Matthieu 7.1-15
Chapitre 7
Introduction
Si dans la rue un enquêteur vous demandait qu’est-ce qui est le plus important dans votre vie, je parie que vous seriez en mal de répondre et moi aussi, parce que c’est une question posée dans le vide. Il faut la définir en rétrécissant son champ. Pourtant si vous aviez dit être heureux, vous auriez tapé en plein dans le mille, car c’est ainsi que Jésus a commencé le fameux Sermon sur la Montagne. Mais la question qui nous intéresse est : comment parvenir au bonheur ? La réponse de Jésus tient en peu de mots ; il faut que ma relation à Dieu soit la plus authentique possible. En effet, elle peut-être pervertie par le souci de briller aux yeux des hommes ou dévoyée par la soif de posséder des biens matériels. Or ces poursuites insensées sont des formes d’idolâtrie.
Le disciple du Christ doit apprendre à valoriser ce qui est éternel et à choisir Dieu plutôt que ce qui est éphémère. Mais son ennemi mesquin c’est l’inquiétude qui dissimule une part d’orgueil puisqu’elle présuppose la possibilité de gérer sa vie tout seul. Jésus assure ceux qui le suivent que le Père n’est pas un de ces dieux païens dont il faut forcer la main pour qu’il réponde à leurs besoins. Il est le Seigneur de la création dont toutes les créatures dépendent. C’est donc en ayant confiance en lui et en aspirant à voir l’établissement du royaume de justice sur terre que les fils du Père calment leur angoisse du lendemain et trouvent le bonheur.
Verset 1
Dans le chapitre 7 de l’Évangile selon Matthieu Jésus traite la relation des disciples vis-à-vis des autres. Je commence à lire.
Ne jugez pas les autres, pour ne pas être vous-mêmes jugés (Matthieu 7.1).
Ce verset est probablement l’un des passages des Écritures qui sont le plus souvent cités et déformés. Le mot juger peut-être traduit de plusieurs manières : soit condamner, soit discerner entre ce qui est bien et mal, ou encore discipliner. Lorsqu’on examine d’autres déclarations de Jésus et du Nouveau Testament, il est clair que le Christ n’interdit pas tout jugement, ce qu’il désapprouve est une condamnation qui n’est pas selon la justice. Par contre, l’aptitude à discerner entre ce qui est bien et mal, l’illusion et la réalité, le vrai et le faux, ce qui est droit et injuste, est recommandée à maintes reprises tout au long des Textes Sacrés. Je donne 2 exemples :
Cessez donc de juger selon les apparences, et apprenez à porter des jugements conformes à ce qui est juste. Mais c’est bien à vous de juger ceux qui font partie de votre communauté. Ceux du dehors, Dieu les jugera. Mais vous, chassez le méchant du milieu de vous (Jean 7.24 ; 1Corinthiens 5.12-13).
Versets 2-5
Je continue le texte.
Car vous serez jugés vous-mêmes de la manière dont vous aurez jugé, et on vous appliquera la mesure dont vous vous serez servis pour mesurer les autres. Pourquoi vois-tu les grains de sciure dans l’œil de ton frère, alors que tu ne remarques pas la poutre qui est dans le tien ? Comment oses-tu dire à ton frère : « Laisse-moi enlever cette sciure de ton œil, alors qu’il y a une poutre dans le tien » ? Hypocrite ! Commence donc par retirer la poutre de ton œil, alors tu y verras assez clair pour ôter la sciure de l’œil de ton frère (Matthieu 7.2-5).
Nous devons prendre garde à ne pas critiquer à tort et à travers sans connaître les vraies motivations derrière les actes. Juger est délicat et demande beaucoup d’humilité. Une bonne connaissance des Écritures est indispensable avant de se prononcer, surtout lorsque la société dans laquelle on vit a perdu toute notion du bien et du mal. Ce qui est érigé en loi dans un pays peut être une pratique abominable selon les critères divins. Un comportement ne devient pas acceptable parce qu’il est légal. Dieu veut que nous sachions discerner ce qui est conforme à sa volonté et ce qui est une violation de sa sainteté et de sa justice.
Ce que Jésus interdit est un jugement qui provient d’un esprit amer et critique, qui veut se venger, qui s’exalte en abaissant autrui. Il s’élève aussi contre les hypocrites qui condamnent autrui, tout en étant aveugles sur leur propre état. Avant de porter une accusation contre mon prochain, je dois m’assurer que je suis irréprochable pour deux raisons. D’abord, parce que je serais mesuré de la même façon dont j’aurais évalué mon prochain, et ensuite, parce qu’il est facile de me tromper si mes valeurs sont boiteuses ou mes motivations égoïstes. Donc, avant de juger et condamner quiconque, prudence !
