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02 nov. 2026

Malachie

Livre du prophète Malachie

Introduction

Au 21e siècle, pour réussir dans la vie et laisser une marque de son passage sur terre, il faut faire son trou, c’est à dire attirer les regards et briller. Alors on a droit à une médaille voire même plusieurs de son vivant ou à titre posthume, et une rue ou une école est baptisée à son nom. Alors on a vraiment réussi sa vie.

Tous les prophètes de l’Éternel veulent se faire remarquer et ils donnent de la voix afin qu’on les écoute, mais seulement en tant que héraut, annonceur et proclamateur au service de leur Maître, le Dieu créateur qui les a choisis pour cette fonction. Les prophètes ne sont pas des « m’as-tu-vu », ils ne paraissent pas pour eux-mêmes. D’ailleurs, certains d’entre eux sont tellement effacés qu’ils ne révèlent que le strict minimum de leur identité : leur nom. Les prophètes Abdias et Habaquq par exemple ne font état ni de père ou de mère, ni de leur lieu d’origine. « Malachie » pousse la discrétion encore plus loin puisqu’il ne donne de lui-même que le diminutif de son vrai nom (Malachijah). Cependant, même le nom « Malachie » est contesté parce que ce mot signifie simplement « mon messager ». Cela veut dire que Malachie peut être compris non pas comme un nom propre mais comme un substantif ; c’est d’ailleurs le cas au beau milieu de sa prophétie où il dit : « Et bien je vais envoyer mon messager (malachie) pour aplanir la route devant moi ». Par ces paroles, il semble bien que, comme les prophètes Sophonie et Michée (Michée 7.18 ; Sophonie 2.3), Malachie fasse allusion au sens de son propre nom.

Les 70 traducteurs juifs de l’Ancien Testament en grec (la Septante) croient que le dernier livre prophétique a bel et bien été écrit par un homme qui s’appelle Malachie, mais ils traitent quand même son nom comme un substantif et donnent au livre le titre de « mon messager » au lieu de « Malachie ». Histoire de compliquer encore davantage la donne, en hébreu, Malachie peut aussi être rendu par « son ange », et c’est la conviction d’Origène (185-254), un Père de l’Église et un célèbre écrivain et théologien chrétien du 3e siècle, que l’auteur du livre de Malachie est un être céleste.

D’autres grands hommes, comme Jérôme, l’auteur de la traduction des Écritures en latin (la Vulgate) et Père de l’Église lui aussi, ou encore Jean Calvin, pensent que l’auteur de Malachie est le prêtre Esdras. Cependant, vu que nous ne possédons pas la moindre preuve en faveur de cette hypothèse, et vu la différence de style entre les deux auteurs, il n’est guère possible qu’Esdras soit l’auteur du livre de Malachie. Par contre, on peut affirmer avec une quasi-certitude que Malachie est le nom de l’auteur de cette prophétie et que, comme je l’ai déjà dit, c’est un diminutif de son vrai nom qui signifie « l’Éternel est mon messager ». De telles abréviations apparaissent plusieurs fois dans les Écritures et surtout dans les livres historiques (Palti, 1Samuel 25.44 ; Paltiel, 2Samuel 3.15 ; Abi, 2Rois 18.2 ; Abiya, 2Chroniques 29.1).

Tous les livres prophétiques de l’Ancien Testament indiquent le nom de leur auteur et le nom Malachie se trouve exactement dans le titre de son livre, à l’endroit où l’auteur est habituellement nommé. Par ailleurs, on ne risque pas de le confondre avec un autre Malachie puisque dans les Écritures, ce nom n’apparaît nulle part ailleurs. Cela ne veut pourtant pas dire qu’il est un illustre inconnu car on le trouve dans le Talmud qui est le livre rapportant les discussions des rabbins relatives à la loi de Moïse. Cet ouvrage range Malachie avec Zacharie et Aggée, parmi les hommes dits de « la Grande Synagogue «  qui, placés à la tête des Juifs revenus d’exil, ont constitué le Canon de l’Ancien Testament. D’autre part, quelques Pères de l’Église rapportent que Malachie est un lévite originaire du village de Supha dans l’ancien territoire de la tribu de Zabulon, mais il est impossible de vérifier cette information.

Tandis qu’Esdras parle des ministères des prophètes Zacharie et Aggée, ni lui ni Néhémie ne mentionnent Malachie. Pourtant, il est fort probable que la prédication de ce prophète a soutenu les réformes entreprises par le gouverneur Néhémie. En effet, bien que Malachie ne précise pas à quelle date il exerce son ministère, on déduit facilement qu’il prophétise parmi les Israélites sous l’Empire perse. Premièrement, il utilise pour « gouverneur » (Malachie 1.8), un mot qui est en usage sous la domination perse.

