Genèse 33.1 – 34.12
Chapitre 33
Introduction
Une des maximes de La Rochefoucauld est : Le vrai moyen d’être trompé, c’est de se croire plus fin que les autres. En effet, même le plus rusé, le plus tordu finit tôt ou tard par trouver son maître et récolter ce qu’il a semé ; ainsi va la vie. Jacob signifie supplanter, ce qui en dit long sur son caractère. Mais il a déjà commencé à payer les premières traites, ayant lui-même été trompé maintes fois et ce n’est pas fini. De plus, le coup monté grâce auquel 20 ans plus tôt il a volé le droit d’aînesse à son frère s’est transformé en boomerang sur le point de lui revenir en pleine figure.
Versets 1-7
J’aborde le chapitre 33 de la Genèse qui décrit la rencontre des deux frères : Ésaü, le trompé, vient le couteau entre les dents au-devant de Jacob le trompeur. Cependant, ce dernier est un homme changé, car l’Éternel l’a confronté et blessé. Je commence à lire.
Jacob scruta l’horizon et aperçut Ésaü qui arrivait avec quatre cents hommes. Alors il répartit ses enfants entre Léa, Rachel et les deux servantes. Il plaça en tête les servantes et leurs enfants, puis Léa et les siens derrière eux et finalement Rachel et Joseph. Lui-même passa devant eux. Il se prosterna sept fois jusqu’à terre avant d’arriver devant son frère. Ésaü courut à sa rencontre, le prit dans ses bras, se jeta à son cou et l’embrassa. Tous deux se mirent à pleurer. Puis Ésaü leva les yeux et vit les femmes et les enfants. Qui sont ceux qui sont là avec toi ? Demanda-t-il ? Jacob répondit : Ce sont là les enfants que Dieu, dans sa grâce, a donnés à ton serviteur. Les servantes s’approchèrent avec leurs enfants et se prosternèrent. Puis Léa et ses enfants vinrent se prosterner et enfin Joseph et Rachel (Genèse 33.1-7).
Donc, tout est bien qui finit bien puisqu’Ésaü semble vraiment ravi de revoir son frère ; oubliés leurs différends, les tromperies et les abus de Jacob. Mais pourquoi ces quatre cents hommes armés jusqu’aux dents ? Soit, ils sont venus pour tailler en rondelles Jacob et tous les siens, soit, ils sont la garde personnelle de leur maître, vu que par les temps qui courent, les grands chemins ne sont pas sûrs. En tout cas, ils ont un réel pouvoir dissuasif. Le texte laisse transparaître que Dieu est intervenu dans le cœur d’Ésaü et a enrayé sa haine comme il avait fait précédemment avec celle de l’oncle Laban.
Le bon accueil que reçoit Jacob est une réponse à sa prière intense et la bénédiction que Dieu lui a promise. L’Éternel a tout un programme pour l’humanité ; il va donc sans dire que personne ne va éliminer Jacob et frustrer les objectifs qu’il a fixés. Jacob avait disposé sa famille en groupuscules, mettant les moins importants en tête : d’abord les servantes et leurs enfants, puis Léa et les siens et enfin Rachel, la femme de sa vie et Joseph le dernier-né.
À son honneur, il s’expose le premier, mais il a déjà commencé à montrer sa préférence pour Joseph ce qui suscitera la jalousie de ses frères et sera une source de grandes douleurs pour Jacob. Préférer un enfant à un autre est stupide ; c’est comme armer une bombe. Jacob s’incline devant son frère dans un geste de profond respect parce que de toute façon il n’a pas d’autres choix ; il n’est pas question d’affronter cette troupe armée.
Versets 8-11
Je continue.
Ésaü demanda : Que veux-tu faire avec tout ce camp que j’ai croisé ? C’est un cadeau pour obtenir la faveur de mon seigneur. J’ai beaucoup de biens, mon frère, dit Ésaü, garde ce qui est à toi. Non, dit Jacob, je t’en prie, si j’ai obtenu ta faveur, accepte mon présent, car je t’ai vu en face comme on regarde la face de Dieu, et tu m’as accueilli favorablement. Accepte donc, je te prie, le présent que je t’ai fait parvenir, car Dieu m’a accordé sa faveur et j’ai tout ce qu’il me faut. Il insista tant qu’Ésaü finit par accepter (Genèse 33.8-11).
