Genèse 21.3 – 22.4
Chapitre 21
Introduction
Rabelais, un poète du 16e siècle, fait dire à Gargantua que Rire est le propre de l’homme. Sans doute puisque cette saine activité assume plusieurs fonctions dans la vie : l’embarras, la nervosité, la joie bien sûre, mais aussi le trop-plein émotionnel ou les deux à la fois. Lorsque Dieu avait annoncé à Abraham qu’il aurait un fils de Sara qui était stérile depuis toujours, dans son grand étonnement il avait ri de joie et s’était prosterné devant l’Éternel. D’ailleurs, Isaac signifie il a ri.
Cette naissance de l’enfant de la promesse est d’une importance capitale dans le livre de la Genèse, parce qu’Isaac est le grand-père des 12 patriarches d’où seront issues les 12 tribus d’Israël, 13 en réalité. Environ 2 000 ans plus tard, un autre enfant est né, le Christ, le Fils de Dieu et le sauveur du monde. Les naissances d’Isaac et de Jésus furent des occasions de célébration et de grande joie.
Lorsque les prophètes annonçaient la venue du Messie, ils conviaient leurs compatriotes à se réjouir et après la naissance du Christ, des rois mages sont venus célébrer sa venue en apportant des cadeaux somptueux. Isaac préfigurait le Christ. Tous deux furent obéissants à Dieu jusqu’à la mort. Jésus, comme chacun sait, est allé à la croix de son propre gré, tout en faisant la volonté de Dieu, son père. Isaac, alors qu’il était âgé de 33 ans, a accepté que son père l’offre en sacrifice à Dieu, alors qu’il aurait facilement pu se défendre.
Versets 3-7
Je continue à lire dans le chapitre 21 de la Genèse.
Abraham appela ce fils qui lui était né de Sara : Isaac. Il le circoncit à l’âge de huit jours, comme Dieu le lui avait ordonné. Abraham avait cent ans au moment de la naissance d’Isaac. Sara dit alors : Dieu m’a donné une occasion de rire, et tous ceux qui l’apprendront riront à mon sujet. Elle ajouta : Qui aurait dit à Abraham qu’un jour Sara allaiterait des enfants ? Et cependant, je lui ai donné un fils dans sa vieillesse (Genèse 21.3-7).
Le rire de Sara exprime une joyeuse surprise symbolisée dans le nom Isaac qui comme je l’ai dit signifie il a ri. Cette naissance était due à une intervention divine autant que celle du Christ, puisque l’une comme l’autre était contre nature. Marie a conçu Jésus alors qu’elle était vierge et Sara était non seulement stérile, mais avait depuis longtemps dépassé l’âge de concevoir. Mais maintenant, son humiliation était remplacée par la fierté d’être mère.
Verset 8
Je continue.
L’enfant grandit et Sara cessa de l’allaiter. Le jour où l’on sevra Isaac, Abraham fit un grand festin (Genèse 21.8).
Le corps de Sara avait littéralement retrouvé une seconde jeunesse puisque non seulement elle donna naissance, mais en plus elle l’allaitait son fils. Dans le Proche-Orient ancien, les enfants étaient sevrés entre 2 et 3 ans ce qui était une occasion de grandes réjouissances.
Versets 9-10
Je continue.
Sara vit se moquer le fils qu’Agar l’Égyptienne avait donné à Abraham. Alors elle dit à Abraham : Chasse cette esclave et son fils, car celui-ci ne doit pas partager l’héritage avec mon fils Isaac (Genèse 21.9-10).
Les problèmes commencent. Jusque-là, Ismaël paraissait un garçon plutôt sympathique, mais l’arrivée d’Isaac suscita en lui de la jalousie ce qui est d’autant plus compréhensible que son demi-frère était le fils promis par Dieu de la femme légitime d’Abraham, alors que lui n’était que l’enfant d’une servante. Maintenant qu’elle a son propre fils, Sara a du mal à accepter Ismaël, bien qu’il soit le résultat de ses entourloupettes.
Alors, elle saisit cette occasion rêvée pour se débarrasser de lui ; elle ne veut aucune sorte de compétition avec Isaac. Mère possessive, Sara se comporte en peau de vache. Pourtant, sa jalousie et sa colère, bien que répréhensibles, accomplissent la volonté de Dieu. En effet, un texte du Nouveau Testament fait référence à cet incident entre Sara et Ismaël et confirme le choix divin. Je lis le passage :
Renvoie l’esclave avec son fils, car le fils de l’esclave n’aura aucune part avec le fils de la femme libre (Galates 4.30).
Versets 11-13
Je continue le texte.
