#09 L’interprétation du nouveau rêve (Daniel 4.24-31)
Le rêve décrit le roi comme le grand patron du Moyen Orient car tout ce qui a souffle de vie dépend de lui. Puis vient la mauvaise nouvelle. Daniel en profite pour corriger la mythologie babylonienne. La décision de destituer Nabuchodonosor n’a pas été prise par l’un des demi-dieux mais par le Dieu véritable. La durée du châtiment est indéterminée, mais il s’agit peut-être de trois ans et demi. Des chaînes lieront la raison du roi et il souffrira d’une démence qui est une forme de zoanthropie. Il oubliera complètement qui il est ; il adoptera un comportement animal et mangera de l’herbe comme un bœuf. Parce que le grand roi se prend pour le maître du monde, Dieu va l’humilier plus bas que terre afin de le remettre à sa juste place, à plat ventre devant son Créateur. Cependant, après sept temps, il retrouvera une raison saine et son trône.
C’est pourquoi, ô roi, suis mon conseil ! Cesse tes péchés en faisant ce qui est juste ! Mets un terme à tes injustices en ayant pitié des pauvres ! Peut-être ta tranquillité se prolongera-t-elle. (Daniel 4.24; cp Esaïe 55.7; Jérémie 18.7-11).
L’affection de Daniel pour le roi l’incite à suggérer au roi de changer de comportement afin d’éviter le jugement, car il sait que Dieu est miséricordieux et que ses menaces ne se réalisent pas automatiquement. Nabuchodonosor doit donc rompre avec le mal, exercer la justice, et la miséricorde envers les plus démunis. Malheureusement, lié par son orgueil, le roi n’a pas tenu compte de la menace qui pesait sur lui (Ecclésiaste 8.11). Dans la Vulgate, la version latine des Écritures, Jérôme traduit le premier verset par : « Rachète-toi de tes péchés en faisant l’aumône et en étant miséricordieux envers les pauvres ». Mais cette idée est totalement absente. C’est en faussant les textes que la doctrine catholique du salut par les œuvres méritoires a été créée.
Tous ces événements s’accomplirent, car un an plus tard et alors que le roi se promenait sur la terrasse du palais de Babylone, il dit : n’est-ce pas là Babylone la grande que moi j’ai bâtie pour ma résidence royale ? C’est par ma puissance et pour la gloire de ma majesté que je l’ai construite (Daniel 4.26-27).
Il est vrai que Nabuchodonosor a considérablement embelli l’ancienne cité et construit une ville nouvelle sur la rive gauche de l’Euphrate. Babylone est maintenant constituée de deux triangles ayant les deux rives de l’Euphrate pour bases. Un pont de 185 mètres reposant sur des piliers en pierre relie les deux triangles. Les murs d’enceinte de 90 m de haut et 22 de large forment un carré de 22 kilomètres de côté et comprennent des champs cultivés. La ville compte 50 grandes avenues qui se croisent pour former 625 places et 676 quartiers d’habitation. Les rues vont jusqu’au bord du fleuve et sont fermées par 100 portes d’airain, 50 sur chaque berge. Le palais royal de 13 hectares comprend les célèbres jardins suspendus qui sont irrigués par un système hydraulique qui fait monter l’eau du fleuve jusqu’à un réseau complexe de petits canaux. Il n’est donc pas étonnant que Babylone figure parmi les sept merveilles du monde antique et que Ésaïe l’appelle « l’ornement des royaumes, la fière parure des Chaldéens » (Ésaïe 13.19). Bien sûr, Babylone possède deux grands temples dédiés aux dieux Bel-Nebo (équivalent à Hermès et Mercure) et Bel ou Mardouk (équivalent à Zeus, Jupiter et Baal). Tous les peuples antiques adorent à peu près les mêmes divinités mais leur donnent des noms différents. On comprend que Babylone nourrisse l’ego et la folie des grandeurs du roi. Un jour que Nabuchodonosor est sur sa terrasse et admire sa capitale, il exprime à haute voix combien il est fier d’avoir bâti Babylone : « par la grandeur de ma puissance et pour la gloire de ma majesté ». Ce mouvement d’orgueil est la goutte qui fait déborder le vase et déclenche donc le châtiment divin.
Ces paroles étaient encore sur ses lèvres, quand une voix retentit du ciel : le pouvoir royal t’est retiré ! Tu vivras parmi les bêtes sauvages pendant sept temps, jusqu’à ce que tu reconnaisses que le Très-Haut est maître de toute royauté humaine et qu’il l’accorde à qui il lui plaît. Aussitôt, la sentence fut exécutée. Il fut chassé du milieu des hommes et se mit à manger de l’herbe. Sa chevelure devint aussi longue que des plumes d’aigle et ses ongles ressemblaient aux griffes des oiseaux (Daniel 4.28-30 ; cp Daniel 5.21).
La démence de Nabuchodonosor que raconte le chapitre 4 a eu lieu vers la fin de ses 43 ans de règne (605-562) après qu’il soit parvenu au sommet de la gloire et qu’il ait terminé les grands travaux qu’il avait entrepris. Plus on s’élève et plus la chute est douloureuse. Le roi est soudainement abaissé au niveau de la bête. Il perd conscience de son humanité, se prend pour un bovin et se comporte comme tel. Bien entendu, les annales babyloniennes passent cet événement sous silence. On suppose que Daniel a organisé une mise à l’écart discrète du roi dans un parc animalier et que lui-même a dirigé le royaume en intérim. Daniel étant d’une intégrité parfaite, il s’est assuré que nul ne profite de la démence du roi pour prendre le pouvoir.
Au terme des sept temps, moi, Nabuchodonosor, je levai les yeux vers le ciel et la raison me revint. Je louai le Très-Haut qui vit éternellement et je proclamai sa gloire, car sa souveraineté est éternelle (Daniel 4.31).