Aggée 2.13-19
Chapitre 2
Verset 13
William Shakespeare est célèbre dans le monde entier parce qu’il est probablement le plus grand écrivain, poète et dramaturge de langue anglaise. Il a composé de nombreuses pièces de théâtre et j’ai déjà eu l’occasion de citer un passage de Macbeth (créée en 1605) qui fut jouée la première fois en 1623. Dans une scène, Shakespeare décrit Lady Macbeth qui marchant dans son sommeil s’exclame en se frottant la main : « Va-t-en maudite tâche, je te le dis ! … Voilà qu’il y a encore l’odeur de sang : tous les parfums d’Arabie n’adouciront pas cette petite main ». Comme c’est bien vrai. Même si on peut parfois atténuer les injures du temps, tôt ou tard la vieillesse nous emmène tous au tombeau. Tous les parfums d’Arabie n’adouciront pas la petite main de Lady Macbeth et toutes les fragrances du monde ne peuvent rendre un cœur pur. Les hindous croient qu’en se baignant dans le Gange ils purifient leur cœur, mais essayer de se rendre acceptable devant le Dieu du ciel par un rite religieux, c’est comme verser un seau de parfum Chanel # 5 sur un tas de fumier pour qu’il sente bon. La pureté de l’âme ne peut pas s’obtenir en étant ceci ou en faisant cela. Dans le livre des Proverbes, on lit :
Qui osera dire : “ J’ai purifié mon cœur, je suis pur de toute faute ” ? (Proverbes 20.9).
Si par mes propres moyens, il ne m’est pas possible de me rendre propre et digne devant Dieu, je peux par contre très facilement me salir. Je continue de lire dans le livre du prophète Aggée.
(Voici ce que déclare le Seigneur des armées célestes : Demande donc aux prêtres leurs instructions. Dis-leur :)… Alors Aggée redemanda : – Si un homme s’est rendu rituellement impur par le contact d’un cadavre et touche à l’un de ces aliments, ceux-ci seront-ils rendus impurs par là ? – Oui, répondirent les prêtres, ils seront impurs (Aggée 2.13).
Sous la loi de Moïse, toucher un cadavre est l’acte qui procure la plus grave des souillures rituelles parce que ce type d’impureté est lié à la réalité la plus tragique qui soit : la mort qui est la conséquence du péché. Sous le régime de l’Ancienne Alliance, cette souillure dure sept jours et ne peut être purifiée que par une succession de rites complexes et contraignants. Dans le livre des Nombres, on lit :
Voici la loi qu’il convient de suivre si quelqu’un meurt dans une tente : tous ceux qui entrent dans la tente comme tous ceux qui se trouvent déjà dans la tente seront impurs pendant sept jours. Tout récipient ouvert sur lequel il n’y a pas de couvercle attaché sera impur. Si quelqu’un touche dans les champs le cadavre d’un homme tué par un autre ou mort naturellement, ou bien butte sur des ossements humains ou sur une tombe, il sera impur pendant sept jours. Pour le purifier, on prendra des cendres de la vache consumée en sacrifice pour le péché, on les mettra dans un récipient et l’on versera dessus de l’eau de source. Un homme en état de pureté prendra une branche d’hysope et la trempera dans l’eau, en aspergera la tente où quelqu’un est mort, ainsi que tous les ustensiles et toutes les personnes qui s’y trouvaient. Il fera de même pour celui qui a touché des ossements, le cadavre d’un homme tué par un autre ou mort naturellement, ou une tombe. L’homme pur aspergera celui qui est souillé le troisième et le septième jour. Le septième jour, il le purifiera entièrement de sa faute. L’homme impur lavera ses vêtements et se baignera ; et le soir, il sera pur. Mais si l’homme qui s’est souillé néglige de se purifier ainsi, il sera retranché de la communauté, car il souille le sanctuaire de l’Éternel. Puisque l’eau de purification n’a pas été répandue sur lui, il reste impur. Ce sera pour eux une ordonnance en vigueur à perpétuité. Celui qui aura fait l’aspersion de l’eau de purification lavera ses vêtements, et celui qui touchera cette eau sera impur jusqu’au soir. Tout ce que touchera l’homme impur sera impur, et la personne qui le touchera sera impure jusqu’au soir (Nombres 19.14-22).
Une personne rituellement impure communique sa souillure à tout ce qu’elle touche : objet, animal ou être humain. Cette règle de transmission d’un acte coupable, énoncée dans la loi de Moïse nous paraît étrange, mais son but était d’enseigner que nous baignons dans une mare de péchés. La souillure rituelle est semblable aux maladies contagieuses virulentes qui se communiquent facilement d’une personne à l’autre. Aujourd’hui, nous en avons encore beaucoup qui sévissent dans le monde, comme le paludisme ou les MST dont le Sida.