Jusqu’à ce jour, Jacob avait abusé son frère et extorqué ses droits. Maintenant, il insiste pour qu’il accepte ce qu’il lui offre et qui n’est pas peu de chose, puisqu’il s’agit de 580 têtes de bétail. Jacob dit aussi qu’il a pu regarder son frère en face parce qu’il avait d’abord vu la face de Dieu, ce qui veut dire que s’il a été bien accueilli par son frère c’est parce qu’il avait reçu la bénédiction de l’Éternel. C’est grâce à Dieu que tout s’est bien passé. Ésaü aussi a été richement béni, il n’a donc aucune raison d’être jaloux de Jacob ce qui ne peut que favoriser ces retrouvailles. En acceptant le don de Jacob, Ésaü rétablit une relation amicale avec lui ce qui veut aussi dire qu’il passe l’éponge sur le passé, une attitude très noble de sa part.
Versets 12-17
Je continue.
Ésaü dit : Partons et marchons ensemble ; j’irai devant toi. Mais Jacob répondit : Mon seigneur sait que les enfants sont fragiles ; de plus, j’ai avec moi des brebis, des chèvres et des vaches qui allaitent ; si l’on forçait leur marche un seul jour, tout le troupeau périrait. Que mon seigneur aille donc devant son serviteur, je te prie, et moi j’avancerai tout doucement au pas du troupeau qui me précède et à celui des enfants pour aller rejoindre mon seigneur à Séir. Ésaü suggéra : Dans ce cas, je laisserai avec toi une partie de mes gens. À quoi bon, répondit Jacob, l’essentiel pour moi est d’avoir obtenu la faveur de mon seigneur. Ce même jour Ésaü reprit le chemin de Séir, tandis que Jacob partit pour Soukkoth, ce qui veut dire les cabanes. Il s’y construisit une maison ; mais il bâtit aussi des cabanes pour son bétail, c’est pourquoi on nomma ce lieu : Soukkoth (Genèse 33.12-17).
Avec une politesse tout orientale et pour ne pas blesser son frère, Jacob n’oppose pas un refus formel à la proposition d’aller chez Ésaü. Jacob suggère donc qu’il le suivra loin derrière à la vitesse de ses troupeaux. En réalité, il n’a pas l’intention de se rendre chez son frère qui ne l’avait invité que par courtoisie. Finalement, chacun est fort satisfait de partir de son côté sans avoir à supporter l’autre plus longtemps. Jacob continue donc son chemin et s’établit d’abord dans un lieu qui se situe aujourd’hui en Jordanie au bord d’un des affluents du Jourdain.
Versets 18-20
Je finis ce chapitre.
À son retour de Paddân-Aram, Jacob arriva sans encombre à la ville de Sichem dans le pays de Canaan, et il établit son camp devant la ville. Il acheta pour cent pièces d’argent aux descendants de Hamor, fondateur de Sichem, la parcelle de terrain où il avait dressé ses tentes. Il y érigea un autel qu’il appela El-Élohé-Israël, ce qui veut dire : Dieu est le Dieu d’Israël (Genèse 33.18-20).
Jacob a d’abord quitté Paddân-Aram, où il était au service de son oncle Laban. Ensuite, il s’est installé au lieu dit les cabanes qu’il quitte pour traverser le Jourdain. Il arrive alors à Sichem, une ville importante au centre du pays de Canaan, la future Palestine ; son grand-père Abraham y avait habité pendant longtemps. La petite phrase, Jacob arriva sans encombre, est l’exaucement de sa prière, faite 20 ans plus tôt à Béthel, alors qu’il s’enfuyait à toutes jambes devant son frère Ésaü qui voulait lui faire la peau.
L’Éternel s’est montré fidèle ; il a protégé Jacob contre le désir de vengeance de Laban et a effacé la rancune de son frère. Il est vrai qu’Ésaü a tellement été béni par Dieu qu’il a oublié le passé. La main bienveillante de l’Éternel a permis à Jacob d’échapper à la colère des hommes et lui a accordé un immense cheptel, deux femmes et une douzaine d’enfants. Jacob achète un bout de terrain pour 100 pièces d’argent soit environ la valeur de 100 brebis et s’installe en paix.
S’il avait continué sur sa première lancée de tromperies tous azimuts, soit, il serait toujours au service de Laban, soit, il aurait subi une fin violente de la part d’Ésaü. Mais grâce à l’Éternel, il expérimente la paix et la prospérité, ce qu’il reconnaît tout à fait, puisqu’il érige un autel qu’il appelle Dieu est le Dieu d’Israël. Ce nom est significatif, car il veut dire que Jacob accepte enfin le Dieu d’Abraham comme le sien propre.
