Lévitique 1.1
Chapitre 1
Introduction 1
Les mots « genèse » et « exode » font partie du langage courant et ne sont donc pas inconnus du grand public. Ce sont aussi les titres des deux premiers livres écrits par Moïse. Par contre, le troisième à un nom qui nous est bien moins familier puisqu’il s’appelle le Lévitique. C’est le troisième des cinq livres composant la loi de Moïse aussi appelée le Pentateuque. Elle était divisée en 54 sections pour la lecture dans la synagogue; le Lévitique en contient dix sur les 54. Les anciens Juifs appelaient ce livre « le code des sacrificateurs » ou « la loi des offrandes. » Plus tard, les Juifs lui donnent le nom du premier mot du livre (Wayyiqra) qui signifie « et appela ». Le titre français vient de la version grecque des “Septante”. A strictement parler, il est inexact puisqu’il n’est question des lévites qu’une seule fois (Lévitique 25.32). Cependant, dans un sens général, ce titre est approprié, car les prêtres ou sacrificateurs que concerne ce livre sont des Lévites. Le titre « et appela » est un mot intéressant parce qu’il a pratiquement la même signification que le terme « église » qui provient du grec Ekklésia qui est le mot pour assemblée, mais qui veut littéralement dire appelés hors de. Dans le Nouveau Testament, Ekklésia, église, désigne soit la totalité des croyants chrétiens, soit ceux d’un lieu géographique précis. Tout ça pour dire qu’il existe une certaine similarité entre l’enseignement contenu dans le Lévitique qui concerne les Israélites, et la foi chrétienne qui s’adresse au monde entier. Cependant, le contraste entre l’évangile et le livre du Lévitique est saisissant. Alors que le premier révèle le Dieu Tout-Puissant en chair et en os en la personne de Jésus, le livre du Lévitique énonce les règles complexes, exigeantes et inefficaces de la loi de Moïse qui devaient préparer les Israélites à recevoir leur Messie. Je lis quelques passages du Nouveau Testament :
L’observance des jours de fête, des nouvelles lunes ou des sabbats. Tout cela n’était que l’ombre des choses à venir : la réalité est en Christ. Les prêtres sont au service d’un sanctuaire qui n’est qu’une image, que l’ombre du sanctuaire céleste. La Loi de Moïse ne possède qu’une ombre des biens à venir et non pas l’image même de ces réalités. Elle ne peut donc en aucun cas amener à la perfection ceux qui s’approchent ainsi de Dieu (Colossiens 2.17 ; Hébreux 8.5 ; 10.1).
Au travers des siècles, pourtant, bon nombre de théologiens considèrent le Lévitique comme l’un des livres les plus importants des Textes Sacrés, car une bonne compréhension de son message mettrait fin à toutes les sectes dégénérées issues du christianisme.
Le Lévitique fait partie des livres de la loi rédigés par Moïse, ce qu’il affirme lui-même, puisqu’on y trouve plus de trente fois la formule: L’Eternel parla à Moïse. On sait aussi que les institutions du Lévitique comme d’ailleurs la terminologie juridique des cinq livres de la loi, correspondent à celles des codes mésopotamiens du deuxième millénaire avant Jésus-Christ, qui est aussi l’époque d’Abraham; cependant, ils avaient toujours cours cinq siècles plus tard, au temps de Moïse.
Le Lévitique s’ouvre alors que les Israélites font du sur-place, marquant le temps au pied du Mont Sinaï, qui est le lieu géographique où commencent et finissent le livre. Les douze tribus, treize en réalité, se préparent à pénétrer dans le pays promis, le pays de Canaan, la Palestine. Après avoir délivré son peuple du joug des Egyptiens, l’Eternel est venu faire sa demeure au milieu de son camp, dans une sorte de grande tente appelée : tabernacle. C’est là pour Israël un immense honneur ainsi qu’une source de grandes bénédictions. Mais à ce privilège de posséder Dieu si près de soi s’attache aussi un réel danger, car ce peuple est souillé. Comment des hommes coupables peuvent ils bénéficier de la présence au milieu d’eux d’un Dieu saint ? Il faut pour cela que les Israélites acceptent d’obéir aux règles et commandements stricts que l’Eternel va établir, ce qui est le but des institutions qui sont mises en place dans le livre du Lévitique.