Au Moyen Âge, la peste décime des populations entières parce qu’on ne comprend pas d’où elle vient, comment elle se propage, et donc comment l’enrayer. Tout comme les maladies contagieuses, le péché est un mal qui s’étend inéluctablement si on ne prend pas des mesures draconiennes efficaces pour l’arrêter. Justement, et c’est intéressant de le noter, au Moyen-Âge, les communautés juives sont bien moins exposées aux ravages de la peste parce que les Juifs respectent les règles d’hygiène prescrites par la loi de Moïse. Ils sont très méticuleux et comme pour eux le simple fait d’entrer en contact avec une tombe les rend rituellement impurs, ils ont coutume de badigeonner tous les ans les tombes en blanc afin qu’on les voie de loin et ainsi qu’on évite de les toucher par mégarde. Jésus a d’ailleurs utilisé cette image dans sa condamnation des chefs religieux. Dans l’évangile selon Matthieu, Il dit :
Malheur à vous, spécialistes de la Loi et pharisiens hypocrites ! Vous êtes comme ces tombeaux crépis de blanc, qui sont beaux au-dehors. Mais à l’intérieur, il n’y a qu’ossements de cadavres et pourriture (Matthieu 23.27).
Toute la partie rituelle de la loi de Moïse ne concerne que les Juifs c’est à dire les descendants d’Abraham. De plus, la Loi est entièrement abolie depuis que Jésus est venu pour satisfaire toutes ses exigences, qu’elles soient cérémonielles, spirituelles ou morales. La Loi est remplacé par le Christ dont l’œuvre rédemptrice s’étend à tous les hommes de toutes les cultures de tous les temps. Son sacrifice permet à tous ceux qui se confient en lui d’être pardonnés et d’obtenir un cœur régénéré et pur devant Dieu. Or, rien ne saurait être plus précieux en ce bas monde que de recevoir le pardon de ses péchés. Dans le livre d’Ésaïe, on lit que Dieu dit à son peuple rebelle :
Venez et discutons ensemble, dit l’Éternel : si vos péchés sont rouges comme de l’écarlate, ils deviendront aussi blancs que la neige. Oui, s’ils sont rouges comme la pourpre, ils deviendront aussi blancs que la laine (Ésaïe 1.18).
Le pardon des fautes s’obtient facilement car Dieu n’est pas difficile à vivre. Il suffit de le lui demander et de le recevoir avec simplicité de cœur, comme un enfant qui se reconnaît coupable (Matthieu 18.3). Celui qui confesse sa misère morale et acceptes en son âme et conscience le salut que Jésus offre gratuitement à toute personne qui le souhaite, reçoit la vie éternelle et une nouvelle nature qui est animée du désir de vivre pour Dieu et qui peut vaincre le mal. Dans sa première épître, l’apôtre Pierre écrit :
Vous avez été libérés de cette manière futile de vivre que vous ont transmise vos ancêtres et vous savez à quel prix. Ce n’est pas par des biens qui se dévaluent comme l’argent et l’or. Non, il a fallu que le Christ, tel un agneau pur et sans défaut, verse son sang précieux en sacrifice pour vous (1Pierre 1.18-19).
Verset 14
Je continue le texte.
Alors Aggée reprit et dit : – Ainsi en est-il de ce peuple. Voilà ce qu’est cette nation à mes yeux – l’Éternel le déclare. Ainsi en est-il aussi de toutes leurs réalisations et de tout ce qu’ils m’offrent là (sur l’autel des holocaustes) : c’est impur (Aggée 2.14).
Comme lors du premier discours du prophète (Aggée 1.2), l’Éternel appelle la colonie juive « ce peuple » pour montrer son déplaisir, au lieu de « mon peuple » qui est la formule habituelle.
Après avoir interrogé les prêtres et entendu de leur bouche que la sainteté ne se communique pas, mais que la souillure contamine tout ce qu’elle touche, Aggée en tire une leçon pratique qu’il applique aux Israélites. Tout comme un fruit sain ne peut assainir ceux qui l’entourent, alors qu’un fruit pourri corrompt ceux qu’il touche, les actes cultuels et les sacrifices que les colons offrent ne peuvent compenser leurs fautes et sanctifier leur vie qui est souillée par leur indifférence à l’égard de l’Éternel et de sa maison en ruines.
Leur refus de reprendre la construction du Temple qu’ils avaient interrompue les souille eux-mêmes ainsi que tout ce qu’ils touchent, tant les travaux des champs que les actes cultuels. Ils immolent bien des animaux sur l’autel des holocaustes rétabli voilà déjà dix-huit ans, mais comme ces sacrifices sont offerts par un peuple en état de péché, ils sont impurs, ce qui a eu pour conséquence d’éloigner la bénédiction divine de tous les aspects de la vie des colons.