Deuxièmement, on s’aperçoit que le temple de Jérusalem est rebâti et fonctionne (Malachie 1.10 ; 3.1, 10) puisque les cérémonies rituelles y ont lieu régulièrement (Malachie 1.7ss, 12-14) même si c’est du bout des lèvres et sans conviction ni dévotion. Il faut dire en effet que l’enthousiasme qu’a suscité la reconstruction du temple et la reprise des célébrations cultuelles est retombé bien vite et est au point mort parce que les Israélites ne voient pas se réaliser les promesses glorieuses des prophètes d’antan. Il est vrai que les malheurs qu’ils ont annoncés concernant la nation d’Édom ont eu lieu puisque ce royaume a disparu (Malachie 1.2-5) conquis par des peuplades arabes appelées « Nabatéens ». Mais le malheur des uns ne fait pas forcément le bonheur des autres. Le peuple de Dieu voit son horizon obstrué ; il est dans un tunnel sans en voir le fond ; il est toujours sous la botte d’un empire païen et les Juifs tirent la langue pour survivre.

Si l’Éternel appelle Malachie à un ministère prophétique, c’est parce que les Israélites ne se comportent pas comme le peuple de Dieu. Les problèmes que Malachie soulève sont en grande partie les mêmes que ceux qu’ont rencontrés Esdras et surtout Néhémie : la corruption des prêtres (Malachie 1.6-2.9 ; comparez Esdras 10.18 et suivants ; Néhémie 13.7-9), les divorces puis remariages mais avec des femmes païennes (Malachie 2.11-15 ; comparez Néhémie 13.23-27), le non-paiement des dîmes au trésor du temple (Malachie 3.8-10 ; comparez Néhémie 13.10-14), ainsi que d’autres violations flagrantes de la Loi, que ce soit envers l’Éternel ou des individus (Malachie 3.5 ; comparez Néhémie 5.1-5). Ce qui est étonnant dans tout ça est que Malachie ne mentionne ni Esdras ni Néhémie et comme je l’ai dit, l’inverse est tout aussi vrai et surprenant.

On sait que le prêtre Esdras est arrivé à Jérusalem en l’an 458 avant Jésus-Christ et s’est attaqué au problème des Israélites qui ont pris des païennes pour femmes (Esdras 10). Mais les mesures pourtant drastiques qu’il prend n’ont qu’un effet provisoire. Quant à Néhémie, il arrive à Jérusalem en l’an 445, mais douze à treize ans plus tard (la 32e année de règne d’Artaxerxès), il doit s’absenter et retourner à Suze ou à Babylone (Néhémie 32.6), sans doute pour rendre compte de ses activités en tant qu’administrateur de la Judée comme c’est alors la coutume perse. Il faut aussi qu’il remette les pendules à l’heure au plus haut niveau de l’État parce que pendant son absence, plusieurs mauvaises langues influentes et très antagonistes à l’égard des Juifs de Palestine, les ont violemment critiqués devant l’empereur.

Après un séjour d’une durée indéterminée mais sans doute de plusieurs années, Néhémie revient à Jérusalem où il est à nouveau confronté à certains des problèmes que j’ai mentionnés. Comme après son retour en Terre promise, plus aucune mention n’est faite du prêtre Esdras, c’est que ce brave homme très pieux n’est sans doute plus de ce monde. Ayant perdu le soutien de son ami, qui de plus est spécialiste de la Loi, Néhémie aurait dû régler tout seul un ensemble de difficultés de tous ordres si l’Éternel n’avait pas envoyé le prophète Malachie pour le seconder, voire le précéder. En effet, non seulement, tout porte à croire que ces deux hommes sont contemporains, mais il est également probable que Malachie ait exercé la première partie de son ministère pendant l’absence de Néhémie. Cet état de fait explique par ailleurs pourquoi Néhémie ne mentionne pas Malachie et Malachie ne mentionne pas Néhémie dans les livres qui portent leur nom.