Verset 6
Je continue le texte. Gardez-vous de donner aux chiens ce qui est sacré, et ne jetez pas vos perles devant les porcs, de peur qu’ils ne piétinent vos perles et que les chiens ne se retournent contre vous pour vous déchirer (Matthieu 7.6).
Les chiens de Palestine étaient errants et se nourrissaient de déchets, de charognes ou de cadavres. C’était le symbole de l’animal méprisable. Selon la Loi de Moïse, le porc est impur et donc impropre à la consommation. Ces deux bêtes ensemble représentent les moqueurs et les adversaires de Dieu. Les perles sont l’enseignement du Christ. Au cours de son ministère, Jésus a quelques fois refusé de répondre à des questions que ses adversaires lui adressaient parce qu’ils étaient de mauvaise foi. Aucune explication n’aurait changé leur attitude, car ils étaient viscéralement pervertis, aveuglés par leur cœur mauvais. Jésus exhorte ses disciples à évaluer les situations où il est préférable de se taire, car d’une part, la Bonne Nouvelle de Jésus sera profanée et tournée en ridicule par les chiens et les porcs, et d’autre part, le croyant ne doit pas provoquer inutilement la colère de ses adversaires en leur donnant un bâton pour se faire battre. Le croyant doit pouvoir discerner entre ceux qui ont un intérêt pour les réalités spirituelles et les autres.
Voici une histoire véridique. Jack, un membre de la chambre des députés de l’État du Tennessee aux États-Unis, était connu pour être un grand buveur. Puis il devint chrétien et réforma considérablement sa vie. Il s’engagea au service de son Église, tout en restant membre du Parlement. Un jour alors que celui-ci siégeait, un autre membre proposa qu’on entende un sermon de la part de Jack. Tout le monde s’esclaffa. Mais Jack, vif d’esprit, répondit du tac au tac : Je regrette, mais je ne peux rien dire. Mon maître m’a interdit de jeter mes perles devant des pourceaux ! Dans cette région religieuse où tout le monde a quelques connaissances de la Bible, les députés présents comprirent exactement ce qu’il voulait dire et on n’osa jamais plus le tourner en ridicule.
Versets 7-10
Je continue le texte de Matthieu.
Demandez, et vous recevrez ; cherchez, et vous trouverez ; frappez, et l’on vous ouvrira. Car celui qui demande reçoit ; celui qui cherche trouve, et l’on ouvre à celui qui frappe. Qui de vous donnera un caillou à son fils quand celui-ci lui demande du pain ? Ou bien, s’il lui demande un poisson, lui donnera-t-il un serpent ? (Matthieu 7.7-10).
Jésus continue le Sermon sur la Montagne avec des propos sur la prière. Dans le chapitre précédent, Il a déjà expliqué comment prier. Maintenant, Il encourage ceux qui le suivent à s’y consacrer avec ferveur. Ce sujet occupe une place très importante dans son enseignement. Les trois verbes, demandez, cherchez, frappez, sont au présent, ce qui sous-entend que les croyants doivent faire de ces impératifs une habitude journalière.
Jésus insiste et choque afin de bien mettre en avant combien le Père céleste est bon, digne de confiance, et qu’il prend soin de ceux qui l’invoquent. Il ne donnera ni un caillou qui est inutile, ni un serpent qui est dangereux à ses enfants qui s’attendent à Lui. Ma responsabilité en tant que croyant est de prier avec ferveur pour ce que je désire ardemment, et même de frapper à la porte du ciel avec impertinence jusqu’à ce que je l’obtienne.
Verset 11
Je continue.
Si donc, tout mauvais que vous êtes, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, à combien plus forte raison votre Père céleste donnera-t-il de bonnes choses à ceux qui les lui demandent (Matthieu 7.11).
Sachant que Dieu ne désire que son bien, le croyant peut l’invoquer en toute confiance. Mais comme le Père céleste cherche avant tout à développer une relation authentique avec ses enfants, ceux-ci ne doivent pas considérer la prière comme un outil mécanique. Les longues litanies, récitées alors qu’on est à moitié endormi, ne sont pas une façon respectueuse de s’adresser au Dieu du ciel. De plus, même si le Père céleste désire donner à ses enfants ce dont ils ont besoin, il refusera les requêtes qui sont en dehors de sa volonté. Comme il a une vision des choses qui va d’éternité en éternité, quand il dit non, je dois être assuré que c’est pour mon bien ultime même si je ne comprends pas.