Cette parole affligea beaucoup Abraham, à cause de son fils Ishmaël. Mais Dieu lui dit : Ne t’afflige pas à cause du garçon et de ta servante. Accorde à Sara tout ce qu’elle te demandera. Car c’est par Isaac que te sera suscitée une descendance. Néanmoins, je ferai aussi du fils de l’esclave l’ancêtre d’une nation, car lui aussi est issu de toi (Genèse 21.11-13).
Un texte du Nouveau Testament confirme ce choix divin entre ces deux enfants, entre celui conçu d’une servante de la façon la plus naturelle et l’autre issu de la promesse de Dieu né de manière miraculeuse. Je lis le passage :
Ceux qui descendent d’Abraham ne sont pas tous ses enfants. Car Dieu dit à Abraham : C’est la postérité d’Isaac qui sera appelée ta descendance. Seuls les enfants nés selon la promesse sont considérés comme sa descendance (Romains 9.7-9).
Abraham se sent coincé entre Ismaël son fils aîné, qui est autant de sa chair qu’Isaac, et Sara qui ne veut rien avoir à faire avec le premier. Le patriarche s’est attaché à son garçon qui est maintenant un adolescent ; ces deux hommes ont fait beaucoup de choses ensemble. On peut être sûr que le père a déjà enseigné à son fils tout ce qui concerne le soin des troupeaux, et puis ils sont allés à la chasse ensemble. Bref, le patriarche a le cœur brisé et ne veut pas se séparer de son premier-né. De plus, les coutumes de l’époque interdisaient l’expulsion arbitraire du fils d’une servante ce qui ne fait que mettre du vinaigre sur la plaie.
En ce temps-là dans le Proche-Orient ancien, on suivait les directives du Code d’Hammourabi, le célèbre recueil de lois babyloniennes en vigueur dans toute la Mésopotamie, dont faisait partie la Babylonie, la patrie d’Abraham. Avant que l’archéologie ne découvre ce texte de loi, bon nombre de critiques mettaient en doute la date de rédaction de la Loi de Moïse ; ils se demandaient comment il était possible qu’une législation aussi complète que celle de Moïse ait pu être rédigée à une époque aussi reculée que 1500 ans av. J-C. Mais le Code babylonien d’Hammourabi a fait taire les critiques. En effet, il est à la fois bien plus ancien et plus compliqué que celui de Moïse. Bien des coutumes décrites dans le livre de la Genèse montrent que les usages du Code d’Hammourabi étaient pratiques courantes du temps d’Abraham, 5 siècles avant Moïse.
Versets 14-21
Je continue le texte de la Genèse qui est à la fois dur et touchant :
Le lendemain de bon matin, Abraham prépara du pain et une outre d’eau qu’il donna à Agar en les plaçant sur son épaule ; il lui donna aussi l’enfant et la congédia. Elle partit à l’aventure et s’égara dans le désert de Beer-Chéba. L’eau qui était dans l’outre s’épuisa, alors elle laissa l’enfant sous un buisson et alla s’asseoir à l’écart, à une centaine de mètres plus loin, car elle se disait : Je ne veux pas voir mourir mon enfant. Elle resta assise en face de lui, gémissant et pleurant. Dieu entendit la voix du garçon et l’ange de Dieu appela Agar du haut du ciel et lui dit : Qu’as-tu Agar ? N’aie pas peur, car Dieu a entendu le garçon là où tu l’as laissé. Lève-toi, relève le garçon et prends-le par la main, car je ferai de lui une grande nation. Dieu lui ouvrit les yeux, et elle aperçut un puits. Elle alla remplir d’eau son outre et donna à boire au garçon. Dieu fut avec lui. Il grandit et vécut dans le désert où il devint un habile chasseur à l’arc. Il s’établit dans le désert de Parân, et sa mère choisit pour lui une femme du pays d’Égypte (Genèse 21.14-21).
Ce passage met en avant la prompte obéissance d’Abraham malgré le chagrin qu’il doit éprouver. Cependant, il croit que Dieu fera ce qu’il a promis et donc aura pitié de cette femme chassée, seule et sans ressource. Ismaël va s’établir au nord du Sinaï ; en se mariant avec une Égyptienne il s’éloigne de l’ethnie paternelle pour embrasser celle de sa mère.
À partir d’ici, les Écritures ne suivent plus sa lignée, car elle ne fait pas partie du plan de salut divin. Par contre, ses descendants, les Arabes, joueront un rôle important dans l’histoire du monde. Cet épisode de la vie d’Abraham est important à deux niveaux : d’une part, on assiste à la naissance tant attendue du fils de la promesse, et d’autre part a lieu la séparation définitive et douloureuse pour le patriarche de son fils Ismaël.
