Esaïe 63.1-19
Chapitre 63
Introduction
Certains événements vont deux par deux en se suivant d’une manière quasi naturelle. C’est ainsi qu’on dit : « Après la pluie, le beau temps ». Ce phénomène existe aussi dans les Écritures où par exemple on peut lire :
Le soir arrivent les pleurs, et le matin l’allégresse (Psaumes 30.6 ; LSG).
Dans le livre d’Ésaïe, nous trouvons souvent le tandem « salut-jugement » ou « grâce-vengeance » (Ésaïe 61.2). Dans le chapitre 63, le prophète parle du jour de la rétribution ou jour de la vengeance (Ésaïe 63.4) puis de l’année de la libération. Les six premiers versets sont particulièrement durs et sanglants, car ils annoncent le jugement des nations ennemies du peuple de Dieu, ce qui a déjà eu lieu sporadiquement pour certains peuples comme les Édomites, mais qui s’étendra à toute la terre lors du retour glorieux du Christ.
Lors de la première venue de Jésus, Ésaïe écrit qu’il n’avait « ni prestance ni beauté pour retenir notre attention ni rien dans son aspect qui pût nous attirer » (Ésaïe 53.2). Par contre lors de son retour, il sera revêtu de majesté et deviendra par sa puissance le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs de toute la terre.
Verset 1
Je commence de lire le chapitre 63.
Qui donc est-il, celui qui arrive d’Édom, qui nous vient de Botsra en habits écarlates, drapé avec splendeur, et qui s’avance fièrement dans l’éclat de sa force ? — C’est moi, dit l’Éternel, qui parle avec justice et qui ai le pouvoir de vous sauver (Ésaïe 63.1).
« Botsra » signifie « lieu de vengeance ». C’est l’une des villes du royaume « d’Édom » (Ésaïe 34.5) ; Edom veut dire rouge (Genèse 25.30). Ésaïe aime utiliser des termes à caractère emblématique [désert maritime (Ésaïe 21.1), Douma (Ésaïe 21.11), Cité-Autel (Ésaïe 29.1)]. En d’autres mots, ici, le prophète écrit : « Qui donc est celui qui arrive tout rouge, qui nous vient du lieu de vengeance » ; ça fait froid dans le dos. Ésaïe évoque le jugement divin en utilisant l’image du pressoir où on foule la cuvée. Le rouge est à la fois la couleur du jus de raisin et du sang qui coule, une description appropriée pour un jour de jugement. Le salut d’Israël et du peuple de Dieu est étroitement lié au châtiment de leurs ennemis. Ce tandem : « salut-châtiment » est fréquent dans les Textes Sacrés.
Ésaïe reçoit une vision dans laquelle il aperçoit un personnage mystérieux surprenant et majestueux qui se présente comme l’Éternel sous les traits d’un guerrier qui revient du pays d’Édom où il a exécuté son châtiment. Mais comme cette scène de jugement est propre à terroriser le prophète, Dieu rappelle, d’une part, qu’il est juste dans ses actions, et d’autre part, qu’il est le seul à posséder le pouvoir de sauver.
Cette prophétie a deux applications. La première est ponctuelle et à moyen terme ; il s’agit du châtiment de la nation d’Édom, et la deuxième application concerne le jugement du monde entier lors du retour du Christ.
Ici, Édom est le premier et principal objet du courroux divin (Ésaïe 63.1-6 ; 21.11-17 ; 34.5-6) mais aussi un échantillon, un prélude, du sort qui attend tous les autres peuples de la terre. Si Édom est choisi comme exemple, c’est à cause de sa haine jalouse envers Israël (Ésaïe 34.5), une haine farouche dont la dernière expression fut sa joie non déguisée lors de la prise de Jérusalem par les Babyloniens (Psaumes 137.7). À cette occasion, Édom s’est même emparé de tout le sud de Juda, qui resta en sa possession jusqu’au temps de la venue au pouvoir en Israël de la famille de prêtres appelée « Maccabées », un nom qui n’a rien à voir avec un cadavre, mais qui veut dire « marteau » en hébreu (1Macchabées 5.63 ; apocryphes).
Verset 2
Je continue le texte.