De toute façon, si je veux garder ma sérénité, je suis bien obligé de lui faire confiance et ce n’est pas toujours facile, j’en conviens. Dans les sociétés occidentales, la responsabilité parentale bat sérieusement de l’aile. Comme tous deux travaillent, ils rentrent fatigués et aspirent avant tout à la tranquillité et au repos. N’étant pas d’humeur à se bagarrer avec leurs enfants ni à imposer une discipline pourtant salutaire, les parents choisissent la solution de facilité en accédant aux demandes mêmes les plus farfelues de leurs enfants. À long terme, ce laisser-faire risque fort d’entraîner de grosses difficultés de tous ordres.
Verset 12
Je continue.
Faites pour les autres tout ce que vous voudriez qu’ils fassent pour vous, car c’est là tout l’enseignement de la Loi et des prophètes (Matthieu 7.12).
Jésus termine cette section du Sermon avec la règle d’or des relations humaines. Par cette phrase bien connue, Il résume tout son enseignement sur le devoir d’un enfant de Dieu envers son prochain. Ce principe correspond au 2e commandement de la Loi de Moïse que Jésus va citer plus loin avec le premier et qui dit :
Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée. C’est là le commandement le plus grand et le plus important. Et il y en a un second qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même (Matthieu 22.39).
Même si cette façon de me comporter avec les autres est admirable, elle ne me gagnera aucun mérite devant Dieu. En tant que disciple du Christ, c’est mon devoir un point c’est tout. Jésus va maintenant poursuivre son Sermon dans un autre domaine. Il a d’abord traité les comportements religieux que Dieu approuve, puis la relation du disciple aux biens matériels et surtout l’inquiétude qui en résulte. Ensuite, il a examiné en détail le rapport du croyant vis-à-vis des autres. Il a enseigné que la bonté devrait caractériser toutes nos relations et que mes actions ne doivent pas dépendre du caractère aimable de celui que je dois aimer. Mais conscient de ma propre indignité, je dois aider mon prochain sans le condamner. Un tel amour n’est pas aveugle, mais désintéressé.
Le reste du Sermon de Jésus sera consacré à plusieurs avertissements qu’il va donner à ses disciples, mais aussi à la foule assemblée autour de lui. Le premier concerne la question centrale de l’existence humaine : Suis-je réellement citoyen du royaume de Dieu et sur la bonne voie qui conduit à la vie éternelle ? D’après Jésus, très peu de gens sont sur le bon chemin.
Versets 13-14
Je continue le texte.
Entrez par la porte étroite ; en effet, large est la porte et facile la route qui mènent à la perdition. Nombreux sont ceux qui s’y engagent. Mais étroite est la porte et difficile le sentier qui mènent à la vie ! Qu’ils sont peu nombreux ceux qui les trouvent ! (Matthieu 7.13-14).
Cet avertissement vise l’entrée dans les cieux. Jésus place ses auditeurs devant le choix entre deux voies différentes et seulement deux. Auparavant, il avait dit : Cherchez et vous trouverez, frappez et on vous ouvrira ! Et pourtant, peu de gens trouvent la bonne entrée. Par contre, on n’a pas besoin de chercher l’autoroute à multiples voies qui mène à la perdition éternelle parce qu’on y est d’office et sans rien faire. On peut même y amener tout ce qu’on veut sans aucune restriction. Tout est accepté. Cependant, son aboutissement est bien pire qu’une voie sans issue puisqu’elle mène à l’état permanent de mort-vivant. Pour se trouver sur cette route qui mène à la perdition, rien de plus facile. Je peux suivre la tradition religieuse que j’ai héritée de mes aïeux ou adhérer à un athéisme militant, cela ne fait aucune différence et ne rien faire c’est se trouver par défaut sur la mauvaise route.