Ce texte met en évidence la double fidélité de Dieu : d’une part vis-à-vis d’Abraham et de Sara en leur donnant le fils promis, mais aussi à l’égard d’Agar et d’Ismaël envers lesquels il est plein de sollicitude puisqu’il renouvelle sa promesse de faire de ce garçon une grande nation.
Versets 22-31
Je continue en compressant.
En ce temps-là, Abimélek accompagné de Pikol, chef de son armée, vint trouver Abraham et lui dit : Dieu fait réussir tout ce que tu entreprends. Maintenant donc, jure-moi ici par le nom de Dieu de ne trahir ni moi, ni mes enfants, ni ma descendance, mais d’agir envers moi et envers ce pays où tu séjournes avec la même bonté dont j’ai usé envers toi. Abraham lui répondit : Oui, je le jure. Il saisit l’occasion pour lui faire des reproches au sujet d’un puits dont les serviteurs d’Abimélek, s’étaient emparés. Abimélek répondit : J’ignore qui a fait cela. Toi-même, tu ne m’en avais pas informé et je l’apprends aujourd’hui. Abraham choisit des moutons, des chèvres et des bovins et en fit cadeau à Abimélek et tous deux conclurent ensemble une alliance. Puis Abraham mit à part sept jeunes brebis du troupeau et lui dit : Accepte ces brebis de ma main : cela me servira d’attestation que c’est bien moi qui ai fait creuser ce puits. C’est pourquoi on a appelé ce lieu-là Beer-Chéba, le puits du serment, parce que c’est là que tous deux prêtèrent serment (Genèse 21.22-31).
Ce roi Abimélek, qui qu’il soit, est un homme futé. Il ne connaît pas l’Éternel, mais il a compris qu’Abraham est un personnage hors du commun, parce que protégé par Dieu ce dont il a déjà fait les frais lorsqu’il s’était emparé de Sara. Sans aucun doute, il sait aussi qu’avec ses alliés et ses serviteurs, le patriarche avait vaincu à plat de couture une confédération de 5 rois connue pour être des plus redoutables. La nouvelle avait dû faire son chemin et impressionner tous les despotes en place dont ce roi des Philistins.
Abimélek dit avoir constaté que la bénédiction de Dieu reposait sur tout ce qu’entreprenait Abraham ; tout ce qu’il touche se transforme en or pour ainsi dire ; alors bien sûr on comprend qu’il veuille s’allier avec le patriarche ; je m’imagine que ce roi à l’esprit très pratique s’est dit : si je veux que mon règne prospère sans coup d’état, sans attaque de l’extérieur, j’ai intérêt à me mettre du bon côté d’Abraham ; un allié pareil par les temps qui courent, ça peut s’avérer fort utile. À cette époque, conclure une alliance n’était pas une affaire privée qui se faisait en douce ; tout serment avait lieu en présence d’au moins deux témoins ce qui explique pourquoi Abimélek est accompagné de son chef d’armée.
Abraham de son côté est très débonnaire et veut bien s’allier avec le roi des Philistins. Selon la coutume, le patriarche offre des animaux de ses troupeaux à son partenaire d’alliance qui en les acceptant s’engage à son égard. Abraham profite de cette situation propice pour faire d’une pierre deux coups en réglant le contentieux du puits d’eau. Il fait donc au roi philistin un second présent qui sert de témoignage qu’il est dans son bon droit.
En prenant ces 7 brebis, Abimélek reconnaît publiquement qu’Abraham est le propriétaire légitime du puits qu’il avait creusé. Beer-Chéba qui veut dire : puits du serment, existe encore aujourd’hui et fournit toujours, paraît-il, une eau abondante et d’excellente qualité.
Versets 33-34
Je finis ce chapitre.
Abraham planta un tamaris à Beer-Chéba et il invoqua l’Éternel, le Dieu d’éternité. Il séjourna encore longtemps au pays des Philistins (Genèse 21.33-34).
Les Écritures donnent souvent des détails dont l’intérêt ne saute pas immédiatement aux yeux ; il faut réfléchir. Le tamaris est un arbre gracieux dont le feuillage reste toujours vert et qui croît dans les contrées arides et salées ; il devient très grand et très étalé donc parfait pour donner de l’ombre. Abraham est toujours un étranger dans le pays des Philistins, que Dieu a promis de donner à ses descendants.
En attendant, il possède un puits et a planté cet arbre pour se rappeler de l’alliance et de la promesse de Dieu. Ce tamaris est donc un gage du territoire qui un jour appartiendra à sa postérité. Partout où il va, Abraham invoque l’Éternel son Dieu ; quel bel exemple de persévérance et de foi malgré quelques défaillances en cours de route.