« Je suis l’Eternel qui vous rend saint » est sans doute la phrase qui résume le mieux ce livre en quelques mots. Le Lévitique se présente donc clairement comme la suite de l’Exode, qui se termine par le récit de la fabrication très minutieuse du tabernacle ainsi que de sa mise en service. Le Lévitique fait le récit des cérémonies qui doivent être célébrées à l’occasion de l’entrée en service des prêtres en exécution aux ordres donnés par l’Eternel à Moïse. Le contenu du livre suit une certaine logique. Maintenant que le tabernacle est fabriqué, le Lévitique indique à quoi il va servir, ce qu’on doit y faire. La première section du livre explique le rituel sacrificiel avec tout d’abord l’entrée en fonction des prêtres qui est décrite par la description des cérémonies de leur investiture et du début de leur prise de fonction au tabernacle. Des règles de pureté rituelle précisent ensuite les conditions que l’Israélite doit respecter pour pouvoir rendre un culte à son Dieu; l’un des chapitres est entièrement consacré au rituel du jour le plus important et le plus solennel de l’année cultuelle juive, le Jour des expiations ou Yom Kippour (Lévitique 23).
Dans son ensemble, le Lévitique contient essentiellement des textes législatifs. Ceux-ci sont cependant insérés dans le cadre du récit de Moïse qui continue à faire le pont, le trait d’union, entre l’Eternel et son peuple. Le livre rappelle que les règles du culte tirent leur sens de l’arrière plan historique de la nation qui a été fondée sur la base d’une alliance entre l’Eternel et Israël sur le mont Sinaï. C’est là en effet, que le Seigneur du ciel et de la terre, en tant que suzerain a établi un contrat avec la nation hébraïque, son vassal. Toutes les règles complexes et contraignantes du Lévitique ont pour raison d’être la cohabitation du Dieu trois fois saint avec un peuple entaché de multiples fautes ; c’est aussi ce qui fait que le thème central du livre est la sainteté. La quasi totalité de ses 27 chapitres peut être considérée comme un énoncé des conditions que les Israélites doivent remplir afin d’être déclarés saints et acceptés par et pour l’Eternel. Mais qu’est-ce que « être saint « peut bien vouloir dire au XXI ème siècle en Occident, dans une société sécularisée où il est interdit d’interdire, et où tous les tabous sont tombés? En effet, les cheveux peints en bleu, des agrafes métalliques insérées n’importe où, le sexe sans condition, la recherche effrénée du plaisir et des sensations forte, extrêmes laissent tout le monde indifférent et l’oeil éteint. Défendre la notion de sainteté est probablement le seul acte qui puisse encore choquer une génération blasée un maximum. Dire que Dieu est saint signifie qu’il doit faire l’objet d’un culte de la part de tous les hommes et qu’ils doivent avoir pour Lui la révérence et la vénération qui sont dues à la divinité seule, tout comme les Textes Sacrés l’enseigne. La sainteté appelle le plus profond respect et l’adoration. La sainteté est un concept proche de celui du sacré. Or, on se tient à distance du sacré, en étant sur ses gardes et en s’inclinant bien bas. Lorsque l’Eternel appelle Moïse du milieu du buisson ardent, Il lui a dit d’ôter ses sandales car le lieu sur lequel il marchait était sacré du fait de sa présence. Que Dieu soit saint implique donc que je ne m’approche pas de Lui n’importe comment ; il y a des conditions de pureté personnelle à remplir, et des signes de la plus grande déférence à respecter afin de pouvoir se tenir en présence de Dieu et l’adorer. Déclarer saint quelqu’un, c’est lui assigner un rôle cultuel. Israël est saint dans le sens qu’il a pour vocation de rendre un culte à Dieu mais chaque Israélite en tant qu’individu doit le devenir dans sa conduite personnelle afin que le culte qu’il rend à l’Eternel soit acceptable. La sainteté est tellement importante que le livre de l’Exode rapporte que Dieu a dit à Moïse : Mais vous, vous serez pour moi un royaume de prêtres, une nation sainte. » Telles sont les paroles que tu transmettras aux Israélites (Exode 19.6; comparer 1 Pierre 2.9).