Le nouveau nom de Jacob, Israël qui signifie celui qui lutte avec Dieu, correspond à la fois à son tempérament de lutteur et à son destin. Dès le sein de sa mère, il a lutté avec pugnacité, jusqu’à ce qu’il obtienne ce qu’il voulait. Il s’est d’abord battu contre des hommes : Ésaü, son frère, puis Laban, son oncle. Ensuite, c’est avec Dieu qu’il a dû lutter. Jacob en est ressorti à la fois vainqueur et vaincu ; il était blessé à la hanche et diminué physiquement, mais il a reçu la bénédiction divine qu’il a demandée et fait l’expérience d’un véritable changement intérieur. L’Éternel qui jusqu’à présent était le Dieu de ses pères est désormais le sien propre. Une fois sa relation avec Dieu rétablie, Jacob connaît des retrouvailles pacifiques avec son frère, puis s’installe sain et sauf dans le pays de Canaan selon la promesse de l’Éternel.
Chapitre 34
Introduction
Nous arrivons maintenant au chapitre 34 du livre de la Genèse, qui est le compte rendu d’une sale histoire sordide s’étant déroulée dans la famille de Jacob. Les choses avaient déjà mal tourné dans le couple d’Abraham et de sa femme. Après la naissance d’Isaac, Sara s’était dressée contre son mari et Ismaël, le fils qu’elle avait pourtant voulu par l’intermédiaire de sa servante Hagar. Cette discorde passa à la génération suivante. Après qu’Isaac et Rébecca eurent des jumeaux, la famille se divisa en deux coalitions — Isaac et Ésaü d’un côté contre Rébecca et Jacob de l’autre. Ces deux blocs étaient dans un état d’affrontement semi-permanent.
Encore une fois, cette discorde s’est transmise. Jacob trompé a dû se marier avec deux sœurs, Léa et Rachel qui devinrent maladivement jalouses l’une de l’autre ce qui empoisonna l’existence de Jacob. Je suis responsable de certains de mes problèmes, mais il y a ceux pour lesquels je n’y suis pour rien, mais qui m’affectent néanmoins. Jacob est maintenant le patriarche Israël et le porteur de la promesse divine faite à Abraham puis renouvelée à Isaac, cependant il n’est pas à l’abri des ennuis de la vie et des désagréments multiples auxquels vous et moi devons faire face, et aussi des gros pépins.
C’est ainsi que plusieurs de ses fils vont se rendre coupables de fautes très graves. Dans l’immédiat, sa fille Dina va être violée par le fils du gouverneur de Sichem. Elle s’était tellement bien habituée au milieu dans lequel elle vivait qu’elle n’était plus sur ses gardes, ne se méfiait plus des habitants et de leurs vies dissolues. Le livre de la Genèse relève deux sources principales d’influences qui façonnent le style de vie et les valeurs d’un individu : d’abord l’arrière-plan religieux et culturel qui est inculqué par la famille et ensuite les us et coutumes de l’environnement de vie, et en particulier les fréquentations. Je me souviens d’un proverbe que j’ai dû apprendre à l’école et qui dit : Dis-moi qui tu fréquentes et je te dirai qui tu es !
On ne peut surestimer l’influence que les autres ont sur chacun d’entre nous. C’est en général la raison pour laquelle certains ados tournent mal, parce qu’ils sont sous la coupe néfaste de leurs copains peu recommandables. La mauvaise emprise du milieu est aussi la raison pour laquelle Abraham, d’origine araméenne, ne voulait pas que son fils Isaac épouse une femme cananéenne idolâtre, mais quelqu’un monothéiste et de la même ethnie que lui. Il envoya donc son serviteur chercher Rébecca pour Isaac. Plus tard, leur fils Jacob se réfugia dans la famille de sa mère et c’est là qu’il prit femme se mariant avec les deux sœurs Rachel et Léa.
C’est aussi à cause de l’influence du milieu qu’une fois que Jacob eut douze enfants et qu’ils commençaient à comprendre ce qui se passait autour d’eux, que l’Éternel lui ordonna de quitter son oncle Laban et de retourner dans Canaan, le pays promis. Bien qu’il fût d’origine monothéiste, Laban était idolâtre et très attaché à l’argent. Maintenant, le clan de Jacob habite à côté d’une ville païenne aux mœurs dissolues. Cette situation rappelle celle de Lot, le neveu d’Abraham qui vivait dans Sodome et Gomorrhe, deux villes détruites par Dieu.
Comme Lot en son temps, Jacob est confortablement installé dans la banlieue de Sichem. Il se repose un peu trop sur ses lauriers : les affaires marchent, son cheptel grandit ; les jours s’écoulent paisiblement et tout va bien sauf que ses enfants subissent l’influence perverse qui règne dans la ville de Sichem, mais comme ils y sont habitués, ils n’y prêtent guère attention. Leur père Jacob dont le rôle est de veiller sur le bien-être de la famille est malheureusement trop laissez-faire pour prévenir le danger qui guette.