Pourquoi tes vêtements sont-ils tachés de rouge et pourquoi tes habits ressemblent-ils à ceux des vendangeurs qui foulent au pressoir ? (Ésaïe 63.2).
Après s’être interrogé sur l’identité du personnage mystérieux qu’il aperçoit, Ésaïe se demande quelle est la signification de la couleur de ses vêtements, car cette teinte écarlate n’est pas naturelle. À cette époque, on foule les raisins avec les pieds dans une grande cuve. Ceux qui les pressent se tiennent à des cordes afin de ne pas sombrer au fond. Le moût s’écoule de la première cuve dans une seconde, située au-dessous.
Je me souviens qu’en Alsace, alors que j’étais enfant, j’ai participé plusieurs fois aux vendanges de la vigne de mon grand-père. Ensuite, on mettait le raisin dans un pressoir, mais une fois il s’est arrêté de fonctionner parce que la crémaillère s’est tordue. Alors on s’est tous déchausser et on a fait comme dans le bon vieux temps. On s’est mis du moût jusqu’aux oreilles mais c’était marrant et j’en ai encore un bon souvenir.
Verset 3
Je continue le texte.
C’est que j’ai été seul à fouler la cuvée. Et nul parmi les peuples n’a été avec moi, oui, j’ai foulé les peuples dans ma colère, je les ai piétinés dans mon indignation. Leur sang a rejailli sur mes habits, j’ai taché tous mes vêtements (Ésaïe 63.3).
J’ai déjà dit plusieurs fois que je préférerais que certains passages ne figurent pas dans les Écritures comme celui-ci par exemple parce que l’image est dure ; l’Éternel a broyé ses ennemis et leur sang a jailli sur lui comme le jus de raisin sur les vêtements des vendangeurs (comparez Lamentations 1.15 ; Joël 3.13 ; 4.13 ; Apocalypse 14.18-20 ; 19.13-15).
Ésaïe distingue successivement deux actes de jugement par Dieu : le premier contre Édom et le second contre les autres peuples car tous lui sont hostiles. Seul le reste rescapé fidèle d’Israël, et avec lui les croyants d’origine païenne, ne sont pas concernés par ce châtiment.
Curieusement, la plupart des Pères de l’Église pensent que ce passage décrit le Christ et son sacrifice expiatoire. Mais cette idée est totalement étrangère au contexte qui décrit d’une manière sanguinaire un jugement et non un salut ; le sang qui tache les habits du guerrier n’est pas le sien propre, mais celui des peuples châtiés. Lors de sa première venue sur terre, Jésus-Christ a été broyé, battu, opprimé, écrasé, mais quand il reviendra, c’est lui qui foulera les nations de ses pieds.
Verset 4
Je continue.
J’avais fixé le jour de la rétribution, elle est venue, l’année de la libération de tous les miens (Ésaïe 63.4).
Ici encore, on constate que l’œuvre divine comprend deux aspects : le jugement et le salut. Tout être humain est concerné par l’un ou par l’autre ; il tombera sous le premier ou jouira du second (comparez Ésaïe 34.8 ; 61.2). À chacun de décider.
Versets 5-6
Je continue.
J’ai regardé partout : personne pour m’aider ! Je me suis étonné : n’y a-t-il donc personne pour me prêter main forte ? Mais mon bras m’a sauvé, et mon indignation a été mon soutien. J’ai écrasé les peuples dans ma colère, je les ai enivrés dans ma fureur, j’ai fait couler leur sang par terre (Ésaïe 63.5-6).
Tout comme l’accomplissement du salut est l’œuvre du Dieu Tout-Puissant seul, il en est de même du jugement. Ésaïe répète l’annonce du châtiment d’Édom et de tous les peuples à la fin des temps ; à tous les hommes qui ne font pas partie de son peuple, Dieu donnera à boire une coupe remplie de sa colère, ce qui explique pourquoi le sang coule (comparez Ésaïe 51.21-23).
Quand et comment s’est accomplie la prophétie de la ruine d’Édom ? On sait que ce peuple a subi l’invasion de Babylone (Jérémie 27.3 et suivants ; 49.7 et suivants) mais le roi Nabuchodonosor ne l’a pas exterminé. Pourtant, le prophète Malachie (Malachie 1.3-4) annonce une dévastation dont Édom ne se remettra pas.