Quant à ceux qui en Israël occupent la fonction de prêtres, ils sont saints de manière particulière. Ils doivent obéir à des règles plus strictes que le peuple parce qu’ils ont un rôle cultuel que ne peuvent jouer les autres Israélites. Pour commencer, ne sont pas prêtres ceux qui le veulent car ils faut qu’ils fassent obligatoirement partie de la famille sacerdotale d’Aaron de la tribu de Lévi. Ensuite, ils doivent être irréprochables au niveau de leur sainteté personnelle à cause des fonctions qu’ils sont appelés à remplir auprès des autres Israélites. Ils peuvent offrir les sacrifices, faire l’aspersion du sang des victimes et accomplir diverses tâches à l’intérieur du tabernacle. Il y a donc divers degrés de sainteté: celui du simple Hébreu, celui du lévite qui porte les objets sacrés, celui du prêtre qui officie lors du culte et enfin celui du grand-prêtre auquel certains actes très spécifiques sont exclusivement réservés. Être saint c’est donc respecter certaines règles afin de pouvoir se rendre agréable à Dieu. Parce que Lui est saint et que je ne le suis pas, je ne peux vivre en Sa présence ni m’approcher de Lui comme je le ferai d’un être humain. Tel est le sens de la phrase à l’impératif qui dans le Lévitique est répété à plusieurs reprises : « Soyez saints, car je suis saint (Lévitique 11.44,45) ! » A partir du sanctuaire, un autre mot pour le tabernacle, la sainteté doit se répandre dans toute la vie de tous les Hébreux. Le péché, ce mot désuet peut-être, mais dont la signification n’a pas changée, le péché, doit être continuellement contenu, refoulé, supprimé, et expié par le sang d’un animal égorgé. Si le peuple prend à coeur cette parole : « Soyez saints, car je suis saint!, » il y aura pour lui prospérité spirituelle et temporelle. Chez les peuples païens, les conditions de sainteté étaient avant tout rituelles. Mais l’une des particularités de la loi de Moïse est de faire une large place à des conditions d’ordre moral qui sont d’ailleurs rappelées et développées dans le Nouveau Testa,emt. Les règles de pureté rituelle, souvent très contraignantes, sont un moyen de faire comprendre aux Israélites ce que représente pour Dieu leur impureté morale. Quand des lieux, des objets ou des personnes sont consacrés, cela veut dire qu’on leur assigne une fonction cultuelle par certains rites particuliers comme asperger de sang le peuple ou oindre d’huile les prêtres, par exemple. Le but du Lévitique est donc d’énoncer les règles qui permettent au peuple d’atteindre l’état de sainteté et par là de s’approcher de Dieu. Voilà pourquoi, sacrifices, rituel, liturgie, instructions, purifications, convocations, jours saints, observations, conditions en tous genres, et avertissements remplissent ce livre. C’est ainsi que nous sont donnée toute une série d’impuretés qui ne peuvent être lavées que par des sacrifices et qui se produisent à des occasions ordinaires ou extraordinaires de la vie comme le mariage, la naissance ou la mort par exemple. Toutes les souillures de quelque ordre que ce soit doivent être évitées autant que possible ou expiées, par celui qui veut demeurer au bénéfice des institutions bienfaisantes en vigueur en Israël. Enfin, dans un dernier groupe d’ordonnances, il est question des solennités religieuses, du sabbat, des trois grandes fêtes annuelles, des années sabbatiques et du jubilé, des festivités qui sont destinées à entretenir la piété nationale en réveillant périodiquement en chaque Israélite, le sentiment de sainteté dans lequel il doit vivre. S’il profite de ces institutions, la bénédiction divine le comblera de biens, mais dans le cas contraire, la sainteté de son Dieu deviendra la cause de sa ruine. Toutes les prescriptions contenues dans le Lévitique maintiennent une stricte distinction entre le sacré et le profane, signe de la distance qui subsiste entre l’Eternel et Son peuple. En définissant les conditions de sainteté, ce livre s’adresse d’abord aux Israélites afin de leur permettre de vivre leur relation d’alliance avec l’Eternel et d’accomplir leur vocation de Lui rendre un culte. Mais comme je dois aussi être saint, le Lévitique me concerne, moi, homme occidental du XXI ème siècle. Il faut bien voir que l’Israélite coupable, comme moi d’ailleurs, doit pouvoir s’approcher de l’Eternel. Sans l’ombre d’un doute, il en est indigne, mais Dieu lui donne le droit de se purifier en offrant le sang d’un animal sans défaut, et cela par les mains des hommes consacrés dans ce but ; ce sont les prêtres de la famille sacerdotale d’Aaron de la tribu de Lévi.
