs. Ils font donc semblant d’oublier le viol pour dire que ce qui empêche une alliance éventuelle entre les deux différentes ethnies est que les Cananéens ne sont pas circoncis. Qu’à cela ne tienne, ça va se faire !
Versets 20-24
Je continue.
Or, Sichem était le plus influent dans la famille de son père. Il se rendit donc avec lui à la porte de leur ville et ils parlèrent ainsi à leurs concitoyens : Ces gens-là sont bien disposés envers nous ; qu’ils s’établissent dans le pays et qu’ils y fassent des affaires ; voici le pays est assez vaste pour eux dans toute son étendue. Nous épouserons leurs filles et nous leur donnerons les nôtres. Seulement ces hommes ne consentiront à habiter avec nous pour que nous formions ensemble un seul peuple que si tous les hommes parmi nous sont circoncis comme chez eux. Ainsi, leurs troupeaux et leurs biens et toutes leurs bêtes de somme nous appartiendront. Consentons donc à ce qu’ils demandent et ils s’établiront chez nous. Alors tous ceux qui se trouvaient à la porte de la ville se laissèrent convaincre par Hamor et son fils Sichem, et tous les hommes et les garçons qui se trouvaient dans la ville furent circoncis (Genèse 34.20-24).
Les Cananéens sont attirés par les richesses du clan de Jacob. Comme ils sont les plus nombreux, ils raisonnent que grâce aux mariages croisés, éventuellement tous les biens israélites deviendront leur propriété. Éblouis par ce miroir aux alouettes, ils acceptent le leurre et mordent à l’hameçon. Il est étonnant qu’à n’importe quelle époque de l’humanité, la possibilité de se remplir les poches a un grand effet mobilisateur. L’appât du gain éblouit, étouffe le bon sens et dicte la conduite des hommes ce qui souvent les mène à leur perte.
Versets 25-29
Je continue.
Le troisième jour, alors qu’ils étaient souffrants, deux des fils de Jacob, Siméon et Lévi, les frères de Dina, prirent chacun son épée, et tombèrent sur la ville qui se croyait en sécurité. Ils tuèrent tous les hommes et les garçons. Ils tuèrent aussi Hamor et son fils Sichem, reprirent Dina de la maison de Sichem et partirent. Les autres fils de Jacob vinrent achever les blessés et pillèrent la ville, parce qu’on avait déshonoré leur sœur. Ils prirent le gros et le petit bétail ainsi que les ânes et tout ce qui était dans la ville et dans les champs. Ils s’emparèrent de tous leurs biens, de leurs enfants et de leurs femmes et raflèrent tout ce qui était dans les maisons (Genèse 34.25-29).
Ce viol fut à l’origine d’une vengeance meurtrière d’une grande cruauté ; on se croirait face à un des génocides modernes comme celui de Darfour au Soudan. L’ampleur de cette campagne guerrière des frères de Dina n’était pas justifiée ; c’était de la violence gratuite. Dans la foulée, les fils de Jacob ont tout pillé, troupeaux, femmes et enfants. Toutes les personnes ainsi faites prisonnières étaient ensuite vendues comme esclaves à la première caravane se rendant en Égypte.
Versets 30-31
Je continue jusqu’à la fin du chapitre.
Jacob dit à Siméon et à Lévi : Vous me causez des ennuis car vous m’avez rendu odieux aux Cananéens et aux Phéréziens qui habitent le pays. Je ne dispose que d’un petit nombre d’hommes ; s’ils se liguent contre moi, ils me battront et extermineront toute ma famille avec moi. Ils lui répliquèrent : Pouvions-nous laisser traiter notre sœur comme une prostituée ? (Genèse 34.30-31).
Jacob a assisté au massacre des habitants de Sichem comme s’il avait regardé un mauvais film de guerre. Ce qui le chagrine, ce ne sont pas tellement les atrocités commises par ses fils, mais les conséquences fâcheuses qu’elles risquent d’entraîner pour son clan ; c’est sûr qu’il peut plus se présenter comme candidat au prix Nobel de la paix ; et puis ça marque très mal pour des étrangers de massacrer tous les hommes d’une ville même pour une affaire de viol. Le clan d’Israël s’est mis en mauvaise posture, car ils ne feraient pas le poids s’ils étaient attaqués et finiraient exterminés. On comprend donc que Jacob, dont la foi est encore vacillante, soit soucieux des retombées possibles de cette sale affaire.
Il est intéressant de noter que le nom de Dieu est mentionné à la fin du chapitre précédent et au début du suivant, mais pas dans celui que je viens de couvrir ; et pour cause, l’attitude perfide et sanguinaire des fils de Jacob laisse grandement à désirer ce que leur père leur fait mollement savoir. Au-delà des événements racontés, ce récit souligne la menace constante qui pèse sur la descendance d’Abraham. Jacob et ses fils puis les Israélites seront souvent tentés de céder à la solution de facilité en se laissant assimiler par la population locale, de s’installer, de faire des affaires, d’élever leur famille. Si cela était arrivé, ils n’auraient plus pu être porteurs du grand projet de l’Éternel, la constitution du peuple de Dieu et le salut du monde.