Versets 1-6
Je commence à lire le chapitre 34 de la Genèse.
Dina, la fille que Léa avait donnée à Jacob, sortit pour aller voir les filles du pays. Sichem, fils de Hamor le Hévien qui gouvernait la région, la remarqua : il l’enleva et coucha avec elle en lui faisant violence. Il s’attacha à Dina, la fille de Jacob, en tomba amoureux et chercha par ses paroles à conquérir le cœur de la jeune fille. Il dit à son père Hamor : Obtiens-moi cette jeune fille pour femme. Or Jacob avait appris que sa fille Dina avait été déshonorée. Mais comme ses fils étaient aux champs avec son bétail, il n’avait rien dit jusqu’à leur retour. Hamor, le père de Sichem, se rendit chez Jacob pour lui parler (Genèse 34.1-6).
Dina se promène en ville avec ses copines et devait être particulièrement jolie ; de plus, les étrangères, ça excite. Les temps n’ont pas changé. Sara, femme d’Abraham, et Rébecca, épouse d’Isaac, s’étaient toutes deux fait enlever par des despotes. Vu les mœurs de la ville de Sichem, Dina n’aurait jamais dû s’y trouver sans ses frères. En cela, nos amis musulmans qui veillent sur leurs sœurs ont des leçons à nous donner.
Donc, le fils du gouverneur aperçoit Dina et comme il se croit tout permis, il décide qu’il la veut maintenant et tout de suite dans son lit ; il la fait enlever et la viole ; c’est tout simple. Cependant, il s’attache à elle ce qui paraît curieux et rien n’est dit concernant les états d’âme de Dina. En tout cas, voilà un récit sordide qui ferait le bon sujet d’un mauvais film d’une sombre histoire de mœurs. Jacob mis au courant du viol ne bouge pas ; il attend le retour de ses fils pour convoquer un conseil de famille.
Versets 7-12
Je continue.
Entre-temps, les fils de Jacob étaient revenus des champs et apprirent ce qui s’était passé. Ces hommes en furent outrés et ils se mirent dans une grande colère parce que Sichem s’était rendu coupable d’une action qui est infâme contre Israël en couchant avec la fille de Jacob, ce qui est une chose inadmissible. Hamor leur parla ainsi : Sichem, mon fils, s’est épris de votre fille ; s’il vous plaît, donnez-la-lui pour femme et alliez-vous par mariage avec nous. Vous nous donnerez vos filles et vous prendrez les nôtres. Vous vous établirez chez nous ; le pays sera à votre disposition ; demeurez-y, vous y ferez vos affaires et vous y acquerrez des propriétés. Sichem, de son côté, s’adressa au père et aux frères de la jeune fille : Faites-moi cette faveur ! Je vous donnerai ce que vous me demanderez. Exigez de moi une forte dot et des présents. Je vous donnerai ce que vous me demanderez ; accordez-moi seulement la jeune fille pour épouse (Genèse 34.7-12).
Les garçons sont de retour des champs ; dès qu’ils apprennent le méfait a lieu un conseil de guerre. Une action infâme a été commise contre Israël, c’est-à-dire contre le père et contre le clan des onze frères qui deviendra la nation d’Israël. C’est aussi une attaque contre les valeurs du clan, leur culture, leur façon de vivre et leur foi en l’Éternel. Les 6 frères, fils de Léa, mère de Dina, sont les premiers concernés par cette vilaine affaire. Ils sont vexés et meurtris dans leur amour propre et leur sens de l’honneur ; ils sont culpabilisés aussi, car ils ont failli dans leur rôle de protecteur de leur sœur. Hamor et son fils Sichem ne sont pas contrits le moins du monde et c’est sans regret que Sichem a violé Dina. D’ailleurs, si c’était à recommencer… bon, passons.
En fait, lui et son père voient le bon côté des choses et profitent de la situation pour faire une offre d’alliance avec Jacob et ses fils. Celle-ci vise l’intégration aux Cananéens de cette petite enclave étrangère ; les habitants du pays veulent tout simplement avaler Jacob. Aujourd’hui, c’est le même combat et beaucoup de soi-disant chrétiens se sont tellement laissé influencer par les fausses valeurs mondaines qu’eux aussi recherchent l’argent, le sexe et le statut social.
Commentaire biblique radiophonique écrit par le pasteur et docteur en théologie : Vernon McGee (1904-1988) et traduit par le pasteur Jacques Iosti.