Chapitre 22
Introduction
Nous voici parvenus au chapitre 22, qui est un nouveau sommet de la vie d’Abraham. Dans ce récit, l’Éternel apparaît au patriarche pour la septième et dernière fois ; c’est son ultime épreuve dans laquelle sont testés sa loyauté, son engagement et sa foi. Ensuite, Dieu n’aura plus rien ni à lui révéler ni à lui demander. Il sera satisfait de la conduite de son serviteur et Abraham figurera dans les annales divines comme l’ami de Dieu, l’homme de foi par excellence.
Ce chapitre figure parmi les dix les plus importants des Textes Sacrés ; il enseigne que l’Éternel a tous les droits vis-à-vis de ses créatures, même celui de demander le sacrifice ultime. Cette histoire est aussi symbolique, car elle préfigure et annonce prophétiquement la mort à venir du Christ, le seul sacrifice humain que Dieu n’ait jamais exigé.
Dans ce récit, à l’instant où le couteau va frapper Isaac, Dieu va l’épargner, mais il n’en fut pas de même de son propre fils qui fut offert en sacrifice pour nos fautes.
Verset 1-2
Je commence à lire :
Après ces événements, Dieu mit Abraham à l’épreuve. Il l’appela : Abraham ! Et celui-ci répondit : Me voici. Prends Isaac, ton fils unique, celui que tu aimes, lui dit Dieu, et va au pays de Morija. Là, tu me l’offriras en sacrifice sur l’une des collines, celle que je t’indiquerai (Genèse 22.1-2).
L’expérience spirituelle d’Abraham fut marquée par 4 crises principales, chacune d’elles l’appelant à renoncer à ce qui lui était très cher. Tout d’abord, ce furent son pays, sa ville et sa famille d’origine. Ensuite, il dut se séparer de son neveu Lot, son compagnon dans la foi à qui il était très attaché et qu’il considérait comme son héritier éventuel. En troisième lieu, il dut renoncer à Ismaël et à tous les projets formés à son égard. Finalement, Dieu lui demande d’offrir Isaac en sacrifice et comme pour retourner le poignard dans la plaie il ajoute ton fils unique, celui que tu aimes.
Abraham ne devait pas seulement accepter la mort d’Isaac, mais il devait lui-même l’immoler. Or il n’est plus un enfant, mais un homme, puisqu’il a dépassé la trentaine ; c’est très dur ce que l’Éternel lui demande. Le lieu du sacrifice se nomme Morija ce qui signifie le Seigneur pourvoit, un nom lourd de sens comme la suite le montrera.
Ce territoire a en son centre une colline qui s’appelle aussi Morija ; c’est là que 1 000 ans plus tard sera édifié le temple de Salomon à Jérusalem, qui fut entièrement détruit par les Romains en l’an 70 de notre ère. À sa place, à la fin du 7e siècle, fut construite la coupole du Rocher au dôme entièrement recouvert d’or. Cette mosquée est le plus ancien monument arabe. Quelque part sur cette même colline sans qu’on en connaisse l’endroit exact, se trouve aussi le mont Golgotha où le Christ fut crucifié.
Versets 3-4
Je continue.
Le lendemain, Abraham se leva de grand matin, sella son âne et emmena deux de ses serviteurs ainsi que son fils Isaac ; il fendit du bois pour l’holocauste, puis il se mit en route en direction de l’endroit que Dieu lui avait indiqué. Après trois jours de marche, Abraham levant les yeux, aperçut le lieu dans le lointain (Genèse 22.3-4).
Comme de coutume, lorsque Dieu lui ordonne quoi que ce soit, Abraham obéit sans délai. Je me demande quel était son état d’âme quand au milieu de la nuit il a entendu la demande de l’Éternel, puis s’est levé pour aller réveiller son fils et lui dire qu’ils partaient adorer Dieu sur une montagne. Et Sara et Isaac, dans tout ça, qu’ont-ils pensé ou dit ? Le texte reste muet.
Après avoir tiré son fils du lit, le patriarche va préparer le bois pour l’holocauste qui va brûler la victime, c’est-à-dire son fils. Le patriarche a l’ordre de sacrifier la joie de sa vieillesse, son seul héritier et le porteur des promesses que Dieu lui a faites et il va le faire ; il n’est donc pas étonnant qu’il soit devenu l’archétype de la vraie foi.
Commentaire biblique radiophonique écrit par le pasteur et docteur en théologie : Vernon McGee (1904-1988) et traduit par le pasteur Jacques Iosti.