Les prophètes d’avant l’exil, surtout Ésaïe, ont fait état d’une merveilleuse vision du salut que l’Éternel accomplira en faveur de son peuple. Depuis la fin du ministère du prophète Zacharie, environ un siècle s’est écoulé et cela fait plusieurs dizaines d’années que le nouveau temple a été inauguré en grande pompe (en 516 avant Jésus-Christ) mais rien n’a changé. Ne voyant pas se réaliser les promesses de restauration annoncées par les prophètes, depuis Ésaïe jusqu’à Zacharie, beaucoup de Juifs sont désillusionnés et prennent de la distance par rapport au Dieu de leurs ancêtres. Ils se contentent alors d’une pratique religieuse superficielle en laissant de côté les exigences les plus coûteuses, au sens propre du terme (Malachie 3.7-10), de la loi de Moïse, parce qu’elles demandent un engagement personnel envers l’Éternel. Esdras ayant disparu et Néhémie étant retenu en Perse, la situation spirituelle et morale des Israélites s’est gravement détériorée ; la foi et la piété du peuple sont tombées au plus bas. Le livre de Malachie laisse d’ailleurs percevoir la mentalité du peuple de Dieu à l’époque de son ministère, et on constate que l’esprit pharisaïque auquel Jésus est constamment confronté est déjà à l’œuvre. Les Juifs observent bien les rites extérieurs du judaïsme mais c’est seulement pour la forme et sans réelle conviction. Ils ont donc vraiment besoin d’un prophète qui leur annonce la voie droite à suivre et la venue du jugement pour les récalcitrants.

Le livre de Malachie est unique en son genre parce qu’il est structuré sous la forme d’un dialogue. Il se compose de six oracles, tous construits selon le même modèle. Chacun d’entre eux est introduit par l’Éternel qui fait une déclaration concernant sa relation avec les Israélites. À cette déclaration correspond une réplique du peuple. Puis Dieu y répond par la bouche de Malachie, son avocat, qui adresse alors aux Israélites des reproches sévères sur leur conduite souvent odieuse.

Le premier oracle de Malachie (Malachie 1.2-5) réaffirme le choix d’Israël en tant que peuple de Dieu alors que beaucoup de Juifs le mettent en doute. Mais la disparition du royaume d’Édom et le maintien de l’existence d’Israël prouvent bien que les Juifs ont un statut particulier et privilégié par rapport à tous les autres peuples.

Le deuxième oracle de Malachie (1.6-2.9) concerne le culte de l’Éternel qui laisse grandement à désirer. En effet et comme je l’ai dit, il est célébré par pur formalisme avec des animaux chétifs ou présentant un défaut, ce qui montre que les Israélites n’ont aucun respect pour Dieu et se moquent de lui. Même les prêtres qui offrent les sacrifices ne voient dans leur office qu’une source de revenus en viande.

Le troisième oracle de Malachie (2.10-16) dénonce le scandale des hommes, y compris des prêtres, qui divorcent leurs femmes juives pour épouser des femmes païennes vouées aux idoles. C’est le seul oracle où les Israélites ne posent pas de question, probablement parce qu’ils n’osent pas, sachant que trop bien combien ils agissent mal, non seulement vis-à-vis de l’Éternel et de la loi de Moïse, mais aussi par rapport à la loi des hommes. D’ailleurs Malachie les accuse d’être animés d’une haine qui les pousse à une forme de violence aussi grave que s’ils commettaient des actes criminels et se couvraient de sang (Malachie 2.16).

Le quatrième oracle de Malachie (2.17-3.5) répond aux Israélites qui accusent Dieu de ne pas agir avec justice parce qu’il ne punit pas les peuples païens qui les oppressent. L’Éternel annonce alors sa venue pour exercer ses jugements. Mais attention, ces jugements vont commencer par le peuple de Dieu et il a deux effets opposés. Il apporte le salut aux Israélites repentants et fidèles mais le châtiment aux rebelles.

Le cinquième oracle de Malachie (3.6-12) reproche aux Israélites de ne pas payer la dîme au trésor du temple. Le sixième et dernier oracle de Malachie (3.13-24) concerne les doutes et le découragement des Israélites fidèles à l’Éternel. Ces derniers se plaignent de ce que les impies prospèrent alors qu’eux-mêmes sont mal lotis. Dieu répond qu’il tient compte de leur vie droite et qu’un jour il leur fera justice, et alors tout le monde verra et saura qui sont ses fidèles serviteurs.

Le livre de Malachie n’est pas un ouvrage de théologie ; il aborde et tente de résoudre des problèmes graves et concrets l’un après l’autre. Cependant, au début de chaque oracle, le prophète rappelle le caractère de l’Éternel en rapport avec le problème soulevé. Il est le Dieu qui a choisi et aime son peuple (Malachie 1.2), il doit être honoré par les prêtres comme leur maître et un père (Malachie 1.6), il est le Père et créateur des Israélites (Malachie 2.10), il est le Dieu juste qui viendra pour établir la justice dans le monde (Malachie 2.17-3.1), il ne change pas et demeure fidèle à son alliance (Malachie 3.6), il considère la façon de vivre de chacun et le rétribuera en conséquence (Malachie 3.13-21).