Pour en sortir, chacun est responsable de chercher la porte étroite. À moi donc de me poser la question : Suis-je sur la bonne voie ? Ces paroles de Jésus ont dû être difficiles à entendre pour les Juifs qui se croyaient en sécurité du fait qu’ils étaient descendants d’Abraham. Pour nous aussi, cette mise en garde dramatique et sévère ne correspond pas à l’idée qu’on se fait du petit Jésus fragile dans sa crèche. Cet enseignement n’était cependant pas nouveau pour ceux qui écoutaient Jésus. En effet, dans la Loi de Moïse et dans le livre des Proverbes, nous lisons :
Voyez, je place aujourd’hui devant vous, d’un côté, la vie et le bonheur, de l’autre, la mort et le malheur. Je prends aujourd’hui le ciel et la terre à témoins : je vous offre le choix entre la vie et la mort, entre la bénédiction et la malédiction. Choisissez donc la vie, afin que vous viviez, vous et vos descendants. Telle voie paraît droite devant un homme, Mais à la fin, c’est la voie de la mort (Deutéronome 30.15, 19 ; Proverbes 14.12).
Jésus fait remarquer que difficile est le sentier qui mène à la vie. C’est à cause du changement radical d’orientation que présuppose la vision du monde qui place Jésus en son centre. Alors que rien n’est exigé de celui qui voyage sur la route large et facile et que tout est admissible, convenable et acceptable, la porte étroite est la personne du Christ. Dans l’Évangile selon saint Jean, Jésus dit de lui : Je suis le chemin, la vérité et la vie ; nul ne vient au Père que par moi. Ce, qui à une époque était un scandale honteux, aujourd’hui ne fait même plus froncer les sourcils. Et comme la tolérance est devenue le maître mot des gens branchés, on s’empresse d’accepter les nouvelles façons de penser et de vivre. C’est ainsi que ce qui choquait les braves gens fait désormais partie de nos us et coutumes.
Dans ce contexte, les paroles du Christ ont quelque chose d’anachronique qui fait l’effet d’une douche glacée. Comme le cheveu proverbial sur la soupe, Jésus est malvenu. Pourtant, c’était un homme bon, doux et humble de cœur qui faisait le bien tout autour de lui, des miracles et des guérisons par milliers. Mais à cause de son enseignement, il fut rejeté, trahi, maltraité et crucifié. Le chemin étroit, qu’il offre en sa personne à ceux qui veulent le suivre, n’est nullement étriqué et triste ; lui-même déclare :
C’est moi qui suis la porte. Celui qui entre par moi sera sauvé : il pourra aller et venir librement, il trouvera de quoi se nourrir. Moi, je suis venu afin que les hommes aient la vie, une vie abondante. Je suis le bon berger. Le bon berger donne sa vie pour ses brebis (Jean 10.9-11).
Verset 15
Je continue le texte.
Gardez-vous des faux prophètes ! Lorsqu’ils vous abordent, ils se donnent l’apparence d’agneaux, mais, en réalité, ce sont des loups féroces (Matthieu 7.15).
Le deuxième avertissement de cette section concerne les faux prophètes. Les Écritures, que ce soit dans l’Ancien ou le Nouveau Testament, mettent en garde contre les faux frères et les porte-parole trompeurs. L’apôtre Pierre écrit :
Autrefois, il y a eu des prophètes de mensonge parmi le peuple d’Israël ; il en sera de même parmi vous. Ces enseignants de mensonge introduiront subtilement parmi vous des erreurs qui mènent à la perdition. Ils renieront le Maître qui les a rachetés et attireront ainsi sur eux une perdition soudaine. Beaucoup de gens les suivront dans leur immoralité et, à cause d’eux, la voie de la vérité sera discréditée (2Pierre 2.1).
Toute imitation pour tromper doit être bien faite. Ainsi, le Nouveau Testament enseigne que même Satan se déguise en ange de lumière et ses acolytes les démons en prédicateurs de la justice. L’apparence d’agneau est une parure d’innocence, de douceur et d’humilité. Mais sous le déguisement, ce sont des loups qui dévorent. Ça fait penser au petit chaperon rouge, sauf que ces faux sont très dangereux. L’apôtre Paul nous avertit disant :
Je le sais : quand je ne serai plus là, des loups féroces se glisseront parmi vous, et ils seront sans pitié pour le troupeau. De vos propres rangs surgiront des hommes qui emploieront un langage mensonger pour se faire des disciples (Actes 20.29-30).
Il n’est donc pas étonnant que le monde religieux de la chrétienté soit une vraie jungle et que la plupart des gens renoncent à chercher la porte étroite.
Commentaire biblique radiophonique écrit par le pasteur et docteur en théologie : Vernon McGee (1904-1988) et traduit par le pasteur Jacques Iosti.