Il est vrai que certaines souillures proviennent de l’infirmité de la nature humaine et de la maladie, mais au fond de toutes ces impuretés particulières, il y en a une qui est générale et qui s’étend à toutes les activités et domaines de la vie et à tous les membres du peuple, y compris le grand-prêtre, ce qui fait que tout ce que touche l’homme, y compris le tabernacle, devient impur. Il faut donc une grande purification générale et collective, qu’il faut répéter d’année en année; c’est celle qui s’accomplit le jour des Expiations aussi appelé Iom Kippour. Cette institution est le couronnement de toutes celles qui concernent les maintes catégories de purification. Le livre du Lévitique enseigne que le chemin qui va au Dieu des cieux passe obligatoirement par le sacrifice. La raison est que le peuple commet continuellement des fautes qui déshonorent Dieu et compromettent sa sainteté. La souillure quelle qu’elle soit exige une réparation, et elle se fait par le sang. C’est là le rôle des sacrifices qui ont avant tout une valeur expiatoire mais aussi substitutive puisque la victime prend la place de l’adorateur qui transfère sur elle sa culpabilité. Parfois, l’Israélite doit même poser ses mains sur l’animal en confessant sa faute. La valeur des sacrifices et ce qu’ils accomplissent est exprimée par l’expression: « odeur apaisante pour l’Eternel; (Exode 29.18; etc..) », que l’on rencontre au moins neuf fois et même à propos de l’offrande végétale. Le fumet qui se dégage de la chair ou des offrandes brûlées monte vers l’Eternel et apaise sa colère envers les coupables. Le système sacrificiel enseigne donc que les fautes ne se réduisent pas à un acte qui peut être englouti dans le passé; le péché ne s’oublie pas et nécessite une expiation sans laquelle il ne peut y avoir réparation du dommage subit par la sainteté de Dieu. Mais sous le régime de l’Ancien Testament, cette réparation est très imparfaite car elle est accordée à crédit, pour ainsi dire, en attendant le parfait sacrifice, celui du Christ. L’inefficacité des rites du système sacrificiel lévitique, pourtant complexes et contraignants, est soulignée à plusieurs reprises dans le Nouveau Testament et en particulier par l’auteur de l’épître aux Hébreux qui écrit par exemple : Il est impossible que du sang de taureaux et de boucs ôte les péchés (Hébreux 10.4). Cette parole est un grand coup de massue ; elle tombe comme le tranchant d’une hache. En outre, les sacrifices ne concernent que des fautes involontaires ou réparables, tandis que les crimes graves sont sanctionnés par la peine capitale. En parcourant le Lévitique, on est frappé par la quantité astronomique des sacrifices qui doivent être offerts, par les limites de leur pouvoir, et par le fait qu’ils n’ôtent pas vraiment la faute, mais la couvrent seulement de manière à ce qu’elle soit voilée aux yeux de Dieu, en attendant le sacrifice parfait de Jésus. Ce livre révèle les limites des institutions cultuelles établies par Moïse sur l’ordre de l’Eternel, et la nécessité d’un moyen autrement plus efficace pour régler véritablement et définitivement le problème du péché de l’homme et de sa culpabilité envers son Créateur. La solution est bien sûr la mort expiatoire du Christ. Le Nouveau Testament considère d’ailleurs tout le rituel établi par Moïse comme une préfiguration de l’œuvre de Jésus sur la croix. Vu sous cet angle, le Lévitique rehausse encore davantage la valeur infinie du Christ car il a accompli une oeuvre que le système lévitique ne pouvait réaliser. Jésus a réellement effacé une fois pour toutes, la totalité des fautes passées, présentes et futures de tous ceux qui placent en Lui et en Lui seul, leur confiance. Sa dernière parole sur la croix est un seul mot en grec et il est traduit par: Tout est accompli! En fait, ce mot était utilisé pour dire qu’une facture était payée dans sa totalité. On peut donc dire que le dernier mot du Christ avant de mourir est: Tout est payé!
L’un des thèmes récurrents du Lévitique est l’holocauste. Dans ce sacrifice, la victime est immolée puis dépouillée de sa peau qui est donné au prêtre tandis que tout le reste, la chair et les os, est entièrement consumé par le feu sur l’autel d’airain qui se trouve à l’entrée du tabernacle. L’holocauste est la plus ancienne des offrandes à Dieu connues de l’homme; c’est d’ailleurs cette forme de sacrifice qu’Abel offrit à l’Eternel avant d’être assassiné par son frère Caïn. Noé, Abraham et tous les patriarches offraient des holocaustes. Comme son nom l’indique, il s’agit d’une offrande totale, ce qui est aussi la façon, dont l’apôtre Paul décrit le sacrifice du Christ (Ephésiens 5.2). Sous le régime de l’Ancien Testament, un holocauste était offert pour toute la nation d’Israël matin et soir, et il était double le jour du sabbat ainsi que pour les jours de fête. L’holocauste accompagnait aussi d’autres sacrifices et pouvait être offert par n’importe qui, Israélite ou pas. Trois catégories de victimes convenaient: d’abord des bœufs ou des taureaux; deuxièmement, des moutons, brebis, béliers, ou agneaux, des boucs ou des chevreaux, et troisièmement, des oiseaux: tourterelles ou pigeons. Le choix de l’animal était fonction des ressources de l’adorateur qui faisait l’offrande, mais aussi de sa générosité envers l’Éternel. C’est bien là que le bât blesse, à l’endroit du porte-feuille. Pourtant, on peut prendre pour exemple la pauvre veuve dont parle Jésus dans l’évangile quand il dit d’elle que dans sa pauvreté, elle a donné tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre (Marc 12.44).
Commentaire biblique radiophonique écrit par le pasteur et docteur en théologie : Vernon McGee (1904-1988) et traduit par le pasteur Jacques Iosti.