D’après l’Histoire, entre le 6e et le 4e siècle av. J-C, Édom et Moab furent conquis par les Nabatéens, un peuple d’origine arabe, descendant (de Nebayoth), du fils aîné d’Ismaël, fils d’Abraham (par Agar, la servante de Sara ; Genèse 25.12-16). Il ne restait dès lors aux Édomites que le sud de Juda dont ils s’étaient précédemment emparés. Contrôlant les routes des caravanes du Moyen-Orient, les Nabatéens parviennent à un remarquable degré d’influence et de civilisation (leur apogée se situe entre l’an 200 av. J-C et 100 après J-C). Leur roi Arétas III (vers 85-60 av. J-C) est allié avec Rome et à l’époque du Nouveau Testament, leur pouvoir s’étend au nord jusqu’à Damas, et au sud jusqu’à l’ouest de l’Arabie Saoudite, la région où se trouve La Mecque (Hedjaz septentrional ; 1Macchabée 5.25 ; 9.35). C’est sous le roi Arétas IV (4 av. J-C à 40 après J-C) que le chef de la ville de Damas essaie de se saisir de l’apôtre Paul (2Corinthiens 11.32). Mais finalement, le pays des Nabatéens est conquis et devient une province romaine (Arabie Pétrée).
Pendant tout ce temps, les Édomites existent toujours et se trouvent dans le sud de Juda, mais lorsque la famille de prêtres des Maccabées (Mattathias et ses 5 fils) réussit à chasser les Syriens (2e siècle av. J-C), les Édomites deviennent totalement assujettis aux Israélites qui leur imposent la circoncision et les incorporent à la nation juive (vers 126 av. J-C ; Josèphe, Antiquités 13.9, 1). Dès lors, Édom en tant que nation autonome, est définitivement rayé de la carte et à partir des guerres romaines contre Israël, même son nom disparaît de l’histoire.
Mais Ésaïe annonce aussi le jugement de toutes les nations qui aura lieu au retour du Christ et qui marquera la fin de l’humanité telle que nous la connaissons. On peut toujours se dire que cela n’arrivera pas et comme l’autruche proverbiale enterrer sa tête dans le sable. Mais selon les Écritures, lorsque le Seigneur reviendra ce sera pour juger la terre avec perte et fracas ; c’est la seule façon pour lui d’imposer son royaume. Pouvez-vous imaginer Jésus, comme la première fois, doux et humble, frapper aux portes des chancelleries du monde disant qu’il est Dieu et qu’il veut régner sur cette terre qui lui appartient puisqu’il l’a créé ? Aucun pouvoir humain n’accepterait de lui céder le contrôle de ses affaires sinon il le ferait dès à présent. Jésus fut rejeté il y a deux mille ans et il l’est encore aujourd’hui.
On peut aussi éviter de considérer ce passage dur d’Ésaïe en disant que le Dieu de l’Ancien Testament est certes impitoyable, mais que celui du Nouveau est un Dieu de grâce. Cependant, ce point de vue ne cadre pas avec les descriptions terribles qu’on trouve dans le livre de l’Apocalypse pourtant écrit par Jean, surnommé « l’apôtre de l’amour ». Il explique en effet comment Jésus-Christ va prendre le pouvoir sur terre en jugeant toute injustice et rébellion ainsi que toutes les formes de paganisme qui ont plus que jamais le vent en poupe. Considérez le passage suivant tiré du livre de l’Apocalypse :
J’entendis une voix forte venant du Temple dire aux sept anges : — Allez et versez sur la terre les sept coupes de la colère divine ! Le premier s’en alla et versa sa coupe sur la terre. Un ulcère malin et douloureux frappa les hommes qui portaient la marque de la bête et qui adoraient son image. Le deuxième ange versa sa coupe dans la mer ; celle-ci devint comme le sang d’un mort, et tous les êtres vivants de la mer périrent ! Le troisième ange versa sa coupe sur les fleuves et les sources : les eaux se changèrent en sang. Alors j’entendis l’ange qui a autorité sur les eaux dire : — Tu es juste, toi qui es et qui étais, toi le Saint, d’avoir ainsi fait justice (Apocalypse 16.1-5).
