#01 Introduction – Paroles du Prédicateur
Les dictons sont la sagesse du peuple et les maximes celle des sages. On rencontre ces deux genres dans le livre des Proverbes mais seul le premier se trouve dans l’Ecclésiaste. Son auteur anonyme parle de jouissances, de luxe, de magnificence, de constructions et de plantations comme à l’époque de Salomon, mais aussi de grand désordre social, d’oppression, de corruption et d’injustice, une situation qui correspond au triste état d’Israël après l’exil. Comme le livre de Malachie, l’Ecclésiaste, qu’on peut traduire par « le prédicateur » fait état d’une piété formaliste, de cultes sans ferveur ni révérence pour Dieu.
Voulant souligner la vanité des biens de ce monde, le prédicateur met ses réflexions dans la bouche de Salomon car, ayant possédé tout ce qu’il pouvait désirer, ce roi avait ressenti leur insuffisance à procurer le bonheur. Cependant, ce n’est là qu’une forme littéraire car l’auteur n’essaie pas de se faire passer pour Salomon.
Le Prédicateur est Israélite. Il a foi en un Dieu unique, transcendant, omnipotent, souverain, généreux, qui a créé un monde bon mais qui est régi par le mal et dans lequel l’homme est dépendant de Dieu. Il a une sagesse très pratique et se demande quel est le vrai bien en ce bas-monde et comment organiser sa vie de manière à réussir et à en retirer un vrai profit.
Le livre des Proverbes a répondu à cette question en l’appliquant à différentes situations de la vie mais ses réponses ne conviennent qu’aux époques d’ordre et de prospérité sous Salomon et quelques- uns de ses successeurs qui ont fait régner la justice et la piété en Israël.
L’Ecclésiaste a toujours soulevé des controverses car il décrit un monde idolâtre et sécularisé, qui est comme une grande foire aux vanités. Il est très pessimiste, semble se contredire et se veut provocateur, mais ses réflexions sont cohérentes avec la réalité. Il se demande que penser, croire et espérer. Il met parfois en doute la Providence car le mal a tout corrompu, l’injustice règne et, le plus souvent, ce sont les impies qui triomphent. Les 72 rabbins qui ont choisi les textes de l’Ancien Testament (synode de Jabné, an 90 de notre ère) ont tout d’abord voulu reléguer l’Ecclésiaste au rang des apocryphes mais, à cause de la conclusion, qui proclame la nécessité de révérer l’Éternel, ils l’ont accepté parmi les Textes Sacrés.
Le prédicateur n’a pas peur de tout mettre en doute et de poser des questions qui dérangent. Il détruit l’illusion que les choses peuvent fondamentalement changer car, ni la sagesse, ni le progrès, ni la jouissance, ni le travail, ni la politique, ni la richesse (1.12-2.23), ni la piété (4.17-5.6) ne permettent d’échapper à la dure condition humaine. Le mal n’a cependant pas détruit tout ce que la création avait de bon. A la lumière des œuvres de Dieu, l’histoire a un sens, même si l’homme ne peut le saisir à cause de ses limitations (3.11).
Le Prédicateur ne fait pas état de ses réflexions de manière systématique mais en parle quand elles se présentent à son esprit, passe d’un sujet à l’autre, puis revient sur ses pas. De temps en temps et, comme essoufflé par cette course haletante, il s’arrête et reprend pied sur le rocher de sa foi en un Dieu juste et bon (2.24-26 ; 3.11-14 ; 5.18-20 ; 9.7-10 ; 12.14-16).
Certaines déclarations sont des refrains comme : « Tout est vanité (Ecclésiaste 1.2 ; 3.19 ; 12.8). Tout est futile et poursuite du vent (Ecclésiaste 1.14, 17 ; 2.11, 17, 26 ; 4.4, 16 ; 6.9). L’homme ne peut rien découvrir, savoir ou connaître (Ecclésiaste 7.14, 28 ; 8.7, 17 ; 9.5, 12, 14 ; 11.2, 5, 6).
L’expression « sous le soleil » apparaît 29 fois et le thème du bonheur 7 fois (2.24 ; 3.12, 22 ; 5.17-19 ; 8.15 ; 9.7-10 ; 11.7-10). Plus de 20 fois le Prédicateur dit : « j’ai vu, j’ai constaté » car son discours s’appuie sur ses observations et son vécu. Même si, pour l’instant, il n’y a rien de nouveau sous le soleil, il nourrit l’espérance d’une condition meilleure pour l’homme (3.11, 21 ; 9.7 ; 12.14). Et effectivement, ce sont les prophètes, puis les apôtres, qui proclamèrent l’œuvre de la rédemption de l’homme et de la création afin de les arracher à leur condition présente futile, frustrante et cruelle.
Le Prédicateur enseigne que la vie apporte du mauvais et du bon, qu’il faut assumer l’existence telle qu’elle est et savoir apprécier les bonnes choses au milieu de toutes les peines et misères. Il ponctue régulièrement son discours d’appels à jouir du bonheur car Dieu accorde aussi des bienfaits à l’homme comme manger, boire et se donner du bon temps avec son épouse (9.9). Mais pour en jouir, l’homme doit les recevoir avec humilité, se plier à sa volonté (11.9-12) et se rappeler qu’un jour il devra lui rendre des comptes (3.17 ; 11.9 ; 12.14). Au final et aux yeux du Prédicateur, la vie vaut la peine d’être vécue (9.4 ; 11.7-8). Il conclut son discours en disant qu’il est essentiel pour l’homme de vénérer Dieu et d’obéir à ses commandements (7.18 ; 8.12) car c’est à l’intérieur de ce cadre que l’homme peut profiter de la vie. Telle est la sagesse de l’Ecclésiaste pour les temps fâcheux de toutes les époques. L’Ecclésiaste est une magnifique leçon de sagesse qui nous enseigne l’art de vivre dans une création soumise à la corruption et à la vanité.