Cette halte du clan d’Israël dans la banlieue de Sichem fut un fiasco complet. C’était une ville pervertie et pas recommandable pour y élever des enfants. Sur le tableau d’affichage, on lit : Dina violée ; Sichem massacrée. Jacob est partiellement responsable des événements fâcheux qui ont eu lieu. Il n’aurait jamais dû s’arrêter ici, mais continuer jusqu’à Béthel, l’endroit où l’Éternel lui était apparu la première fois. Rétroactivement, c’est toujours facile de dire : je n’aurais pas dû faire ceci ou aller là, car alors cette tuile ne me serait pas tombée sur la tête.
En fait, en plus des ennuis qui sont de ma faute, il en est d’autres qui sont imprévisibles et font partie de la vie. Parce que nous sommes descendants d’Adam et Ève, nous sommes sous la malédiction divine qui ne sera levée que lorsque le Christ reviendra sur terre pour y régner. En attendant, Sichem a été incendiée et une épaisse fumée s’élève au-dessus de la ville. Comme cet endroit sent désormais la poudre, Jacob devrait quitter la région au plus vite, mais au lieu de cela il hésite, il traîne les pieds. Heureusement pour lui, l’Éternel veille et va prendre l’initiative à sa place.
Chapitre 35
Versets 1-2
Je commence à lire le chapitre 35.
Dieu dit à Jacob : Pars, rends-toi à Béthel et fixe-toi là-bas. Tu y construiras un autel au Dieu qui t’est apparu quand tu fuyais ton frère Ésaü. Alors Jacob dit aux gens de sa famille et à tous ceux qui étaient avec lui : Faites disparaître les dieux étrangers qui se trouvent au milieu de vous. Purifiez-vous et changez de vêtements ! (Genèse 35.1-2).
C’est ici la première fois que le patriarche prend une décision spirituelle conséquente. Malgré tous ses défauts, Jacob est un homme changé ; lorsqu’il lutta avec Dieu et eut la hanche démise, son orgueil fut brisé. Jusqu’alors, il s’était montré très suffisant et confiant en ses talents de mystificateur. Mais ce tête à tête avec Dieu fut un réel tournant dans sa vie. Il est dorénavant prêt à finir la boucle et à se rendre à Béthel où il s’était arrêté, lorsqu’il fuyait devant son frère et où Dieu lui était apparu pour la première fois.
Mais avant cela, il faut que tous se purifient ; Jacob veut donc que toute sa maisonnée se débarrasse de leurs idoles domestiques, ces petites statuettes qui servaient à la divination et qui étaient censées jouer un rôle protecteur comme les amulettes aujourd’hui. À l’insu de tous, et aussi de son mari, Rachel avait volé celles de son père. On est en droit de supposer que tous ces braves gens se servaient très librement de ces idoles jusqu’à ce moment-là.
On peut se demander pourquoi Jacob a attendu aussi longtemps avant de prendre cette décision de consécration exclusive à l’Éternel ; il suivait sans doute son tempérament laissez-faire, l’action par l’inaction. Il est probable que ce soit l’Éternel qui lui a dit de faire le grand nettoyage de printemps et de passer le message à tout le clan. De plus, tous devaient prendre un bain purificateur, un rite destiné à ôter les souillures provenant du contact avec des objets d’idolâtrie. Le changement de vêtement symbolise le renouvellement intérieur spirituel et moral. L’idée est de se dépouiller de l’ancienne manière de penser et d’agir, de cesser de se confier en ces statuettes et boucles idolâtres pour se consacrer à l’Éternel et opter pour une nouvelle manière de vivre.
Versets 3-4
Versets 3-4
Je continue.
Nous allons partir et nous rendre à Béthel, où je construirai un autel dédié au Dieu qui m’a exaucé lorsque j’étais dans la détresse et qui a été avec moi tout au long de ma route. Ils remirent à Jacob tous les dieux étrangers qu’ils avaient entre les mains et les boucles qu’ils portaient aux oreilles ; et Jacob les enterra sous le chêne qui est près de Sichem (Genèse 35.3-4).
Jacob se conduit comme chef de clan responsable de la conduite spirituelle de ses gens. Il donne aussi un bon témoignage de la fidélité de l’Éternel et obéit en se débarrassant de toutes les idoles qui traînaient à droite et à gauche sous forme de statuettes ou de bijoux porte-bonheur qu’on porte sur soi. À l’époque, les boucles d’oreille ne servaient pas seulement d’ornement, mais aussi d’amulettes destinées à préserver les oreilles des malédictions ou autres paroles néfastes. Jacob enterre le tout sous un chêne célèbre, sans doute celui de Moré où se trouvait un sanctuaire réputé dédié à la divinité locale.