Ce châtiment sera terrible, mais juste, car mérité. Jean en donne la raison disant :
Parce qu’ils ont versé le sang de ceux qui t’appartiennent et de tes prophètes, tu leur as aussi donné à boire du sang. Ils reçoivent ce qu’ils méritent. Et j’entendis l’autel qui disait : — Oui, Seigneur, Dieu tout-puissant, tes arrêts sont conformes à la vérité et à la justice ! (Apocalypse 16.6-7).
Dieu est juste dans tout ce qu’il fait qu’on l’accepte ou pas. On pourrait croire que ces châtiments feraient courber l’échine au monde rebelle à Dieu, mais pas du tout. Jean poursuit et dit :
Le quatrième ange versa sa coupe sur le soleil. Il lui fut donné de brûler les hommes par son feu. Les hommes furent atteints de terribles brûlures, et ils insultèrent Dieu qui a autorité sur ces fléaux, mais ils refusèrent de changer et de lui rendre hommage… Sous le coup de leurs souffrances et de leurs ulcères, ils insultèrent le Dieu du ciel, et ils ne renoncèrent pas à leurs mauvaises actions (Apocalypse 16.8-11).
Les jugements de Dieu et sa grâce sont présents autant dans l’Ancien que dans le Nouveau Testament ; on trouve son amour dans la loi de Moïse et sa Loi dans son amour.
Verset 7
Je continue le texte d’Ésaïe.
Je rappellerai les bontés de l’Éternel et les motifs de le louer : il a tout fait pour nous. Je dirai les nombreux bienfaits dont il a comblé Israël, le bien qu’il leur a fait dans sa tendresse et sa grande bonté (Ésaïe 63.7).
Brusque changement de décor ; on passe du jugement terrible de l’Éternel à sa grande bonté. Mais en réalité, le cœur d’Ésaïe est lourd, car dans les trois chapitres précédents (Ésaïe 60-62) il a contemplé la gloire à venir de Jérusalem et de son peuple puis il a entrevu le jugement de ses ennemis, mais maintenant, il redescend sur terre dans un présent funeste puisque prochainement Juda sera détruit et les Israélites partiront en exil.
Alors, le prophète va intercéder pour ses concitoyens et supplier l’Éternel d’intervenir en leur faveur (Ésaïe 63.7-64.11). Cette prière commence par une action de grâces et un rappel des interventions passées de Dieu pour son peuple, car ce que l’Éternel a fait est un gage de ce qu’il fera à l’avenir.
Verset 8
Je continue.
Il avait dit : “ Oui, les Israélites, ils sont mon peuple, ce sont des fils qui ne décevront pas. Et il les a sauvés ” (Ésaïe 63.8).
Ésaïe rappelle l’alliance conclue au mont Sinaï quand l’Éternel adopta Israël pour son fils (Exode 19.5-6 ; Deutéronome 14.1). C’est sur cette base que se fonde la prière du prophète (Ésaïe 63.16 ; Ésaïe 64.8). Dieu avait placé en Israël la même confiance et espérance qu’un père place dans ses enfants. Mais au lieu de répondre à cette attente, les Israélites ont été infidèles (Ésaïe 1.2 ; 30.9) et l’Éternel a été trompé.
Cependant, sa Parole et son engagement demeurent, et Israël est toujours le peuple choisi. Selon l’épître de l’apôtre Paul aux Romains (11.12, 26), la conversion nationale et future d’un petit reste du peuple constituera le nouvel Israël et la source des plus riches bénédictions pour le monde entier.
Verset 9
Je continue.
Dans toutes leurs détresses, il a été lui-même dans la détresse, et l’ange qui se tient en sa présence les a sauvés. Dans son amour et dans sa compassion, il les a libérés, il les a soutenus et il les a portés tous les jours d’autrefois (Ésaïe 63.9).
Ésaïe a en vue l’esclavage d’Israël en Égypte. Par ces tendres mots, le prophète montre que Dieu entre dans la souffrance de ses enfants et qu’il partage leurs angoisses (comparez Ésaïe 42.14). L’Éternel a soutenu son peuple, il les a portés (comparez Exode 19.4 ; Ésaïe 46.3-4) et a été pour eux comme un père ou une mère envers son petit enfant.