Ce n’est pas parce que les Israélites sont revenus en Terre sainte qu’ils sont automatiquement sanctifiés. Il faut aussi qu’ils obéissent à l’Éternel en reprenant la construction du Temple. L’arrêt des travaux a constitué une impureté qui a contaminé toute la vie des colons, y compris les travaux agricoles qui ne donnent pas les résultats escomptés.
Ceux qui s’approchent du Dieu trois fois saint doivent eux-mêmes être saints (Lévitique 11.45 ; 1Pierre 1.15). Ce n’est pas un autel ou la Terre promise qui produit une sainteté infuse par contact ou par capillarité. Chaque membre du peuple de Dieu a l’obligation personnelle d’être saint en menant une vie juste au regard de Dieu.
Je me suis demandé pourquoi Aggée fait un discours critique aux colons, discours qu’il va d’ailleurs poursuivre, alors qu’ils viennent justement de reprendre les travaux du temple avec enthousiasme. C’est peut-être pour enfoncer le clou dans un but pédagogique afin qu’ils ne s’avisent plus de négliger à nouveau l’œuvre de Dieu.
Dans l’ancienne version grecque, le verset 14 est suivi d’une longue phrase qui censure l’attitude des colons et qui de toute évidence a été rajoutée par un scribe un peu trop zélé.
À quelques détails près, les cinq versets suivants sont repris par le prophète Zacharie (Zacharie 8.9-13).
Verset 15
Je continue le texte d’Aggée.
Et maintenant considérez à partir de ce jour en remontant en arrière, avant qu’on n’eût repris la construction du temple de l’Éternel (Aggée 2.15 ; auteur).
C’est la troisième fois que le prophète exhorte les colons à fixer leur cœur sur une situation particulière et à bien la considérer. Il renouvellera cet appel encore à deux reprises, soit cinq fois en tout dans son livre (Aggée 1.5, 7 ; 2.15, 18 deux fois).
Ici, Aggée remue le couteau dans la plaie en commentant les années de disette qu’ont connues les colons. Il leur demande de se rappeler des conséquences de leur désobéissance, quand après avoir posé les fondations du Temple sous le règne de Cyrus, ils ont interrompu les travaux de reconstruction. Leur situation a tourné au vinaigre car ils ont alors connu une situation économique désastreuse qui a perduré jusqu’à ce qu’ils reprennent la construction du Temple, suite au premier discours du prophète (le 29 août 520).
Verset 16
Je continue.
(Avant qu’on n’eût repris la construction du temple de l’Éternel,) vous alliez à un tas de blé supposé contenir deux quintaux, mais il n’y en avait qu’un ; vous vous rendiez au pressoir, vous espériez obtenir un hectolitre de vin, et vous ne trouviez que quarante litres (Aggée 2.16).
Aggée a déjà mentionné les récoltes minables des colons quand il a dit :
Vous semez largement mais vous récoltez peu, vous mangez, vous buvez, sans être rassasiés et sans étancher votre soif. – Vous comptiez sur beaucoup, mais vous avez obtenu peu ; vous aviez engrangé ce que vous aviez récolté, et j’ai soufflé dessus (Aggée 1.6, 9).
Ici, le prophète donne des précisions supplémentaires concernant les rendements passés, considérablement moindres qu’escomptés.
Verset 17
Je continue.
Je vous ai châtiés en frappant le fruit de votre travail par diverses maladies des céréales, et par la grêle, mais vous n’êtes pas revenus à moi – l’Éternel le déclare (Aggée 2.17).
Comme précédemment, Dieu assume l’entière responsabilité du désastre économique qui a frappé la colonie juive. C’est « la grêle », un fléau encore très redouté par tous les vignerons, qui a détruit la vigne des colons (Psaumes 48.7). Quant aux céréales, le texte hébreu mentionne deux maladies qui sont la rouille et la nielle. On les trouve dans les malédictions prévues par la Loi (Deutéronome 28.22), puis dans la prière de consécration du Temple par le roi Salomon (1Rois 8.37 ; 2Chroniques 6.28), et enfin sous la plume du prophète Amos qui écrit :
Je vous ai frappés par la rouille et la nielle, et puis j’ai desséché vos jardins et vos vignes ; vos figuiers et vos oliviers ont été dévorés par les criquets. Malgré cela, vous n’êtes pas revenus jusqu’à moi, l’Éternel le déclare (Amos 4.9).
Aggée dit littéralement : « pourtant pas vous vers moi – l’Éternel le déclare », ce qui correspond au passage parallèle du prophète Amos. Dans une société orientée vers l’agriculture, de tels châtiments sont une catastrophe économique qui menace la survie des habitants.