Malgré la diversité des sujets traités, un thème qui revient plusieurs fois sous une forme ou sous une autre, directement ou sous-entendu, est celui de l’alliance qui peut être considéré comme un fil conducteur pour tout le livre.

C’est ainsi que dans le premier oracle, il est question de l’élection d’Israël comme peuple de Dieu, un choix qui a été scellé par une alliance qui fait toute la différence entre Israël et les autres peuples.

Le deuxième oracle mentionne l’alliance avec Lévi, l’ancêtre de la tribu sacerdotale (comparez Jérémie 33.18-24). Cette alliance implique des responsabilités pour les descendants de Lévi qui doivent donner l’exemple en menant une vie droite et pieuse qui révère l’Éternel. De plus, ils doivent enseigner la Loi au peuple de manière à ce qu’il lui obéisse (Malachie 2.5-7).

Le troisième oracle mentionne le mariage qui est vu comme une alliance entre un homme et une femme et indirectement entre les conjoints avec l’Éternel comme témoin. Le divorce est donc une double rupture d’alliance, entre les époux et vis-à-vis de Dieu. Le remariage avec des femmes païennes est une rupture de l’alliance conclue par l’Éternel avec les ancêtres du peuple d’Israël, car elle interdit de telles unions afin de prévenir les risques d’idolâtrie et préserver le caractère exclusif du lien entre l’Éternel et son peuple.

Le quatrième oracle annonce la venue d’un personnage appelé « messager de l’alliance » et identifié à Dieu lui-même. Il s’agit bien sûr de Jésus qui est venu pour sceller la nouvelle alliance dans son sang.

Le cinquième oracle qui concerne les dîmes fait indirectement allusion au traité d’alliance selon lequel les Israélites doivent subvenir aux besoins du temple, des Lévites et des prêtres, afin de pouvoir célébrer un culte à l’Éternel conformément au premier et plus grand commandement de la Loi.

Finalement, la fin du livre contient un appel à la fidélité à la Loi de Moïse, la loi de l’alliance (Malachie 3.22).

Concernant « le messager de l’alliance », Ésaïe a déjà parlé de quelqu’un qui devait préparer la venue de l’Éternel (Ésaïe 40.3-5). Malachie annonce que la venue du « messager de l’alliance » sera précédée par un autre messager chargé d’aplanir la route devant lui (Malachie 3.1) et présenté comme un nouvel Élie, Élie étant le prophète du royaume du Nord qui a vainement tenté de ramener les Israélites à leur Dieu. Ce nouvel Élie « ramènera le cœur des pères vers leurs fils et des fils vers leurs pères » ; il appellera le peuple à la repentance, c’est à dire à changer d’attitude dans ses rapports sociaux.

Dans le Nouveau Testament, ce précurseur du « messager de l’alliance » est plusieurs fois identifié à Jean-Baptiste (Matthieu 11.13-14 ; 17.10-13 ; Marc 9.11-13 ; Luc 1.17). Étant donné que Jean Baptiste a préparé le terrain devant Jésus, « le messager de l’alliance » n’est autre que le Christ. Dans son évangile, Luc s’inspire d’un passage de Malachie (Malachie 3.1-3) quand parlant de Jean Baptiste, il écrit qu’il a dit au peuple :

Moi je vous baptise dans l’eau. Mais quelqu’un va venir, qui est plus puissant que moi. […] Lui, il vous baptisera dans le Saint-Esprit et le feu. Il tient en main sa pelle à vanner, pour nettoyer son aire de battage, et il amassera le blé dans son grenier. Quant à la bale, il la brûlera dans un feu qui ne s’éteindra jamais (Luc 3.16-17).

Malachie est le dernier des prophètes écrivains de l’Ancien Testament. Après son ministère, le peuple de Dieu connaît plus de quatre siècles et demi de silence prophétique jusqu’à ce que paraisse le nouvel Élie, Jean-Baptiste, lui aussi prophète de l’Éternel. En annonçant la venue du « messager de l’alliance », Malachie laisse l’Ancienne Alliance en suspens et invite le lecteur à se tourner vers la Nouvelle Alliance.

Commentaire biblique radiophonique écrit par le pasteur et docteur en théologie : Vernon McGee (1904-1988) et traduit par le pasteur Jacques Iosti.

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