Quand notre fille aînée a commencé à marcher, on devait la surveiller comme le lait sur le feu parce qu’elle partait dans n’importe quelle direction sans se soucier du danger ou de nous le moins du monde. Il fallait donc la suivre des yeux, l’attendre patiemment ou bien aller la chercher. Dieu agit ainsi avec ses enfants ; il est toujours présent et il les entoure par devant et par derrière. Il a gardé les Israélites par son Ange (Exode 33.14), c’est-à-dire Jésus-Christ pré-incarné. C’est aussi lui qui apparaissait aux patriarches sous le nom de « Ange de l’Éternel ». Il est l’agent suprême des interventions divines dans l’Ancien Testament (Exode 23.21) et l’être par lequel Dieu se rend visible à ses créatures.
Verset 10
Je continue.
Mais eux, ils se sont rebellés et ils ont attristé son Esprit Saint. Dès lors, il s’est changé pour eux en ennemi, et les a combattus (Ésaïe 63.10).
Après avoir évoqué les bienfaits de l’Éternel envers Israël, Ésaïe relève l’ingratitude de ce dernier qui a répondu aux bienfaits de Dieu en se rebellant contre lui, attristant ainsi son « Esprit Saint », une expression qui n’apparaît qu’ici dans l’Ancien Testament, mais qui est reprise par l’apôtre Paul (Éphésiens 4.30).
L’Esprit Saint, c’est Dieu qui fait sa demeure au sein de son peuple. Il est remarquable que dans ce chapitre, en mentionnant l’Ange de l’Éternel et l’Esprit Saint, Ésaïe prélude les deux grandes manifestations de Dieu dans le Nouveau Testament en la personne du Christ et du Saint-Esprit. Ce dernier est présenté ici comme un être personnel qui a été attristé par la conduite des Israélites, par leurs révoltes et leur idolâtrie incessante. C’est aussi pourquoi Dieu les a jugés, en envoyant contre eux des peuples païens et en les livrant aux Babyloniens qui les ont déportés (comparez Ésaïe 28.21 ; 29.2-3).
Versets 11-13
Je continue.
Alors ils se sont souvenus des temps anciens et de Moïse, et ils ont dit : Où est celui qui a fait sortir de la mer son troupeau avec son berger ? Et où est celui qui a mis son Esprit Saint au milieu d’eux, celui qui a tendu son bras glorieux aux côtés de Moïse, pour fendre les eaux devant eux et qui s’est fait ainsi un renom éternel ? Oui, il les a fait avancer à travers les abîmes comme un cheval dans le désert sans qu’ils trébuchent (Ésaïe 63.11-13).
Livré à ses ennemis, le peuple élu se souvient alors des jours d’autrefois et se plaint de ne plus expérimenter les délivrances d’antan comme le passage de la Mer Rouge (Exode 15.4-5), un prodige type que les écrivains de l’Ancien Testament ne se lassent pas de célébrer, et auquel Ésaïe lui-même revient plusieurs fois.
Verset 14
Je continue.
Ils ressemblaient à un troupeau qui rejoint la vallée, lorsque l’Esprit de l’Éternel les a menés vers le repos ; ainsi tu as conduit ton peuple et tu t’es fait une glorieuse renommée (Ésaïe 63.14).
L’Esprit de l’Éternel est identifié à la nuée qui guide la marche des Israélites de jour comme de nuit. Ésaïe utilise une belle image pour décrire la pérégrination du peuple hébreu dans le désert et leur arrivée en Palestine, la terre de repos (Deutéronome 12.9 ; Josué 1.13). Il faut se représenter un troupeau qui traverse d’abord une contrée rocailleuse et aride, puis qui arrive enfin dans la vallée au milieu de pâturages verdoyants le long d’un cours d’eau paisible.
Verset 15
Je continue.
Du haut du ciel, de ta demeure sainte, du séjour de ta gloire, regarde et vois ! Que sont donc devenus ton amour passionné et ta puissance ? Ton cœur s’est-il donc retenu de frémir de tendresse (Ésaïe 16.11), de compassion pour moi ? (Ésaïe 63.15).