Verset 18
Je continue.
Considérez donc attentivement ce qui va arriver à partir d’aujourd’hui et par la suite, mais réfléchissez d’abord à ce qui est arrivé depuis aujourd’hui qui est le vingt-quatrième jour du neuvième mois, en remontant en arrière jusqu’au jour où la fondation du temple de l’Éternel fut posée. Oui, faites bien attention ! (Aggée 2.18 ; auteur).
Comme en hébreu ce verset est embrouillé, j’ai fait une paraphrase.
C’est la quatrième fois qu’Aggée dit : « considérez attentivement », littéralement : « fixez votre cœur sur », et de plus, il tourne et retourne le couteau dans la plaie en insistant lourdement sur la désobéissance passée des colons juifs. Il termine enfin ses commentaires concernant le châtiment de Dieu, mais il veut que les Israélites reviennent encore une fois en arrière dans leurs pensées et considèrent les années de disette qu’ils ont subies depuis les premiers travaux de restauration du Temple qui avaient été entrepris sous le règne de Cyrus, jusqu’au temps présent qui est le 18 décembre 520, jour du troisième message du prophète.
Aggée leur demande d’embrasser du regard cette période où le peuple a manifestement été privé de la bénédiction divine parce qu’il avait renoncé à reconstruire le Temple. Bien que cela fasse maintenant trois mois que les colons ont repris les travaux (le 21 septembre 520 ; Aggée 1.15), ils ont engrangé une mauvaise récolte parce qu’ils subissent encore les conséquences fâcheuses du jugement de Dieu sur l’année écoulée.
Les suites douloureuses des vieux péchés se prolongent souvent au-delà du moment de la repentance ; c’était vrai pour les croyants sous l’Ancienne Alliance et ça l’est également sous la Nouvelle Alliance. Par exemple, un fumeur invétéré qui accepte Jésus comme son Sauveur peut expérimenter la délivrance du tabagisme, mais il est peu probable qu’il reçoive une nouvelle paire de poumons roses bonbon.
Nous sommes le 18 décembre 520 (Aggée 2.10) et à partir de maintenant, la situation des colons va radicalement changer et pour le mieux, car ils vont expérimenter la bénédiction que Dieu a commencé à verser sur eux dès la reprise des travaux de reconstruction du Temple, mais qui se traduira seulement dans les faits au moment de la prochaine récolte.
Verset 19
Je continue.
Reste-t-il encore de la semence dans vos greniers ? Même si la vigne, le figuier, le grenadier et l’olivier n’ont rien produit, à partir de ce jour-ci, je répandrai ma bénédiction sur vous (Aggée 2.19 ; auteur).
Le grain, le vin et l’huile font alors partie des denrées de base essentielles à la subsistance, tandis que les grenades et les figues sont des aliments de luxe.
À cause du jugement de Dieu, la maigre récolte de l’année précédente qui n’a pas été la proie des insectes et des maladies a été dévorée par les colons et les granges sont vides. Mais à partir de maintenant, place à la bénédiction divine. Et bien qu’il n’y ait encore aucune trace de feuille ou de fruit dans les terres cultivées et sur les arbres, rien par lequel on puisse faire une estimation de la prochaine récolte, l’Éternel promet que celle-ci sera abondante. Dieu promet de bénir abondamment son peuple ce qui se traduira par la fertilité des terres et l’abondance de nourriture. Ces bienfaits font partie des bénédictions de la Loi. Dans le livre du Deutéronome, on lit :
L’Éternel vous bénira en remplissant vos greniers et en faisant réussir tout ce que vous entreprendrez. Oui, l’Éternel votre Dieu vous bénira dans le pays qu’il vous donnera (Deutéronome 28.8).
Et le prophète Malachie écrit :
Apportez donc vos dîmes dans leur totalité dans le trésor du Temple […] mettez-moi à l’épreuve, déclare l’Éternel, le Seigneur des armées célestes : alors vous verrez bien si, de mon côté, je n’ouvre pas pour vous les écluses des cieux, et ne vous comble pas avec surabondance de ma bénédiction. Pour vous, je détruirai l’insecte qui dévore. Il ne détruira plus les produits de vos terres, et vos vignes, dans vos campagnes, ne manqueront plus de leurs fruits, déclare l’Éternel, le Seigneur des armées célestes (Malachie 3.10-11).
Aujourd’hui, dans son arrogance, l’homme moderne prétend ne plus avoir besoin de Dieu. Pourtant, il est totalement dépourvu devant ce qu’il appelle les catastrophes naturelles. Mais le sont-elles vraiment ?
Commentaire biblique radiophonique écrit par le pasteur et docteur en théologie : Vernon McGee (1904-1988) et traduit par le pasteur Jacques Iosti.