Versets 5-7
Je continue.
Puis ils levèrent le camp. Dieu frappa de panique les villes environnantes, de sorte que personne ne poursuivit les fils de Jacob. Jacob arriva avec tous ceux qui l’accompagnaient à Louz, c’est-à-dire Béthel, au pays de Canaan. Il bâtit là un autel et appela ce lieu El-Béthel (Dieu de Béthel), car c’est à cet endroit que Dieu lui était apparu lorsqu’il fuyait loin de son frère (Genèse 35.5-7).
Ouf ! On a eu chaud ! Grâce à Dieu, au lieu de poursuivre Jacob et de se venger, les habitants du pays restent chez eux terrifiés. Le vieux patriarche a souvent eu des sueurs froides dans sa vie. Finalement, le clan arrive à Louz, le nom païen du lieu que Jacob avait déjà rebaptisé Béthel, la maison de Dieu. Il change à nouveau le nom de cet endroit pour l’appeler le Dieu de la maison de Dieu ; c’est un peu répétitif, mais confirme aussi les progrès spirituels de Jacob.
Dans l’Ancien Testament, les noms ont une grande signification, car ils expriment une réalité temporelle ou spirituelle. Ainsi, maison de Dieu met l’accent sur le mot maison, tandis que Dieu de la maison de Dieu souligne la personne de l’Éternel qui est apparu à cet endroit. Désormais, Jacob attachera davantage d’importance au Dieu qui lui apparaît plutôt qu’à la situation géographique de l’endroit. Les lieux de pèlerinages ont tendance à exercer une fascination superstitieuse sur ceux qui s’y rendent. En construisant un autel à Béthel, Jacob proclame devant tous que l’Éternel l’a gardé pendant toutes ces années et l’a mené à bon port envers et contre tout ; c’est un témoignage encourageant pour quiconque veut prendre l’Éternel, le Dieu de Jacob comme son Dieu.
Verset 8
Je continue.
C’est là que mourut Débora, la nourrice de Rébecca ; elle fut enterrée près de Béthel, au pied du chêne que l’on appela depuis lors « le chêne des pleurs » (Genèse 35.8).
Rébecca, la mère de Jacob, doit déjà être morte, puisque sa nourrice qui fut à son service toute sa vie se trouve ici en compagnie du patriarche. C’est probablement elle qui avait dû apporter le message à Jacob que sa mère était décédée. Rébecca qui avait envoyé son fils dans sa famille pour quelques semaines ne le revit jamais. Débora était probablement une personne remarquable pour que l’Écriture lui rende cet hommage. Il n’y avait pas de retraite des vieux en ce temps-là, mais la famille s’occupait des siens comme des serviteurs âgés jusqu’à la fin de leur vie. On ne les parquait pas dans des mouroirs comme on fait aujourd’hui dans les pays occidentaux.
Versets 9-12
Je continue.
Dieu apparut encore à Jacob à son retour de Paddân-Aram et le bénit. Il lui dit : Ton nom est Jacob, mais tu ne seras plus appelé ainsi, ton nom sera Israël. Et Dieu lui dit : Je suis le Dieu Tout-Puissant. Sois fécond et aie de nombreux descendants ; une nation, et même tout un ensemble de peuples seront issus de toi. Tu auras pour descendants des rois. Le pays que j’ai donné à Abraham et à Isaac, je te le donnerai ainsi qu’à ta descendance après toi (Genèse 35.9-12).
Dieu se présente comme le Tout-Puissant, celui qui peut tout ; c’est sous ce titre qu’il était apparu à Abraham et Isaac. Tout comme il leur avait promis une nombreuse postérité et le pays de Canaan, il renouvelle ces mêmes promesses à Jacob à qui il confirme une fois encore son nouveau nom Israël. L’ordre d’être fécond fait écho à la bénédiction originelle prononcée à Adam et Ève et renouvelée à Noé après le déluge.
Versets 13-15
Je continue.
Puis Dieu se retira d’auprès de lui, du lieu où il lui avait parlé. Jacob érigea une stèle en pierre à l’endroit même où Dieu lui avait parlé, il y versa une libation et répandit de l’huile sur elle. Jacob avait donné au lieu où Dieu lui avait parlé le nom de Béthel (Genèse 35.13-15).
Jacob accomplit le vœu qu’il avait fait plus de 20 ans auparavant. Il bâtit un autel pour y faire une offrande symbolique de consécration de soi. Il exprime ainsi qu’il se donne tout entier à l’Éternel comme l’avaient fait ses pères Abraham et Isaac. Il prend l’Éternel pour son Dieu sans aucune réserve. C’est exactement ce que le Seigneur, le Christ, demande de chacun de nous : une consécration sans retenue.
Commentaire biblique radiophonique écrit par le pasteur et docteur en théologie : Vernon McGee (1904-1988) et traduit par le pasteur Jacques Iosti.