Sous l’Ancienne Alliance, le tabernacle de Moïse puis le temple de Salomon sont le sanctuaire où Dieu habite et à partir d’où il protège son peuple. Mais à cause de la rébellion d’Israël, il a délaissé sa résidence terrestre, l’a livrée aux païens et s’est retiré dans son séjour céleste. Au nom d’Israël, Ésaïe implore Dieu de se manifester de nouveau pour le secourir (comparez Psaumes 80.16).
Verset 16
Je continue.
Car tu es notre père : Abraham ne nous connaît pas, et Israël (c’est-à-dire Jacob) non plus ne nous reconnaît pas. Mais toi, ô Éternel, toi, tu es notre père, et ton nom est depuis des temps anciens : “ Notre Libérateur ” (Ésaïe 63.16).
Dieu vu comme père est une affirmation peu courante dans l’Ancien Testament (Ésaïe 64.7 ; Deutéronome 32.6 ; Jérémie 3.4, 19 ; Malachie 1.6), mais c’est sur cette base que Ésaïe espère l’intervention de l’Éternel en faveur de son peuple, surtout qu’Abraham et Jacob étant morts, ils ne peuvent plus rien faire pour lui.
Sous le régime de l’Ancien Testament, l’Éternel se dit le père du peuple élu et non pas de chaque Israélite. Par contraste, dans le Nouveau Testament, « Père » est le nom habituel de Dieu pour tous les croyants en tant qu’individus parce que chacun d’eux a reçu l’Esprit d’adoption qui fait de lui son enfant (Galates 4.4-6).
Verset 17
Je continue.
Pourquoi, ô Éternel, pourquoi nous fais-tu donc errer loin des voies que tu as prescrites ? Pourquoi rends-tu notre cœur obstiné au point que nous n’ayons plus de respect pour toi ? Reviens, pour l’amour de tes serviteurs et des tribus qui t’appartiennent (Ésaïe 63.17).
Ésaïe sent qu’un jugement plus terrible que l’exil pèse sur Israël car il court le risque d’être endurci et aveuglé par Dieu (comparez Ésaïe 6.9-10) comme le pharaon qui a croisé le fer avec Moïse. D’après l’épître de l’apôtre Paul aux Romains, c’est malheureusement bien ce qui est arrivé (Romains 11.7-10, 25).
Le prophète fonde sa prière sur l’élection de la grâce qui a fait d’Israël l’héritage de l’Éternel, qui doit venger et délivrer son peuple (comparez Deutéronome 32.9, 43). On sait d’après l’épître de Paul aux Romains (11.12, 26) et tous les prophètes que cela arrivera à la fin des temps.
Versets 18-19a
Je finis de lire le chapitre 63.
Ton peuple saint a possédé le pays pour bien peu de temps ; nos ennemis ont piétiné ton sanctuaire. Nous sommes depuis bien longtemps comme des gens sur qui tu ne régnerais pas, qui ne porteraient pas ton nom (Ésaïe 63.18-19a).
L’Éternel avait promis sous condition que son peuple posséderait la Palestine à perpétuité. Mais le royaume des 10 tribus du Nord est rayé de la carte par les Assyriens puis Juda emmené captif à Babylone et le Temple détruit. Depuis, le peuple élu ne possède son pays qu’en pointillé et très partiellement. Jérusalem est une petite ville, Israël n’a plus de sanctuaire et une mosquée occupe l’emplacement du temple de l’Éternel et les royaumes païens continueront à dominer le monde jusqu’au retour du Christ (comparez Jérémie 12.10 ; Luc 21.24 ; Apocalypse 11.2). Le Dieu d’Israël s’est retiré de son peuple et aujourd’hui rien ne le distingue plus des autres nations, car il ne porte plus le titre de « peuple de l’Éternel » (Ésaïe 43.7). Sa situation semble désespérée, mais Ésaïe va persévérer dans la prière car il sait qu’avec Dieu il y a toujours une espérance.
Commentaire biblique radiophonique écrit par le pasteur et docteur en théologie : Vernon McGee (1904-1988) et traduit par le pasteur Jacques Iosti.